Suisse: La loi des riches

Suisse: La loi des riches

La Suisse est un pays gouverné par et pour les riches. En
décembre, une dépêche de l’ATS relevait
sobrement que «la tendance à la concentration des
richesses se poursuit en Suisse». Selon les dernières
statistiques 3,7 % des contribuables détenaient près de
55 % de la fortune dans ce pays. Sur les près de mille milliards
de francs de fortunes déclarées à
l’Administration fédérale des contributions, la
grande majorité est entre les mains des 163 500 millionnaires
que compte l’Helvétie… Selon hit-parade annuel
établi par le magazine économique Bilan en fin
d’année, les 300 plus grosses fortunes établies en
Suisse détiennent ensemble près de 500 milliards, un
montant qui a progressé de 14% par rapport à 2005.

Evidemment, tout cela relève de la bagatelle, près
d’un tiers de la fortune mondiale «offshore» est
gérée en Suisse. Mais si on prélevait, ne
serait-ce qu’un ou deux points de cette «indexation»
dont ont bénéficié les 300 milliardaires de Bilan,
on pourrait, sans autre impôt, financer
l’intégralité du budget actuel de la
Confédération avec des milliards à revendre.

Pendant ce temps, la misère et la précarité
progressent. Selon Caritas ce sont plus d’un million de Suisses
qui vivent dans la pauvreté, dont des centaines de milliers de
working poor. Près de la moitié de celles et ceux qui
auraient droit à une aide sociale n’osent même pas
la demander! Pendant ce temps aussi, la machine à sabrer le
social fonctionne à plein régime, comme dans le cas de
l’AI dont nous combattons le démantèlement en
marche, justifié au nom des «économies
nécessaires» et de la lutte contre les prétendus
«abus».

La machine à faire des cadeaux aux plus riches fonctionne
également à plein régime, avec par exemple la
nouvelle étape de la «réforme de l’imposition
des entreprises» qui défiscalisera
généreusement les revenus des actionnaires et qui
coûtera un milliard aux collectivités publiques, avec la
course effrénée de cantons qui multiplient les
allègements fiscaux pour les plus riches, qui
«innovent» en introduisant des impôts
dégressifs, qui se livrent des assauts
répétés pour consolider leur statut de paradis
fiscal…

Dans ce contexte, les réactions «patriotiques» et
offusquées face aux quelques vérités
élémentaires lâchées par Montebourg
l’autre jour sur le dumping helvétique en matière
d’impôts, notamment sur l’installation pour des
raisons d’évasion fiscale à l’abri du
parapluie helvétique d’une kyrielle croissante de
transnationales, sont scandaleuses.

Ce sont plus d’un million de Suisses qui vivent dans la pauvreté, dont des centaines de milliers de working poor.
La présidente de la Confédération, Micheline
Calmy-Rey, socialiste dont l’accession au Conseil
fédéral a été payée d’un
affligeant acte d’allégeance au secret bancaire, a
osé froidement déclarer l’autre jour à la
TSR que la fiscalité était «un marché
où la concurrence doit pouvoir s’exercer», en
exigeant «du respect» pour cette Suisse des riches, dont
elle s’est fait la porte-parole.
Sa collègue PDC, Doris Leuthard, ministre de
l’économie, a même eu plus
d’«audace» à la télévision, en
critiquant les forfaits fiscaux… mais au nom de
l’égalité de traitement, entre les Suisses
fortunés et les étrangers comme Johnny & Co. Tout en
faisant préciser par ses porte-paroles qu’elle ne
donnerait – évidemment – aucune suite politique
à ce simple «avis personnel».

Pendant ce temps, Hans-Rudolf Merz, ministre des finances radical,
rencontrait son homologue du Luxembourg et les deux larrons se
promettaient fidélité et assistance réciproque,
dans leur combat commun pour la captation illégitime des
impôts d’autres pays et pour la concurrence fiscale contre
toute velléité de régulation et de contrôle
de l’UE.

Micheline Calmy-Rey a affirmé, par ailleurs, que les lois
fiscales suisses étaient «transparentes» et que les
décisions les concernant étaient prises par «le
peuple suisse». Deux gros mensonges: la fiscalité
helvétique relève largement du règne de
l’opacité et les décisions sont prises pour les
riches par leurs représentant-e-s. Sur ce point un seul exemple:
le «peuple suisse» en rejetant en 2004 le «paquet
fiscal» a refusé le démantèlement des droits
de timbres sur les transactions financières. De suite, la droite
patronale est remontée au créneau a refait passer au
parlement les mêmes dispositions. Le parti de Madame Calmy Rey a
refusé de lancer un référendum et «A gauche
toute!» qui l’a lancé, n’a pas eu la force de
la faire aboutir. Les citoyen-ne-s n’ont donc pas
été le moins du monde consultés!

Pierre VANEK