Au National la droite pousse... au référendum contre la LME-bis!

Au National la droite pousse… au référendum contre la LME-bis!

Lundi 11 décembre, le Conseil
national a fait un pas de plus dans le sens de
l’«ouverture» du marché de
l’électricité, c’est-à-dire vers la
privatisation et la marchandisation de ce fluide vital, malgré
le rejet de cette voie en 2002 par le peuple
.

L’art. 1 de la loi est clair: il faut créer «un
marché électrique axé sur la concurrence»;
l’art. 2 précise qu’il faut favoriser la
«compétitivité du secteur suisse de
l’électricité sur le plan international.» Ni
la panne d’électricité qui a touché une
dizaine de millions d’usagers européens en novembre, ni
les hausses de prix systématiques pour les consommateurs induits
par l’ouverture du marché dans de nombreux pays,
n’ont freiné les ardeurs des chantres des recettes
libérales et du profit pour les actionnaires. Ainsi, le
modèle de service public, fondé sur des monopoles locaux,
proposé par ceux qui ont porté le
référendum contre la Loi sur le marché de
l’électricité (LME) il y a six ans est passé
aux oubliettes.

Mais la leçon du premier échec de la LME s’est
traduite par une volonté de ficeler un «compromis»
qui évite un deuxième revers devant le peuple. Ce
compromis peut se traduire par la formule «Tout au
marché… mais par étapes.» Ainsi, lors de la
session d’automne du parlement à Flims, un marchandage
avait été concocté aux Etats et avait
rallié les suffrages de tous les «sénateurs».
Il prévoyait la libéralisation d’abord pour les
gros consommateurs, dont la consommation sur un site dépasse les
100 MWh (plus de la moitié du «marché»), et
cinq ans après, pour tous les autres, soit –
numériquement – la grande majorité des usagers.

Tactique du salami… en une tranche

Or ce marchandage a été remis en cause la semaine
passée par la majorité de droite du Conseil national.
Celle-ci a accepté – au nom de la possibilité pour
les PME de bénéficier tout de suite des prétendus
bienfaits de la libéralisation – d’autoriser les
consommateurs commerciaux, quelle que soit leur taille, à
s’associer pour acheter du courant sur le marché
«libre». La seule obligation étant que la
consommation cumulée sur tous les sites de ces
«associés» atteigne le seuil prévu.
Cette «divergence» avec le Conseil des Etats a au moins eu
un mérite: les chambres n’ayant pas réussi à
se mettre d’accord, comme prévu, lors de cette session, la
nouvelle LME-bis ne verra le jour au mieux (ou au pire) qu’au
printemps. Les perspectives de référendum en sont
améliorées, d’autant que des milieux syndicaux qui
avaient consenti au compromis ont poussé de hauts cris et
pourraient être poussés au référendum, si on
n’en revenait pas au marchandage initial. A signaler dans ce sens
que, sur le plan social, la chambre des cantons prévoyait dans
la loi des mesures de «reconversions et de formation
professionnelle» pour les salarié-e-s laissés sur
le carreau par la restructuration du secteur électrique. Cette
disposition, comme d’autres aménagements proposés,
a également passé à la trappe au National.

Touches écolo-cosmétiques

Concernant le volet environnemental, le Conseil national a
également liquidé le projet d’incitation des
ménages aux économies d’énergie. En effet,
la loi issue des débats du Conseil des Etats visait un objectif
de baisse de 15% de la consommation électrique des
ménages pour 2030! Objectif évidemment déjà
dérisoire et en deçà, par exemple, de ce que
programme l’Union Européenne… Pourtant, la
majorité de droite du National n’en a pas voulu et
n’a émis, pour cette date-là, qu’un simple
vœu de stabilisation de la consommation au niveau de celle
prévalant au moment de l’entrée en vigueur de la
nouvelle loi.

Pour ce qui est des autres prétendues améliorations
écologiques, citons le courrier de la Fondation Suisse de
l’Energie (SES) aux parlementaires à la veille du
débat: «Cette loi
n’apporte nullement un retournement de tendance vers une
énergie propre, efficace et un approvisionnement sûr en
électricité. Il s’agit plutôt du
«business as usual» avec quelques retouches
écolo-cosmétiques.»

Au chapitre écolo-cosmétique, il y aura certes un peu
plus d’argent pour les énergies renouvelables. Le National
en effet est passé de 0,5 à 0,6 ct par KWh de
prélèvement à cette fin, avancée à
laquelle l’autre chambre ne se ralliera d’ailleurs pas
forcément. Mais la liquidation des monopoles publics existants,
à travers cette LME-bis, représente une atteinte bien
plus grave pour celles et ceux qui veulent une réelle politique
d’utilisation rationnelle de l’énergie et qui
pensent que sortir du nucléaire est une urgence. Elle signifie
par exemple que tous les consommateurs pourront, à terme si
ça leur chante, acheter du courant
électronucléaire bradé; elle mine la
possibilité de contrôler démocratiquement les
tarifs électriques, puisque ceux-ci seront dictés par un
marché où les prix dégressifs pour les gros
consommateurs deviendront la règle. Elle sape également
les moyens à disposition des entreprises publiques, comme les
SIG à Genève, pour le développement de programmes
ambitieux de réduction de la consommation et de
développement de nouvelles alternatives renouvelables.

Pierre VANEK


«Eau-Energie: Notre affaire…»

Victoire au TFTout récemment, le TF a rendu son arrêt
concernant la tentative des milieux libéraux, emmenés au
Grand Conseil genevois par le député Christian Luscher,
d’invalider notre initiative pour le maintien d’un monopole
de service public cantonal, tenu à remplir les missions sociales
et écologiques qui lui incombent de par la Constitution
genevoise et notamment son article antinucléaire.

En l’état, l’initiative est parfaitement recevable
et nos adversaires se sont fait moucher! Le seul hic, c’est
qu’à travers leur recours antidémocratique, qui
cherchait à éviter de donner la parole aux citoyen-ne-s
sur la question, les recourants libéraux ont gagné plus
de six mois de prolongation des délais de soumission de
l’initiative au peuple. C’était là sans doute
leur calcul: éviter un vote genevois anti-libéral avant
l’adoption de la LME!

Quoi qu’il en soit, ce jugement du TF sera aussi un atout pour
les référendaires potentiels contre la LME-bis. En effet,
elle démontre qu’en l’état, les cantons
peuvent parfaitement légiférer contre la
libéralisation «sauvage», même en
l’absence de nouvelle loi électrique
fédérale.  (pv)