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N° 102 (14/02/2007). A la une: Climat: FMI & Banque mondiale, les apprentis sorciers
p. 11
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International
La conférence de Paris III pour le soutien au Liban: qui aide qui?
Le 25 janvier 2007, s’est tenu à Paris, la Conférence internationale de soutien au Liban, dite «Paris III», convoquée et présidée par Jacques Chirac. Etaient réunis les représentants de trente-six pays, notamment la secrétaire d’Etat américaine Condolezza Rice, et de quatorze institutions internationales, dont le nouveau secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon, le président de la Banque mondiale Paul Wolfowitz ou encore le chef de la diplomatie européenne Javier Solana. C’est la troisième conférence enmoins de dix ans ayant lieu à Paris qui est consacrée à l’aide au Liban, la première datant de 1998, la deuxième de 2002.Le but officiel de cette conférence était demobiliser une aide financière «pour soulager la dette et créer une dynamique», selon les responsables français, après la terrible guerre d’agression de l’été 2006 menée par Israël (avec le soutien des Etats-Unis), en violation de la charte de l’ONU et de multiples dispositions des Conventions de Genève régissant le droit humanitaire. Les dégâts ont été évalués à environ 3,5 milliards de dollars. Au sortir de la guerre, la dette publique était de 41 milliards de dollars, ce qui fait du Liban un des pays les plus endettés au monde par rapport à son nombre d’habitants (3,5 millions d’habitants).
Cette conférence a débouché sur des promesses d’aide de la communauté internationale s’élevant à 7,6 milliards de dollars. Les Etats-Unis ont annoncé un soutien de 770 millions de dollars (soit 594 millions d’euros), tout comme la Commission européenne (400 millions d’euros), La Banque mondiale et la Banque européenne d’investissement (768 millions d’euros), l’Arabie saoudite (846millions d’euros). La France, quant à elle, a accordé un prêt de 500millions d’euros, mais «à des conditions avantageuses dont lamoitié sera versée cette année», a précisé le Président. Sous cette apparence de générosité, le véritable soutien est de nature politique.
Les contreparties de l’aide
Après la journée de manifestations du 23 février contre le gouvernement pro-occidental et néolibéral de Fouad Siniora qui a fait 3 morts et 130 blessés, les participants à la conférence ont voulu lancer un signal fort contre le Hezbollah, leader de cette protestation populaire. Malheureusement, l’aide financière promise ne bénéficiera pas à la population libanaise, puisqu’elle est octroyée en contrepartie de réformes économiques néolibérales qui vont frapper durement les plus démunisPour atteindre l’objectif «ridicule» de faire passer la dette de 180%à 144%du PIB en 2011, Siniora a annoncé, début janvier, la liste desmesures prévues: augmentation de la TVA à 15% contre 10% actuellement; privatisation du secteur de la téléphoniemobile; élimination du déficit budgétaire en cinq ans; des initiatives pour attirer les investisseurs étrangers; renforcer le système de la sécurité sociale (ce qui paraît incompatible avec l’objectif d’élimination du déficit budgétaire) et réformer l’administration. Nul doute que cesmesures néolibérales profiteront aux multinationales du Nord qui pourront gagner de nouveaux marchés (…).
Les Libanais-es ont compris que ces réformes sont les recettes des plans d’ajustement structurel (PAS) imposés par le FMI et la Banquemondiale depuis un quart de siècle et qui servent en priorité les intérêts des grandes puissances. Le chef de laConfédération syndicale des travailleurs du Liban,Ghassane Ghosn, a dénoncé un plan de réformes «mijoté par la Banquemondiale en vue d’appauvrir les Libanais».C’est pourquoi il a appelé à des manifestations pour demander le retrait de ce plan gouvernemental. Le Hezbollah et des dirigeants chrétiens ont rejoint lemouvement syndical et
exigent à présent la démission du gouvernement et la tenue d’élections législatives anticipées.Depuis la guerre d’Israël, le gouvernement est en pleine crise de légitimité (six ministres ont démissionné en novembre) alors que le Hezbollah jouit d’une grande popularité, due notamment à l’aide financière qu’il a apportée dans la reconstruction de nombreuses maisons. (…)
Le poids de la dette
Entre 1990 et 2006, la dette publique
est passée de 3 à 41 milliards de dollars. Avant la
guerre, la dette extérieure était déjà
insupportable pour la population puisque, fin 2004, elle
s’élevait à 22,2 milliards de dollars (…).
En 2004, le Liban a remboursé 4,4 milliards de dollars pour le
service de la dette extérieure et, en 2006, le service de la
dette a absorbé 80% des recettes de l’Etat. Or, les
prêts n’ont pas profité à la population, car
la dette a progressé sous les gouvernements de Rafic Hariri,
à un rythme régulier, indépendant de celui de la
reconstruction, dont le coût des travaux n’a pas
excédé 7 milliards de dollars.
Depuis des années, la politique économique et financière libanaise est désastreuse. Pour la période 1993-2000, moins de la moitié des 10 milliards de dollars d’investissement du Plan «Horizon 2000» ont effectivement été réalisés. De plus, les priorités initiales de ce plan n’ont pas été respectées, favorisant les secteurs fonciers et financiers ainsi que le tourisme de luxe au détriment de l’agriculture et de l’industrie. Enfin, lamajeure partie de ces dépenses a pris la forme de profits rapatriés par les multinationales engagées dans l’exécution des grands projets
d’infrastructure, de financements affectés à l’importation d’équipements et de salaires versés à la maind’œuvre non libanaise impliquée massivement dans ces projets.
Il y a donc fort à parier que la Conférence de Paris III ne résoudra en rien l’endettement honteux du Liban et qu’elle aggravera même les conditions de vie des Libanais puisqu’elle entérine et légitime les réformes néolibérales annoncées par le gouvernement. Un changement de logique et donc de dirigeants s’impose donc afin de satisfaire les besoins humains fondamentaux. L’annulation totale et inconditionnelle de la dette du Liban est une première étape indispensable. Elle doit également s’accompagner de la création d’un fonds destiné à sa reconstruction qui serait alimenté par des réparations versées par Israël et les Etats-Unis pour la guerre dévastatrice qu’ils ont menée.
* Membre du CADTM Belgique. Article publié sur le site: http://www.cadtm.org. Coupures et intertitres de la rédaction.
Depuis des années, la politique économique et financière libanaise est désastreuse. Pour la période 1993-2000, moins de la moitié des 10 milliards de dollars d’investissement du Plan «Horizon 2000» ont effectivement été réalisés. De plus, les priorités initiales de ce plan n’ont pas été respectées, favorisant les secteurs fonciers et financiers ainsi que le tourisme de luxe au détriment de l’agriculture et de l’industrie. Enfin, lamajeure partie de ces dépenses a pris la forme de profits rapatriés par les multinationales engagées dans l’exécution des grands projets
d’infrastructure, de financements affectés à l’importation d’équipements et de salaires versés à la maind’œuvre non libanaise impliquée massivement dans ces projets.
Il y a donc fort à parier que la Conférence de Paris III ne résoudra en rien l’endettement honteux du Liban et qu’elle aggravera même les conditions de vie des Libanais puisqu’elle entérine et légitime les réformes néolibérales annoncées par le gouvernement. Un changement de logique et donc de dirigeants s’impose donc afin de satisfaire les besoins humains fondamentaux. L’annulation totale et inconditionnelle de la dette du Liban est une première étape indispensable. Elle doit également s’accompagner de la création d’un fonds destiné à sa reconstruction qui serait alimenté par des réparations versées par Israël et les Etats-Unis pour la guerre dévastatrice qu’ils ont menée.
Renaud Vivien*
* Membre du CADTM Belgique. Article publié sur le site: http://www.cadtm.org. Coupures et intertitres de la rédaction.
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