Accord dans la fonction publique: le Cartel devait-il signer?

Accord dans la fonction publique: le Cartel devait-il signer?



Nous publions ci-dessous une prise de
position de notre camarade Andrée Jelk-Peila, présidente
du Cartel intersyndical, sur l’accord récemment
signé entre la fonction publique et l’Etat de
Genève. Une version préliminaire de ce texte a
été publiée par Le Courrier. Fallait-il signer cet
accord ou au contraire s’y opposer, comme le défend la
majorité du SSP, même si les forces actuellement
mobilisables ne permettaient pas vraiment d’obtenir mieux.
solidaritéS n’a pas encore pris de position collective
à ce sujet; le débat est donc ouvert…

Le protocole d’accord passé avec le Conseil
d’État (CE) le 20 mars 2006 définissait deux axes
principaux de discussion et de négociation publique: la question
du système de rémunération et celle du statut de
fonctionnaire (loi sur le personnel de l’administration
cantonale, la LPAC).

Le nouvel accord signé le 13 septembre porte, outre sur ces deux
objets, sur un accord salarial 2007 et sur le paiement, en 2007, des
réévaluations de fonction collectives, promises puis
rendues caduques par le précédent gouvernement. En ce qui
concerne les mécanismes salariaux 2007, une fois encore le
personnel de l’État verra son pouvoir d’achat
diminuer: l’annuité ne sera versée que sur 6 mois
et la prime de fidélité bloquée au niveau de 2005
(mais versée pour les nouveaux ayant-droit).

Un gouvernement «de gauche»?

L’indexation des salaires est réduite à sa plus
simple expression: 0,4% (au lieu du 1,5% d’augmentation de
l’indice des prix). Mais, il y a plus fort encore: elle
représente l’équivalent monétaire des 6 mois
d’annuités non versées. Le personnel paie donc sa
propre indexation! Le Cartel, à l’instar de l’Union
syndicale suisse, demande pourtant 4% d’augmentation pour toutes
et tous, dans une conjoncture économique plutôt favorable.
Pour sortir de l’impasse, il suffirait de revenir sur les cadeaux
fiscaux aux très hauts revenus et de faire passer les grosses
fortunes à la caisse, ce que réclament les initiatives
fiscales de la gauche…

Le Cartel ne pêche donc pas par naïveté: il
dénonce la façon inique, au lendemain de l’accord,
d’annoncer «- 50 millions de charges sur les
mécanismes salariaux prévus par la loi.».
Scandaleux également, ces plans de mesures 1 et 2 (69,5 millions
d’ «économies» à ce jour),  qui
s’attaquent sans relâche aux plus bas revenus et aux
laissé-e-s pour compte de la croissance, minant tant les revenus
que les prestations sociales. Et cela, alors que les entreprises
réalisent des bénéfices colossaux et que les
revenus élevés ne cessent de croître!
Ainsi, ce gouvernement, s’il offre un meilleur espace de
discussion, voire de négociation, n’en applique pas moins
une politique d’austérité et de régression
sociale. On pourrait attendre d’un gouvernement dit «de
gauche» qu’il s’attaque aux inégalités
en prenant des mesures pour taxer les gros revenus et les
bénéfices indécents. Il n’en fait rien.

La révision de la loi (LPAC)

Dans l’accord signé, le Cartel affirme son opposition aux
«licenciements facilités». Lors des discussions
autour de la LPAC, le Cartel s’est employé à
refuser, amender ou modifier les propositions du CE qui
péjoraient la situation actuelle. Le dernier mot étant du
ressort du gouvernement, la LPAC revisitée comporte deux
modifications importantes: suppression de l’avertissement en cas
de faute professionnelle, première sanction «le
blâme» et disparition de l’enquête
administrative en cas d’insuffisance des prestations. Dans ce
dernier cas, évaluations périodiques, discussions,
avertissements, formation complémentaire et tentative(s) de
reclassement précéderont le licenciement éventuel.

C’est une dégradation des conditions d’emploi. Le
Cartel, par l’entremise des syndicats, veillera à ce que
le droit d’être entendu, le droit à la formation
ainsi que celui du reclassement soient respectés dans tous les
cas et qu’aucun licenciement arbitraire ne soit pratiqué.
Pourtant, il faut aussi reconnaître que la LPAC actuelle ne met
pas les travailleurs-euses à l’abri d’un
licenciement abrupt, pour preuve les 14 emplois supprimés
à l’Hospice général sans avertissement ni
information préalable aux syndicats. Dans la défense des
postes, aucune loi ne peut remplacer les syndicats qui
représentent et défendent les travailleurs-euses.

Pourquoi accepter un tel accord?

L’Assemblée des délégué-e-s (AD) du
Cartel, organe suprême de l’association, a accepté
le 12 septembre à une très large majorité de
signer l’accord. L’AD a considéré que, outre
les points évoqués précédemment
(revalorisations de fonctions et mécanismes salariaux), le
paiement, versé dès l’engagement à toutes et
à tous, d’un 13e salaire, et ceci dès janvier 2008,
présente l’avantage de soustraire enfin le montant de la
prime de fidélité au chantage conjoncturel de
l’employeur (22 ans pour arriver à une prime égale
à un 13e salaire… quand la progression n’est pas
bloquée!). Cet élément constituera un gain
essentiel pour les jeunes et nouveaux collègues, plutôt
modestement rétribués en début de carrière,
et ne lèsera personne. De plus, l’engagement se fera
directement dans la classe salariale de fonction. La nomination, enfin,
interviendra au bout de deux ans (au lieu de trois).

Si la modification de la LPAC constitue une péjoration, elle se
situe cependant encore dans le cadre légal statutaire et
maintient les garanties attachées au régime de droit
public. En face, la droite majoritaire au Grand Conseil entend liquider
ce statut!

Le Cartel se devait de signer cet accord pour 2007, ses membres ne sont
pas pour autant dupes quant aux menaces qui planent sur la fonction
publique et ses usagers-ères. Ainsi, les nouvelles mesures
d’économie du Conseil d’Etat qui vont frapper le
personnel et les usagers-ères de la fonction publique, et dont
l’ampleur n’était pas encore chiffrée au
moment de l’accord, devront être fermement combattues. Le
démantèlement social se poursuit, c’est
indéniable, et le Cartel ne se sent en rien empêché
de se mobiliser et de combattre les iniquités à venir,
hélas trop prévisibles.

Conscient que la dégradation des conditions de travail, la
stagnation des salaires, la perte du pouvoir d’achat et les
tensions sur le marché du travail poussent au repli, le Cartel,
renforcé par la signature d’un accord qui montre sa
capacité de négocier, même à reculons,
réaffirme son rôle fédérateur et
mobilisateur.

En regroupant les syndicats des secteurs publics et parapublics, en
poursuivant les négociations, en informant et en menant des
discussions sectorielles, il s’active et s’activera plus
que jamais afin de recréer, dans tous les secteurs, les
conditions d’une mobilisation d’envergure sur des enjeux
essentiels.

Andrée JELK-PEILA