Nouveau recueil de textes de Blanqui aux Editions «La Fabrique»

Nouveau recueil de textes de Blanqui aux Editions «La Fabrique»

Des barricades de juillet 1830 au retour d’exil des Communards,
Auguste Blanqui (1805-1881) fut de tous les combats, le payant de
trente-trois ans en prison – sous les différents
régimes, de la monarchie de Juillet à la IIIe
République.1

Né à Nice, fils d’un conventionnel girondin,
Blanqui incarna, plus que quiconque, «le socialisme
révolutionnaire au XIXe siècle en France, le lien entre
la Révolution, celle de Babeuf et de Buonarroti, et la Commune
de Paris, vécue dans sa cellule de Clairvaux».

Il participa aux «Trois glorieuses» de juillet 1830, qui
renversèrent le roi ultra Charles X, mais furent
confisquées au profit de la branche cadette des Bourbons
(Louis-Philippe d’Orléans). Membre de plusieurs
sociétés secrètes républicaines, il dirigea
l’insurrection (manquée) du 12 mai 1839 – à
la suite de laquelle il fut emprisonné au Mont-Saint-Michel.

Sous la 2e République, de février à mai 1848,
Blanqui anima la «Société républicaine
centrale», opposition de gauche au gouvernement provisoire. A
nouveau emprisonné durant 10 ans, amnistié, puis
réincarcéré sous le Second Empire, il reforma une
organisation révolutionnaire dans les années 1864/65
(dont plusieurs membres participèrent à la Commune de
Paris de 1871). Après la chute du Second Empire et la guerre
franco-allemande de 1870, Blanqui fut arrêté le 17 mars
1871 (à la veille de l’instauration de la Commune de
Paris) et emprisonné jusqu’en 1879.

La postérité a gardé de Blanqui la seule image de
l’insurgé, occultant que l’homme d’action se
doublait d’un penseur: «La
Patrie en danger nous avait révélé un patriote
éclairé et un journaliste de grande puissance;
L’Eternité par les astres un penseur original et profond;
Ni Dieu ni maître le socialiste révolutionnaire tenace;
les deux volumes de Critique sociale (…) nous apprennent que le
frère d’Adolphe Blanqui avait un sens très
sûr des nécessités économiques de son
époque, en même temps qu’elles nous montrent
(…) un socialiste ou, pour plus exactement parler, un communiste
parfaitement au fait des lois générales de
l’évolution humaine et de la sérialisation
nécessaire des réalisations socialistes
».2

Dans le recueil édité par La Fabrique,3 on
trouve la défense de Blanqui au procès des Quinze
(janvier 1832), ses discours et articles pour la Société
des Amis du Peuple; les textes de 1848, «L’appel au
peuple» (1851); «Critique sociale»; des articles du
journal «Candide (1865); l’ «Instruction pour une
prise d’armes» (1868); «L’Eternité par
les astres: hypothèse astronomique» (1871);
«L’armée esclave et opprimée» (1880),
pamphlet contre les armées permanentes. Mais des textes
importants manquent: la réponse au «document
Tascherau» (calomnie orchestrée en 1848, pour tenter de
faire passer Blanqui pour un mouchard), plusieurs articles de
«Candide» et de «La Patrie en danger» (1870).
Enfin, dans la préface, deux coups de griffe au «Prussien
Karl Marx» et à la LCR sont superflus…

Ces réserves faites, cet ouvrage permet de (re)découvrir
Blanqui, «communiste hérétique».

Hans-Peter Renk

  1. Michael Löwy & Daniel Bensaïd,
    «Auguste Blanqui, communiste hérétique», Les
    socialismes français à l’épreuve du pouvoir.
    Paris, Textuel, 2006 – en ligne sur le site«Europe
    solidaire sans frontières»: www.europe-solidaire.org
  2. Benoît Malon, «Blanqui socialiste», La Revue socialiste, année 2, 1885, no 7, p. 586-597
  3. Auguste Blanqui, Maintenant il faut des armes / textes
    choisis et présentés par Dominique Le Nuz; préf.
    par un des agents du Parti
  4. imaginaire. Paris, Ed. La Fabrique, 2007


Auguste Blanqui, «L’usure» (extraits de : Critique sociale, 1869-1870)

«On sait l’absence totale de scrupules,
l’immoralité, la barbarie que déploie le commerce
européen dans cette chasse furieuse aux débouchés.
Toutes les régions du globe ont souffert et souffrent de la
cupidité féroce de ces étrangers, qui ne reculent
devant aucune turpitude, devant aucun forfait, pour assouvir leur soif
de gain. Lorsqu’il a ainsi organisé la misère et la
mort dans son propre pays, le capitaliste court porter aux plages les
plus lointaines l’escroquerie, le vol, le brigandage,
l’assassinat. Après la traite des noirs, la traite des
jaunes. Il a fait de la race blanche un légitime objet
d’exécration pour les quatre cinquièmes de
l’espèce humaine. (…) Depuis bientôt quatre
siècles, notre détestable race détruit sans
pitié tout ce qu’elle rencontre, hommes, animaux,
végétaux, minéraux. La baleine va
s’éteindre anéantie par une poursuite aveugle. Les
forêts de quinquina tombent l’une après
l’autre. La hache abat, personne ne replante. On se soucie peu
que l’avenir ait la fièvre. Les gisements de houille sont
gaspillés avec une incurie sauvage.

Des hommes étaient apparus soudain, nous racontant par leur seul
aspect les premiers temps de notre séjour sur la terre. Il
fallait conserver avec un soin filial, ne fût-ce qu’au nom
de la science, ces échantillons survivants de nos
ancêtres, ces précieux spécimens des âges
primitifs. Nous les avons assassinés. Parmi les puissances
chrétiennes, c’est à qui les achèvera. Nous
répondrons du meurtre devant l’histoire. Bientôt,
elle nous reprochera ce crime avec toute la véhémence
d’une moralité bien supérieure à la
nôtre. Il n’y aura pas assez de haines ni de
malédictions contre le christianisme qui a tué, sous
prétexte de les convertir, ces créatures sans armes,
contre le mercantilisme qui les massacre et les empoisonne, contre les
nations qui assistent d’un oeil sec à ces agonies»