Electro-shopping vert contre vache folle nucléaire?

Electro-shopping vert contre vache folle nucléaire ?

L’article publié ici est aux antipodes du point de vue de solidaritéS. Nous le reproduisons – traduit par nos soins – parce qu’il nous semble important de donner matière à la réflexion critique sur les points de vue de nos adversaires libéraux, surtout quand ils se parent des plumes d’un mouvement antinucléaire qui nous est proche. Rédigé par Rudolf Rechsteiner, cet article est paru dans la WoZ du 11 janvier intitulé «Strommarkt ohne Atomdiktat». Au-delà d’affirmations discutables sur le contenu de la LME, sur lesquelles nous reviendrons, ce conseiller national du PSS y livre sa vision du marché comme instrument essentiel d’un combat antinucléaire par le biais du commerce de courant «vert».


A ce propos aussi, la Californie peut servir de leçon. Signalons donc au passage la passionnante étude «Green buyers beware (a critical review of green electricity products» de l’organisation américaine «Public Citizen» qui documente les arnaques au courant «écolo» qui se s’y sont développées (www.citizen.org), ainsi que l’article critique sur le «green marketing» paru dans la dernière livraison de ContrAtom. (pv)

Le libre choix des sources de courant, la promotion des énergies renouvelables et de la concurrence face au lobby atomique: voilà ce que la LME promet …selon l’un de ses partisans, parlementaire du PSS, qui a voté la loi.


Rudolf Rechsteiner


Jusqu’ici c’est l’économie électrique qui décidait d’où nous tirions notre courant, que ça soit de source atomique ou hydraulique. Ce monopole, cet Etat dans l’Etat ne nous convenait pas. Depuis 1960, c’est le lobby atomique qui régentait le marché du courant: il décidait tout, le plus souvent sans participation démocratique, il installait des surcapacités de production allant jusqu’à 40% et augmentait de manière inconsidérée la demande avec ses tarifs de dumping pour chauffages électriques.


Servis par une machine de propagande mensongère bien à eux dans les hautes écoles (…) et couverts par une Conseil fédéral asservi à leur cause (…), renonçant à réfléchir par eux mêmes et à prendre leurs propres décisions, tels étaient les influents lobbyistes atomiques. Et nous, les clients du nucléaire, n’avions d’autre choix que d’avaler cette tutelle, que nous n’aurions jamais admis dans d’autres domaines. Qui en effet accepterait de se voir contraindre à consommer de la vache folle sur ordre de l’association des maîtres-bouchers? C’est pourtant ce que l’industrie atomique – cet atelier-protégé pour technologie à haut risque – attendait de nous.


Grâce à sa position de monopole le lobby nucléaire a encaissé, au cours des trente dernières années, environ trente milliards de subventions croisées: les revenus d’anciennes centrales hydrauliques rentables étant détournés grâce au tarifs «combinés» au profit de centrales atomiques non rentables. Nous, les client-e-s devions payer un courant nucléaire cher et sans l’avoir commandé.


L’ouverture du marché va mettre un terme au diktat atomique. Tous les consommateurs/trices pourront choisir par eux mêmes leur fournisseur de courant. Ce n’est pas la LME, qui réglemente la libéralisation, qui est sur ce plan décisive, mais le principe d’un réseau ouvert à tous les fournisseurs de courant, et donc aussi aux producteurs de courant d’installations éoliennes, solaires et de centrales chaleur-force.


Pour les gros consommateurs la libéralisation du marché est déjà une réalité. Ils peuvent déjà aujourd’hui choisir eux-mêmes qui LEUR livrera et obtenir – du fait des surcapacités – du courant aux prix du marché «spot», soit de 5 à 10 ct. le kWh. De nous petit-e-s client-e-s, on attend par contre que nous payions des tarifs de 20 à 40 ct. le kWh.


Quoi de neuf ?


La LME offre à tous/toutes les client-e-s (au plus tard en 6 ans) le libre choix du fournisseur. Le réseau sera séparé de la production de courant. Jusqu’ici le réseau, comme les centrales, appartenait pour la plupart aux grosses entreprises qui dictaient qui pouvait l’utiliser.


Le prix du courant sera désormais constitué de deux composantes:



  • un prix de production: c’est dans ce domaine que régnera la concurrence – tous pourront s’adresser à des vendeurs de courant plus ou moins cher.
  • un tarif de transit: l’utilisation du réseau coûte – ce tarif sera contrôlé par l’Etat, afin que les mêmes conditions règnent pour tous.

La LME introduit la concurrence et par là des améliorations dans la protection des consommateurs et de l’environnement:



  • Un transit non discriminatoire pour tous les vendeurs de courant. Ce n’est plus les grippe-sou atomiques qui décideront qui utilise le réseau.
  • Des prestations de service public: sûreté d’approvisionnement pour tous les clients, harmonisation des émoluments de transit.
  • Des contrôle des prix pour entraver les monopoles privés.

Les améliorations qu’amène la LME pour les énergies renouvelables sont remarquables:



  • Le courant renouvelable injecté dans le réseau recevra un prix minimum garanti, financé par un prélèvement sur le réseau THT. Ceci va dans le sens de l’initiative solaire rejetée l’an dernier et est analogue aux règles fixées en Allemagne, pour promouvoir là-bas les éoliennes (et récemment le photovoltaïque)
  • La LME amène la gratuité de l’acheminement du courant de source renouvelables nouvelles (éolienne, solaire, bois, etc.) pendant dix ans.
  • L’ouverture du marché pour le courant «vert» est introduite dès le premier jour, y compris pour les petits client-e-s.
  • Les centrales hydrauliques indigènes seront protégées et favorisées par le biais de prêts à taux avantageux, qui ne devront être remboursés que si la situation financière de ces installations le permet.


L’origine du courant devra dorénavant faire l’objet d’une déclaration.


L’octroi de concessions cantonales, l’imposition d’obligations de desserte, le contracting, le conseil en énergie et les mesures de politique énergétique sont encore permises et ne peuvent pas être interdites par la commission d’arbitrage.
[…]La LME ouvre la voie à des technologies plus efficaces et décentralisées. En compétition internationale contre des éoliennes et des couplages chaleur-force le nucléaire a de mauvaises cartes. Le lobby atomique le sait, il lutte donc (par ex. en France) contre l’ouverture du marché pour les petits clients.
Un référendum contre la LME sera contre-productif. Nous n’obtiendrons jamais une meilleure loi de libéralisation. Qu’est-ce qui nous pend au nez si la LME était rejetée? La commission de la concurrence nous imposerait une libéralisation sauvage, une dérégulation sans mesures ni pour l’environnement et ni pourle service
public