Crise de Swissair et ses développements

Crise de Swissair et ses développements


Quelles orientations syndicales face à une telle situation ?


Du diktat des banques au chaos sur les aéroports, on retrouve la même logique capitaliste, celle des profits. Comment les salarié-e-s doivent-ils/elles réagir?

Eric Decarro*

Durant le week-end des 29-30 septembre, les deux grandes banques – UBS et Crédit Suisse – ont imposé, par un coup de force, leur solution dans la crise de Swissair. Cela a débouché sur le chaos que l’on sait avec les avions Swissair cloués au sol pendant deux jours, et des dizaines de milliers de voyageurs dans le monde immobilisés, et sans espoir d’être même remboursés.


Coup de force des banques


On ne saurait gérer les problèmes complexes d’une compagnie de transport aérien, par des «montages financiers», et par l’imposition de solutions des plus brutales au détriment des salarié-e-s et des prestations de services de Swissair. La confiance des salarié-e-s, qui font la renommée d’une compagnie et mettent en oeuvre les technologies complexes et hautement socialisées de l’industrie du transport aérien, est la condition sine qua non de toute solution à la crise. Et la solution des banques n’a pas la confiance du personnel. La confiance des clients de Swissair qui est la garantie pour l’avenir d’une compagnie aérienne en suisse n’est aujourd’hui plus assurée dans le cadre de cette opération des banques. L’opération «Phoenix», au terme de laquelle une nouvelle compagnie étincelante devait sortir des cendres de Swissair, comme l’oiseau du même nom, a en effet d’ores et déjà débouché sur un désastre qui hypothèque de toute évidence la création, sur ces bases, d’une nouvelle compagnie aérienne viable.


Le contenu du diktat des banques


L’UBS a engagé l’offensive finale visant à liquider Swissair vendredi 28 septembre, en fermant au groupe le robinet des crédits. Il faut relever que l’UBS avait déjà refusé ce printemps d’entrer dans le consortium de banques, composé du Crédit Suisse, de la Deutsche Bank et de la City Bank qui devait en principe mettre un milliard de crédit à disposition de Swissair (en réalité, ce crédit n’a pu être utilisé en raison d’un désaccord sur les conditions qu’il prévoyait, comme le relevait la Sonntagszeitung en juillet). Durant le week-end, Swissair n’a ainsi échappé à l’incapacité de paiements que grâce à une firme privée qui a mis des moyens à disposition. Au terme de négociations fiévreuses entre les conseils d’administration de Swissair et Crossair, et au sein de ceux-ci, qui ont duré tout le week-end des 29-30 septembre, et tandis qu’au Palais fédéral le groupe Bremi, composé de toutes les parties concernées (sauf l’UBS qui a refusé de participer à celui-ci) était placé dans l’incapacité d’assumer le mandat que lui avait confié le Conseil fédéral, les banques ont imposé, dans la nuit du samedi au dimanche, leur diktat à la direction de Swissair, qui n’avait d’autre choix que de se soumettre. Le projet Phoenix était prêt dimanche matin à 4h20, après que Marcel Ospel se soit rendu dans la nuit au siège de Swissair à Ballsberg.


Comme nous l’avons vu, l’interruption brutale des vols de Swissair à partir du 3 octobre était déjà planifiée dans le cadre de l’accord Phoenix, et le Conseil fédéral, lui-même en a été informé, au plus tard lundi soir, raison pour laquelle Villiger a essayé frénétiquement de financer à raison de 250 millions pour la Confédération, 250 millions pour les banques la continuation des activités aériennes de Swissair; cette tentative s’est heurtée au refus des banques et de Marcel Ospel de verser un sou.


Chaos sur les aéroports


Lors de leur conférence de presse du lundi, les banques se sont d’ailleurs bien gardées de dire quoi que ce soit sur l’immobilisation de la flotte de Swissair. Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette situation ne menace pas simplement Swissair et ses filiales. Elle menace d’immobiliser les trois aéroports, car certaines filiales de Swissair assurent les services essentiels pour TOUTES les compagnies aériennes internationales actives sur ces aéroports. Il en va ainsi du système de réservation et de confirmation (Atraxis), des bagages (Swissport), du check-in (Swissport), des plans de vol (Swissport), de l’entretien des avions (SR Technics). «Si Atraxis suspend ses activités, l’aéroport de Zurich est cliniquement mort», déclare ainsi le porte-parole de Swissair Peter Naef.


C’est pourquoi les 450 millions débloqués mercredi par le Conseil fédéral pour la poursuite des vols de Swissair jusqu’au 28 octobre, non seulement ne sont pas suffisants pour garantir cette poursuite, mais sont prioritairement utilisés désormais à assurer les services des filiales mentionnées de Swissair, qui seules permettent de maintenir les aéroports en activité et d’offrir les services dont ont besoin toutes les compagnies sur ces sites, et non la seule Swissair. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de l’option des banques, la Confédération va devoir continuer de verser à fonds perdus d’énormes crédits supplémentaires, car les banques ne veulent pas débourser un sou, ou seulement des sommes symboliques. Il faut bien voir ainsi que la Confédération assume présentement le coût social de la solution catastrophique des banques, sans avoir son mot à dire concernant cette solution, ce qui est absolument inacceptable. Et que malgré le milliard que va au minimum atteindre la note, les avions de Swissair risquent fort d’être à nouveau cloués au sol, puisque la poursuite des vols devient désormais, dans cette crise, un objectif accessoire.


Salarié-e-s, petits actionnaires et obligataires payent la facture


Les banques ont torpillé toute tentative d’élaborer, dans le cadre du groupe Bremi, avec les différentes parties concernées, un plan qui aurait dans tous les cas garanti un plus grand nombre de places de travail, ce qui supposait le maintien de Swissair. Et l’UBS s’est clairement déclarée, dans le communiqué de presse des deux banques publié le dimanche, contre toute intervention de l’Etat dans cette affaire.


Les banques dictent ainsi une solution qui répond strictement à leurs intérêts financiers, et répercutent la facture sur les salarié-e-s, les petits actionnaires et les petits obligataires. Non seulement les salarié-e-s de Swissair sont durement touchés, mais aussi celles et ceux des entreprises qui dépendent de Swissair (fournisseurs divers, agences de voyages, etc).


Ce coup de force est intolérable et totalement injuste: les banques qui étaient représentées dans le Conseil d’administration de Swissair ont une responsabilité écrasante dans la débâcle de Swissair, car elles ont soutenu pendant des années la stratégie calamiteuse de l’ancienne direction. Elles auraient dès lors dû contribuer en première ligne à la recapitalisation du groupe, sous forme d’une annulation de dettes.


Non seulement elles n’en font rien, mais en envoyant Swissair à la faillite, elles réussissent encore à faire une opération financière extrêmement rentable pour elles. Aujourd’hui, avec ce tour de passe passe par lequel elles prennent le contrôle de Crossair, et se réservent les meilleurs morceaux du trafic aérien de Swissair, elles font tout d’abord «main basse» pour une bouchée de pain (260 millions) sur l’ensemble de l’industrie du transport aérien en Suisse. Elles réalisent de plus, suite à cette opération, d’énormes plus-values boursières, puisqu’en 2 jours, les actions de Crossair se sont appréciées de 55 %, soit une plus-value de quelque 160 millions. En plaçant sous sursis concordataire le reste de l’activité du groupe, elles liquident les dettes de Swissair et se débarrassent de tous les engagements de Swissair envers les compagnies dans lesquelles elle détenait des obligations, ou dans celles dont le groupe était en train de se désengager, avec des conséquences très négatives pour la réputation de la Suisse en Europe.


Les banques auront de plus la priorité pour se rembourser sur la masse en faillite. On comprend qu’elles soient très soucieuse qu’aucun avion ne manque à l’appel pour avoir été bloqué à l’étranger.


Désastre économique, social et humain


Enfin, la solution des banques est d’une brutalité extrême et débouche sur un désastre social et humain, le plus grand désastre économique et social qu’on ait connu depuis longtemps en Suisse : elle prévoit en effet la suppression de millliers d’emplois en Suisse (les chiffres de 2500 suppressions d’emplois dans le monde, dont 1760 en Suisse, communiqués par Swissair sont gravement sous-estimés et ne comprennent que les activités du transport aérien. Les services de M. Couchepin avancent maintenant le chiffre de 4000 postes supprimés chez Swissair et 4000 chez les fournisseurs de Swissair, des chiffres qui semblent eux-aussi très nettement sous-estimer les dégâts).


Les filiales comme Gate Gourmet, Swissport, Nuance et SR Technics devraient en effet subir une cure de redimensionnement, suite aux attentats du 11 novembre et à leurs répercussions sur le transport aérien dans le monde. Elles sont aussi suspendues en l’air, si l’on peut dire, dès lors que le holding dont elle dépendaient est en voie de faillite. De plus, il semble que les activités du fret Cargologic et Swissair cargo, seraient eux aussi placés sous sursis concordataire, avec pour conséquence la suppression de 1500 emplois (cf. TagesAnzeiger du samedi 6 octobre). Toutes ces filiales sont enfin en grande difficulté du fait même de cette situation, et ne sont plus livrées, ou alors avec paiement au comptant ce qui accroît leurs problèmes de liquidités et exige beaucoup plus de capitaux que prévu pour continuer leur exploitation.


Elle débouche également sur la suppression de dizaines de milliers d’emplois dans les autres pays. N’oublions pas que Swissair employe 72’000 salarié-e-s dans le monde, et que le groupe a mis sur pied un réseau extrêmement dense dans le monde entier. Tout cela est en voie de destruction. D’autre part, certaines compagnies à l’étranger ne pourront survivre que si Swissair respecte ses engagements envers elles.


Les banques sont ainsi les destructrices d’emplois et non les syndicats, comme la NZZ nous en avait accusé après la grève de 3 heures à Genève, le 15 septembre dernier. Les banques prévoient le réengagement de 2/3 seulement des salarié-e-s du transport aérien de Swissair et ont évidemment l’intention, passée la période d’une année de transition pendant laquelle elles doivent en principe garantir les conditions de travail et la CCT actuelles, de leur imposer les conditions notoirement inférieures de Crossair; elles argueront qu’il leur faut comprimer les coûts pour être compétitifs et assurer la rentabilité de la compagnie.


Et si l’opération des banques devait réussir, ce dont on peut douter à voir comment s’engage l’affaire, vous verrez que dans 2-3 ans, les banques revendront Crossair à d’autres compagnies plus importantes, non sans empocher une confortable plus-value, et après avoir fortement «dégraissé». Il est d’ailleurs prévu que la nouvelle compagnie aérienne qui surgira sur les décombres de Swissair entre dans l’une des trois alliances mondiales.


Une opération préméditée de longue date


Tout cela a été prémédité de longue date, et c’est sciemment que les banques ont cloué les avions au sol mardi 2 octobre, portant atteinte d’une manière grave, voire irrémédiable, à l’image de la Suisse dans le monde. Des milliers de passagers bloqués dans les aéroports, et dont le billet n’est pas remboursable, car le produit de la vente est versé dans la masse en faillite. Les billets vendus à hauteur semble-t-il d’un milliard sont en effet pris dans cette masse.Les économies-mêmes du personnel déposées dans un compte de l’entreprise, qui accordait un petit plus en terme de taux d’intérêt, ont été bloquées et versées dans la masse en faillite; il s’agit d’une somme de quelques 150 millions. Ce n’est que deux jours plus tard que les banques annoncent leur intention de rembouser les personnes concernées.


On voit bien avec cette affaire ce qui se passe lorsqu’un service aussi important que les transports aériens, qui relève indiscutablement d’un service public, est soumis aux décisions de groupes financiers ou aux marchés financiers. La population peut ainsi être prise en otage du jour au lendemain en fonction des stricts intérêts du groupe financier et se voir privée de l’accès aux prestations de transport, même en ayant payé leur billet.


Dans la mondialisation néolibérale et la financiarisation de l’économie actuelles, la crise de Swissair et l’attitude des banques est aussi révélatrice de la domination qu’exerce le capital financier sur toute la société, et sur ses institutions politiques.


En l’occurrence, cette décision prise par quelques personnes dans des salons feutrés, est d’une extrême violence pour des dizaines de milliers de familles dont elle menace les conditions de vie. Et cette violence, «très policée» en apparence, est sans commune mesure avec les quelques vitres cassées dans une manifestation, dont on a coutume de s’émouvoir dans les médias.


Où est la démocratie dans un cas semblable? la grande majorité de la population de ce pays est contre la liquidation de Swissair, mais les banques n’en ont cure, car leurs intérêts financiers priment tout, et elles sont totalement imperméables à la démocratie.


Avec la solution des banques, les syndicats sont placés devant le fait accompli de ce diktat, et réduits à «négocier la casse».


Le Conseil fédéral à la botte des banquiers


Quant au Conseil fédéral, il n’est pas blanc comme neige dans cette affaire. Il n’a rien fait pour contrecarrer le coup de force des banques, alors que celui-ci mettait hors course le groupe Bremi qu’il avait mandaté. Il a en effet accepté de différer sa réunion urgente prévue lundi, en début d’après-midi pour permettre aux deux conseil d’administration de Swissair et Crossair de finaliser l’accord imposé par les banques. A aucun moment, il n’a eu la volonté politique d’imposer une autre solution que celle des banques, et s’est toujours subordonné dans le fond à la position des milieux financiers, se bornant à protester sur les formes.


Au moment du chaos de mardi, deux membres du Conseil fédéral se sont ainsi déclarés outrés par l’attitude arrogante de la direction des banques à leur égard, spécialement de la part du directeur de l’UBS, Marcel Ospel. Mais à aucun moment, le Conseil fédéral n’a fait quoi que ce soit pour contrecarrer leur plan; il a purement et simplement entériné leur solution.


Tout ce qu’il a fait pour l’heure, c’est de fournir à Swissair, à la place des banques et aux frais du contribuable, un crédit-relais de 450 millions pour permettre aux avions de Swissair de voler jusqu’au 28 octobre. Les banques ont en effet refusé de partager le financement fifty-fifty. et le Conseil fédéral s’est soumis à cette décision en prenant en charge seul ce financement. Cela évite le pire, en terme d’image à l’étranger, mais il faut bien voir que cela permet aussi de faire passer la pilule de la solution des banques à partir du 28 octobre, sans que ces dernières contribuent financièrement en quoi que ce soit à la poursuite de l’activité de Swissair. Et l’on nous annonce que cela ne suffira pas pour aller jusqu’au 28 octobre et qu’il faudra encore une fois que la Confédération ouvre les cordons de la bourse sans avoir rien à dire sur les décisions des banques ou de la future Crossair. Nous pouvons être d’accord que la Confédération investisse pour le maintien d’une compagnie aérienne en Suisse, car celle-ci est indispensable à la vie économique d’un pays. Mais à condition de ne pas financer à fonds perdu un petchi, comme celui qu’ont provoqué les banques en un minimum de temps, mais bien pour en prendre le contrôle et décréter que le transport aérien est un service public, ce qui permettrait de conduire un politique des transport intégrée, entre rail et ailes.


Dans l’après-midi du dimanche 30, les banques ont publié un communiqué dans lequel elles décrétaient «politiquement incorrect» que l’Etat intervienne dans cette crise, et le Conseil fédéral s’est de fait soumis à cette position. Sauf qu’il a pris en charge, sur les impôts des contribuables, le coût social de l’opération pour préserver l’image du pays, mais aussi l’avenir de la solution des banques.


Il faut relever que cette attitude générale du gouvernement suisse correspond à la politique dérégulatrice de la Commission européenne qui, alors que l’Etat américain est en train d’aider massivement les compagnies aériennes aux Etats-Unis, s’en tient strictement au dogme néolibéral de non-intervention de l’Etat dans l’économie. Et, nonobstant le chaos de ces derniers jours et la menace d’une prolongation de celui-ci, la Commission européenne vient de protester, et demander des explications à la Suisse, concernant l’aide de 450 millions apportée à Swissair, pour «distorsion de la concurrence». On croit rêver! dans quel monde vivons-nous?


De plus, dès le mercredi, après les critiques aux banques de la veille, K. Villiger commençait déjà à dire : oui, n’est-ce-pas, les banques ont fait des fautes dans la manière, mais il faut reconnaître le grand mérite qu’elles ont de financer quand même la création d’une compagnie aérienne nationale viable. Et, Couchepin, qui est souvent présenté comme le sauveur potentiel dans cette affaire, n’a jamais critiqué les banques durant toute cette affaire. Enfin, vendredi 5 octobre, le Conseil fédéral a déclaré qu’il n’y avait pas de salut en dehors de Crossair. Punkt Schluss!


Le Conseil fédéral aurait dû intervenir dès l’éclatement de la crise, au moment où le Conseil d’administration de Swissair a démissionné en bloc, ce qui était déjà significatif d’une décision des milieux financiers.


Il a choisi au contraire de pratiquer la politique du «laisser-faire», alors que d’autres pays interviennent lorsque leur compagnie aérienne est en difficulté, comme en Nouvelle Zélande, un pays qui est pourtant allé très loin dans la voie du néolibéralisme, ou comme le Land de Rhénanie Westphalie en Allemagne, qui a décidé de soutenir la compagnie voyagiste LTU, mise en difficulté par la défection de Swissair qui détenait 49 % des participations dans cette société. Il est vrai que la Suisse est un des pays les plus néo-libéraux dans le monde, avec la Grande Bretagne. Le Conseil fédéral s’est lavé les mains de cette situation, déclarant «que Swissair s’en sortirait bien toute seule». On voit bien aujourd’hui ce qu’il en est, et aussi les conséquences de cette attitude.


Une seule solution: l’intervention de l’Etat pour un service public


Nous ne pouvons pas accepter la solution des banques. Celle-ci est née d’un coup de force qui n’est pas accepté par le personnel. Une entreprise repose avant tout sur son personnel. C’est celui-ci qui fait fonctionner l’entreprise et garantit la poursuite de l’activité de cette activité extrê-me-ment complexe et très socialisée que représente l’industrie du transport aérien. Pour avoir une solution viable, il faut la confiance du personnel et de la population. Ce qui n’est pas le cas après le coup de force des banques et le chaos que celui-ci a provoqué. Une compagnie qui commence sous de tels auspices n’a aucun avenir. Les banques ont perdu non seulement la confiance du personnel par le putsch qu’elles ont mis en oeuvre, mais elles ont perdu toute crédibilité en matière de gestion d’une compagnie aérienne. Il faut relever que cet acte des banques correspond à un lock-out. Et qu’il est d’une extrême gravité.


Le néolibéralisme échoue partout. Et il ne faut pas attendre une nouvelle catastrophe pour agir, si l’on veut préserver une compagnie aérienne nationale indispensable à un pays qui se veut moderne. On voit ce que cela donne quand on soumet la gestion de ce qui est sans nul doute une forme de service public à des intérêts financiers privés.


C’est pourquoi, nous nous engagerons pour le maintien d’une compagnie aérienne Swissair. Nous pensons que la solution des banques n’est pas viable et qu’elle est moralement inacceptable. Elle est en effet à la limite de l’escroquerie.


Il faut dès lors que l’Etat s’engage financièrement, non pour réparer les dégâts commis par d’autres, mais bien pour prendre le contrôle de cette activité et en faire réellement un service public. Seuls les intérêts publics peuvent garantir la fiabilité des prestations, limiter au maximum les dégâts du point de vue du personnel, et créer une compagnie viable.


Le personnel doit maintenant continuer son mouvement pour une autre solution que celle des banques. Le Conseil fédéral doit maintenant prendre les choses en main et le trafic aérien doit devenir un service public. Il doit prendre le contrôle de la nouvelle entité, dans le sens d’un maintien de Swissair, et réorganiser celle-ci, dans le but de garantir le maximum d’emplois pour le personnel ainsi que les conditions de travail de celui-ci. Si le Conseil fédéral garantit la nouvelle entité, il est évident que cela débouchera sur une appréciation du titre. Les banques l’ont fait parce que c’est rentable pour elles. Ce ne le serait pas moins pour l’Etat. C’est la seule solution qui offre des perspectives de viabilité à une compagnie de transport aérien en Suisse.


* Ce texte a été écrit le 7 octobre comme contribution à la réflexion syndicale.


PROJET PHOENIX


Contenu du Projet Phoenix signé par les banques et Mario Corti, pour la direction du groupe Swissair (le Conseil fédéral n’aurait été informé de ces conditions que lundi soir, après la conférence de presse des banques):



  1. Cession aux banques de 70,5% des actions de Crossair détenues par Swissair, pour 260 millions de francs. Elles prennent ainsi le contrôle financier de Crossair. Pas d’utilisation de ces fonds pour le maintien des vols au-delà du 3 octobre (leur interruption brutale dès le 3 octobre était ainsi planifiée).
  2. Intervention des banques comme investisseurs financiers. Le projet laisse la possibilité d’une participation des cantons et de la Confédération jusqu’à 30%, des actions restantes de Crossair (la Confédération a déjà dit non).
  3. lntégration sous le contrôle de Crossair, et donc des banques, des «meilleurs morceaux» du trafic aérien de Swissair: lignes les plus rentables représentant 2/3 de l’ensemble du réseau. Elles ont été vendues à Crossair à des prix «cassés», grâce à un crédit bancaire de 850 millions, qu’il faudra rembourser.
  4. Mise sous sursis concordataire du reste de l’activité du trafic aérien, à savoir SAirGroup holding, SAir lines, Flightlease (location d’avions), de même que de deux sociétés de fret, Swisscargo et Cargologic. Alertés, les fournisseurs ont exigé le paiement de toute livraison au comptant, accroissant brutalement les besoins de liquidités du groupe.
  5. Crédit de 250 millions à des taux exorbitants pour poursuivre l’exploitation des filiales – Gate Gourmet, Swissport, Nuance, SR Technics – qu’il est prévu d’externaliser. A rembourser après la vente de ces sociétés, ils ne peuvent être utilisés pour le maintien des vols Swissair. Leur personnel ne doit pas faire grève.
  6. Crédit supplémentaire de 500 millions à Crossair pour le transport aérien et la reprise des activités intercontinentales de Swissair. En clouant les avions au sol, les banques ont accéléré la reprise des vols Swissair par Crossair (sorte de lock-out). En exigeant qu’il n’y ait pas de grève, elles attaquent les droits constitutionnels des salarié-e-s.
  7. Swissair garantit à Crossair l’utilisation de sa marque, avec droit de résilier le contrat d’achat de la licence en cas de désaccord sur le prix. La reprise du transport aérien par Crossair redimensionné est fixée au 28 octobre. En agissant vite, les banques limitent leurs engagements envers Swissair et interdisent toute autre solution.
  8. Remboursement des banques avant les salarié-e-s, les fournisseurs, les obligataires et les actionnaires, véritablement spoliés. Depuis longtemps, les banques se sont débarrassées de leurs actions Swissair, tout en continuant à les fourguer à leurs clients. La «démocratie actionnariale» et le «capitalisme populaire» en prennent pour leur grade.
  9. Abandon des dettes de Swissair ou des engagements que le groupe avait contracté auprès des compagnies dans lesquelles il avait pris une participation (LTU; Volare, LOT, South African Airways), ou dont il essayait de se dégager (Sabena, Air-Littoral, AOM-Air Liberté).
  10. Approbation du projet par les conseils d’administration de Swissair Group et Crossair et par les organes des deux grandes banques. Coût de l’opération financé à 51% par l’UBS et à 49% par le Crédit Suisse. (jb)