Le réveil des oubliés

Le réveil des oubliés

Traversée d’extraits du discours de Martin Luther King,
«J’ai fait un rêve» est l’un des 16
titres du premier album éponyme «officiel» du
rappeur Lillois Axiom. Ce cd est en l’occurence son second disque
puisque l’artiste avait déjà sorti un net-album de
15 titres téléchargeable gratuitement sur son site.

Connu des médias depuis sa fameuse «Lettre au
Président» de novembre 2005 écrite «à
l’heure […] où le couvre feu résonne»,
Axiom est à nouveau sous le feu des projecteurs (enfin!). Rap
consensuel ou républicain diront certains et pourtant, bien
représentatif d’une nouvelle conscience qui se lève
des cités françaises. Axiom ne cache d’ailleurs pas
ses options politiques. L’objectif: faire naître la 6e
république, pas celle de Royal ou de Bayrou s’entend, mais
celle «d’en bas», celle «de la rue».

Loin des paillettes parisiennes, le rappeur de Lille se bat pour faire
entendre la voix des cités. Sa musique et ses paroles deviennent
l’étendard de cette nouvelle conscience. Avec ce nouvel
album, Axiom s’inscrit clairement dans une tradition culturelle
de la contestation entre Boris Vian et Zola, entre le jazz noir
américain et le rap français. Iconoclastes?
peut-être! Et pourtant…

Le rap n’est néanmoins que l’une des multiples
facettes de ce personnage – il faut l’avouer – assez
attachant. Depuis novembre 2005, il est l’un des portes paroles
du collectif ACLEFEU (Association Collectif Liberté,
Egalité, Fraternité, Ensemble, Unis), né au
lendemain des révoltes sociales qui ont secoué la France.

Lancé sur les routes de l’hexagone, ce collectif a
recueilli les doléances mais aussi les propositions de la France
d’en bas. 13 000 fiches ont été remplies par toutes
sortes de «libres contributeurs/trices». Il s’agit,
comme le soulignent les auteurs, du «plus grand sondage qualitatif jamais réalisé». Et de poursuivre: «nous
espérons que ceux qui briguent à présider aux
destinées de la France sauront tirer parti de ce que nous leur
offrons ici, pour construire avec les habitants, en respectant leurs
propositions, une politique

juste et courageuse qui s’attaquerait en priorités aux
causes de la précarité et de l’exclusion.»

Parmi les thématiques abordées, mentionnons
l’emploi, la précarité, le logement, la
discrimination, l’éducation, la religion. Une constante:
les problèmes liés plus spécifiquement aux jeunes,
à cette «génération sacrifiée»,
à laquelle parle Axiom. Et parmi les propositions: «une
loi qui crée un quota minimum de salariés de moins de 25
ans dans les entreprises»; «Enseigner
une Histoire partagée et plus juste (sur la colonisation et les
traites)» mais aussi faire entrer les auteurs africains et
maghrébins dans les programmes d’études;
«Création d’une caisse nationale d’assurance
sociale pour les caution
s» et «Dispersion
des HLM dans la ville». Enfin et pour ne citer que cela
«Droit de vote pour les immigrés» et «changer
de République»
. Et comme le chante Axiom sur les notes de La Marseillaise: «Dans les rues, la sixième république vient de naître».

Stéfanie Prezioso

Axiom, Axiom, Universal

ACLEFEU, Le réveil des Oubliés, Paris, 2007.

Voir également le forum: lesoublies.com


Nitroglycérine (religieuse)

Notre ami René Cruse vient de publier une réflexion sur
le retour des religions, leur présence dans les médias.
Selon lui, l’approche présente du fait religieux est
marquée par une volonté de ne pas affronter certaines
susceptibilités, «comme si l’on manipulait de la
nitroglycérine à haute dose» (d’où le
titre de la brochure).

«Les grands médias abordent le religieux sur la pointe des
pieds, avec une affabilité de châtelain, ne se risquant
jamais à poser des
questions de fonds, celles qui dérangent l’intelligence et
l’honnêteté intellectuelle. Par exemple, jamais les
«invités» défenseurs de la foi, qui
surabondent sur nos écrans de télévision, ne
tentent de dialoguer avec l’athéisme fondamental
qu’on dirait relégué au rang d’une
pathologie» (p. 6/7). Comme si, en effet, les religions
révélées avaient le monopole de
l’éthique…

Si les luttes du passé pour la séparation de
l’Eglise et de l’Etat ont créé un espace pour
l’expression d’une pensée non-croyante, nous ne
sommes pas à l’abri de ce que les féministes
nord-américaines appellent un «backlash» (retour en
arrière). En effet – et contrairement à une vulgate
répandue -, la troisième religion monothéiste
(l’Islam) n’est pas seule à secréter des
courants intégristes. René Cruse rappelle que les
vérités révélées des deux
premières (judaïsme et christianisme) portent certaines
responsabilités dans le conflit du Proche-Orient (nous pensons
ici à l’interprétation de l’Ancien Testament
en faveur du sionisme politique, portée aussi bien par des
courants du judaïsme que des
télé-évangélistes nord-américains).
L’évolution politique récente
dans plusieurs régions du monde (dont l’Europe) montre que
la réaction politique continue à se couvrir d’un
manteau religieux: pensons à la chape de plomb que
l’Eglise catholique impose aujourd’hui à la Pologne
ou tente de maintenir en Espagne et en Italie; ou au
prêchiprêcha moraliste qu’utilise l’actuel
premier ministre britannique Tony Blair à l’appui de sa
politique anti-sociale et de son engagement belliciste aux
côtés des USA.

Le débat est donc ouvert. Il mériterait à coup
sûr un «café politique » pour approfondir les
thèmes abordés dans la brochure
de René Cruse. (hpr)