La raison du pétrole est toujours la meilleure


La raison du pétrole est toujours la meilleure


Bush déclare la guerre aux réseaux terroristes qui menacent le contrôle militaire américain des ressources pétrolières du Golfe. Les événements dramatiques du 11 septembre lui donnent les moyens politiques de cette nouvelle escalade.

Michael T. Klare*

Le président Bush a appelé la nation à s’engager dans une «guerre contre le terrorisme», qui doit être poursuivie jusqu’à la victoire finale. De nombreux Américains soutiennent une action forte visant à l’éradication des réseaux terroristes d’Osama Ben laden et des extrémistes du même type. Mais Bush n’envisage pas une guerre contre le terrorisme en tant que tel, mais une guerre pour garantir le maintien du contrôle militaire US au Moyen-Orient.


Contrôler le Golfe Persique


En songeant à la guerre qui vient, il est important de reconnaître que le «terrorisme» n’est ni une cause, comme le communisme, ni une organisation identifiable, comme l’OLP ou l’IRA. Il s’agit plutôt d’une stratégie. Dans l’histoire, ceux qui sont faibles du point de vue des moyens de guerre conventionnels recourent à des tactiques non conventionnelles, comprenant des attaques terroristes, pour battre ceux qui disposent d’une plus grande force militaire. Dans le monde d’aujourd’hui, plusieurs groupes utilisent de telles tactiques – les Tigres tamouls du Sri Lanka, les Basques d’Espagne, les forces rebelles de Tchétchénie, le Front Islamique de Libération Moro des Philippines, le Hamas dans les territoires contrôlés par Israël, etc.


Bien entendu, les Etats-Unis sont engagés depuis très longtemps dans les conflits du Golfe Persique. Depuis que les Anglais ont quitté la zone, en 1972, les forces US ont été chargées de protéger les gouvernements amis – spécialement l’Arabie Saoudite et les émirats conservateurs de la région – et de résister à toute mise en cause du libre flux du pétrole. Ce fut le début de la doctrine Carter des années 80 et la toile de fond de l’opération «Tempête du désert» en 1991. Depuis lors, les Etats-Unis ont réussi à concentrer une puissance militaire suffisante dans le Golfe pour dissuader leurs deux principaux adversaires potentiels, l’Iran et l’Irak, de mener des opérations directes contre l’Arabie Saoudite et le Koweït. Quelque 20 000 à 25 000 hommes stationnent en permanence dans la zone et de grandes quantités d’armes et d’équipements ont été «pré-positionnées» afin de permettre une projection rapide des forces US.


Attaques terroristes contre la présence US


Bien qu’il soit parvenu à dissuader les Etats comme l’Iran et l’Irak, le dispositif militaire américain n’est pas arrivé à prévenir les attaques d’extrémistes et de forces irrégulières, notamment des réseaux terroristes associés à Osama Ben Laden, contre les intérêts américains. Ces groupes vomissent la présence du personnel militaire américain – en grande majorité non musulman – au voisinage des lieux saints de l’Islam, spécialement Djedda et La Mecque. Ils en veulent aussi aux Etats-Unis pour leur soutien à Israël et à l’embargo économique contre l’Irak (…).


Les extrémistes anti-américains du Golfe Persique savent qu’ils ne peuvent pas se débarrasser de la présence américaine par des moyens militaires conventionnels, c’est pourquoi ils recourent au terrorisme. En 1995, ils ont fait exploser des bombes contre le QG de la Garde Nationale d’Arabie Saoudite, soutenue par les Etats-Unis; en 1996, contre les tours de Khobar, un complexe d’habitations américaines; en 1998, contre les ambassades US du Kenya et de Tanzanie; en 2000, contre le bâtiment de guerre Cole. Maintenant, ils ont frappé à New York et à Washington.


Vers une nouvelle escalade


Comme l’a affirmé le Président Bush et bien d’autres, les frappes terroristes du 11 septembre ont été un acte de guerre contre les Etats-Unis. Mais ils n’ont pas été seulement l’expression d’un sentiment anti-américain ou anti-occidental, comme certains l’ont suggéré. Plus exactement, ils ont représenté une attaque majeure dans la lutte en cours entre les Etats-Unis et ses adversaires pour le contrôle du Golfe Persique. Maintenant, c’est un nouveau chapitre de ce conflit qui s’ouvre.


D’après tout ce que nous entendons à Washington, le Président Bush envisage une escalade majeure dans cette guerre en cours. «Nous avons en vue une campagne durable et de grande envergure pour la sécurité de notre pays et l’éradication du mal du terrorisme», a-t-il déclaré. Selon toute vraisemblance, cela va impliquer des frappes aériennes contre des camps terroristes en Afghanistan, combinées avec des actions de commando pour s’emparer de Ben Laden et de ses associés. Cela devrait probablement comprendre des attaques punitives contre l’Irak et d’autres pays qui auraient pu accueillir les hommes de Ben Laden ou les assister d’une quelconque manière. Des troupes au sol pourraient être envoyées pour le contrôle de positions stratégiques (par exemple, la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan) afin de briser toute résistance aux attaques US. (…)



  • Version intégrale publiée par ZNet, 18 septembre 2001. Titre, intertitres et traduction de la rédaction. L’auteur est professeur de science politique à Hampshire College, Amherst, Mass. Il est l’auteur de Ressource Wars: The New Landscape of Global Conflict (Les guerres pour les ressources: le nouveau paysage du conflit global), Metropolitan Books/Henry Holt, 2001.