Les hôpitaux neuchâtelois dans la tourmente

Les hôpitaux neuchâtelois dans la tourmente

Le 6 décembre, le budget du
canton de Neuchâtel a finalement été voté
par 92 voix contre 10 (les seuls groupes s’y opposant
étant Solidarités et le POP). Une partie des Verts se
sont abstenus, les autres ont voté le budget, mais pas sans
s’être au préalable battus avec le POP et
Solidarités pour le maintien d’un impôt sur les
hautes fortunes, qui aurait rapporté 4,5 millions au canton
(limite de l’impôt pouvant être adopté
à une majorité simple). Mais le PS n’a pas suivi
même cette petite mesure, car il avait fait des promesses de
consensus à la droite.

Le budget ainsi adopté, à la grande satisfaction des
partis situés à la droite de l’échiquier, va
déployer ses effets durant toute l’année 2007,
notamment la réduction de personnel (puisque 2/3 des
départs à la retraite anticipée ne seront pas
remplacés), la baisse de l’offre des transports publics,
la réduction de l’offre des soins de santé et le
tout à l’avenant.

2007, c’est la mise en application du plan de restructuration des
hôpitaux, puisque selon la loi c’est maintenant le seul
Conseil d’Etat qui doit donner son feu vert au plan de
réductions parmi trois variantes soumises par le comité
directeur des hôpitaux neuchâtelois.

Mobilisations contre les projets de fermeture

Ce plan a déjà fait se dresser contre lui les
régions qui seront touchées. A l’annonce de la
fermeture de la maternité, les femmes et toute la population du
Val-de-Travers se sont fortement mobilisées, largement soutenues
par les habitant-e-s des autres régions du canton: deux
pétitions massivement signées (l’une munie de 6500
signatures, l’autre de 4000), une manifestation de plus de mille
personnes à Couvet en défense de l’Hôpital
dans son ensemble (dont on craint la fermeture dans un second temps) et
finalement le dépôt spectaculaire de ces pétitions
par quelque 200 Valloniers venus de leur vallée jusque dans la
cour du château, siège du gouvernement.

De leur côté, les habitants de la Béroche (littoral
neuchâtelois) ont eux aussi récolté des soutiens:
3’200 signatures pour la sauvegarde de la polyclinique. A ces
actions s’ajoutent celles annoncées à La
Chaux-de-Fonds: pétition et manifestation pour la sauvegarde des
hôpitaux du Haut du canton.

Actuellement, le plan de réduction du système hospitalier
est mis en consultation. Voici des extraits des réponses de
Solidarités:

  • La proposition de plan d’action de la direction de
    l’Hôpital neuchâtelois se fonde sur une
    volonté de réduire le budget santé du canton. Nous
    ne partageons pas cet objectif.
  • La santé doit rester un service public correspondant aux
    attentes de la population et non pas un ensemble
    d’activités tendant à profiter à des
    intérêts privés.
  • Se séparer de collaboratrices et collaborateurs
    formés nous semble particulièrement malvenu; nous sommes
    persuadés que nous avons et que nous aurons de plus en plus
    besoin de leurs services.
  • Ce sont les assureurs privés qui de plus en plus veulent
    décider de la politique de santé en Suisse. C’est
    un scandale et nous souhaiterions voir le Conseil d’Etat
    réagir beaucoup plus vigoureusement pour les remettre à
    leur juste place.
  • Les mesures déjà prises -en particulier à la
    Béroche, au Locle et au Val-de-Ruz- minent la santé de
    proximité et cela se fait de toute évidence aux
    dépens des habitantes et habitants les plus
    défavorisés et les moins mobiles de ces régions.
  • Que certains soins nécessitant des appareils très
    coûteux soient centralisés en un lieu du canton, tout le
    monde le comprend, surtout si l’on s’est assuré
    auparavant que les personnes qui en ont besoin peuvent facilement se
    déplacer (ce qui n’est de loin pas toujours le cas
    actuellement!). Les maternités ne relèvent pas de cette
    catégorie, pas plus que les polycliniques.

Contrairement à ce que laisse entendre le Conseiller
d’Etat R. Debély, la réaction populaire au
démantèlement des hôpitaux n’est pas
seulement émotionnelle. Elle est au contraire tout à fait
rationnelle, venant de la part de personnes qui expérimentent ce
que signifie une réduction des budgets dans tous les domaines.
Le démantèlement du système de santé est
question de rapports de force; si la lutte est forte et continue, alors
le Conseil d’Etat devra reculer.

Les assureurs à la manoeuvre

Aujourd’hui, ce sont les assureurs maladie qui veulent dicter la
politique de santé en Suisse. On peut lire en effet dans le
rapport: «Les années à venir verront les assureurs
maladie LAMal exiger de ne prendre en charge que le prix moyen
d’une hospitalisation en Suisse»; c’est un
mécanisme pervers de concurrence intercantonale qui doit servir
à baisser l’offre des soins de santé pour le plus
grand bien des propriétaires et membres de conseil
d’administration des grandes compagnies. Plutôt que se
plier à leurs désirs, le Conseil d’Etat ferait
mieux de les dénoncer publiquement.

Il est vrai que le coût de la santé est
élevé dans le canton de Neuchâtel, mais c’est
le résultat d’une population vieillissante, qui a
largement oeuvré (et oeuvre encore) dans les usines et sur les
chantiers, qui a connu dès les années 70 la crise de
l’horlogerie et qui a vu une partie de la jeunesse quitter la
région par manque de perspectives. Nous refusons
d’être pénalisés une deuxième fois. La
santé, c’est l’affaire de toute la
société, pas de quelques grandes compagnies
d’assurances.

La politique restrictive active dans les hôpitaux
neuchâtelois va se retrouver au niveau des soins psychiatriques,
puisque là aussi va se mettre en place une structure
indépendante de l’Etat, avec un conseil
d’administration tout puissant à sa tête, dont
l’objectif sera de faire lui aussi des économies, sauf
peut-être au niveau de leurs propres salaires de managers… La
résistance est à l’ordre du jour.

Henri VUILLOMENET