Une star peut-elle acheter un bébé africain?

Une star peut-elle acheter un bébé africain?



Le monde du spectacle est
frappé par une mode douteuse: plusieurs
célébrités (comme Johnny Hallyday ou Angelina
Jolie) ont adopté, dans des conditions légales
discutables, des enfants africains ou asiatiques. Dernier
épisode: la chanteuse Madonna vient d’adopter un enfant du
Malawi. Selon les informations les plus récentes, le père
de l’enfant – qui avait initialement accepté
l’adoption – déclare ne pas avoir compris le contenu
des documents que Madonna lui a fait signer. Une coalition de quarante
organisations demande au gouvernement du Malawi le retour de
l’enfant. Un tribunal devrait bientôt statuer. Nous
publions de larges extraits d’une tribune libre, parue dans le
journal The Sunday Mail du 22 octobre 2006 et signée par Rosie
Kane, députée du Scottish Socialist Party (SSP) au
Parlement régional d’Ecosse. Depuis fin 2003, Rosie Kane
– comme d’autres personnalités – publie une
chronique hebdomadaire dans ce journal. (hpr)

«Wee David Ritchie doit être l’une des rares
personnes en Grande-Bretagne sans opinion sur sa nouvelle maman.
L’enfant africain arraché d’un orphelinat par
Madonna est trop jeune pour comprendre les remous suscités par
son adoption. Il peut espérer vivre dans une richesse
fantastique, une chose inimaginable pour les autres enfants du Malawi.
Mais si Madonna peut s’acheter un bébé, son argent
garantira-t-il à cet enfant une vie plus heureuse? Voilà
l’une des questions que suscite le bruyant voyage africain de la
chanteuse. (…)
Sans aucun doute, la famille Banda souhaite pour son enfant une vie
meilleure. Se séparer de David est pour eux une tragédie.
Mais Madonna, Angelina Jolie et d’autres
célébrités n’ont pas besoin d’adopter
un enfant africain pour aider leurs familles.
La maman de l’enfant est morte à cause du manque de soins
médicaux dans cette région, où les orphelinats
sont remplis d’enfants, dont les parents sont morts du SIDA ou
d’autres maladies que l’on pourrait prévenir. Au
Malawi, le logement, les soins médicaux, la nourriture et
l’eau sont des produits de luxe.

Les célébrités à la conscience
troublée pourraient consacrer quelques millions pour
améliorer la vie de ces familles, au lieu de venir dans ces pays
pour offrir un pont d’or à un seul enfant.

Les images de la famine, de la souffrance et de la pauvreté en
Afrique ne nous troublent plus. Nous avons si souvent vu les photos
d’enfants aux ventres ballonnés, avec des mouches sur le
visage, que nous n’en sommes plus choqués. Les famines,
les guerres, les épidémies et les génocides ne
sont plus que des séquences de télévision pour
notre génération. (…)

Madonna aurait pu utiliser sa célébrité pour
sensibiliser le monde à la situation africaine, elle aurait pu
faire construire une école, un hôpital ou un orphelinat
avec les bénéfices de son dernier CD, ou demander aux
gouvernements occidentaux la fin du pillage des nations les plus
pauvres (réduites à cette condition par les lois du
commerce inéquitable). Ou encore dénoncer le commerce des
armes, qui met des fusils dans les mains d’enfants en âge
de scolarité.

Mais Madonna est allée dans un orphelinat choisir l’enfant
qu’elle préfère. Une réponse d’une
belle obscénité. Car elle peut choisir un enfant comme un
sac à main ou une paire de souliers.

(…) Si le père de David était arrivé avec
son enfant en Grande-Bretagne, cachés dans un camion, ils
auraient dû affronter le risque de l’arrestation au petit
jour et de l’emprisonnement plutôt que d’être
des objets de compassion et de curiosité.»

Rosie KANE