Pourquoi Solidarités dit NON! NON! et NON !

Pourquoi Solidarités dit NON! NON! et NON !

1. NON AUX DISCRIMINATIONS!

La Loi sur les étrangers (LEtr) inscrit dans la loi la politique des «cercles» en matière de migration le «modèle» des trois cercles, adopté en 1991 par le Conseil fédéral, puis transformé, en 1998, en celui des deux cercles, soit un système binaire d’admission. La LEtr met ainsi en place un droit différent selon l’origine nationale des migrant-e-s, normalisant une véritable ségrégation entre ressortissant-e-s des pays de l’Union européenne (UE/AELE) et ceux et celles qui viennent du reste du monde. Cette inégalité de traitement était appliquée jusqu’ici par l’administration sur la base de l’Ordonnance limitant le nombre des étrangers (OLE) et ses nombreuses directives. La LEtr consacre cette division du monde en deux, construisant un nouveau mur juridique entre Européens-ennes de l’UE/AELE et le reste de la planète. Même Sarkozy, avec sa politique «d’immigration choisie», n’a pas été aussi loin! En effet, aujourd’hui, un million et demi d’étrangers et d’étrangères vivent en Suisse, soit quelque 20% de la population. 57,9% d’entre eux et elles (fin 2004) proviennent des pays de l’UE: ils sont au bénéfice de l’Accord de libre circulation des personnes (ALCP). Quant aux 42,1% restant, ils et elles seront soumis à un régime juridique particulier, celui de la LEtr. A l’avenir, les ressortissant-e-s de pays non-membres de l’UE/AELE seront sur le fond considérés comme indésirables. A titre exceptionnel, sur la base d’une politique de contingentement très stricte, une toute petite part d’entre eux/elles, hautement qualifiés, pourront être admis, pour des séjours de courte durée (permis L, une année au plus) ou avec une autorisation de séjour (permis B, une année au moins). Aucun droit à la prolongation de ces permis n’existe. Une autorisation de courte durée ou de séjour ne leur sera de toute façon délivrée qu’au cas où aucun-e ressortissant-e suisse ou de l’UE/AELE n’est en mesure d’occuper l’emploi en question. Après 10 ans de séjour en Suisse au titre d’une autorisation de courte durée ou de séjour, ils pourront éventuellement obtenir un permis C, à condition d’avoir effectué les cinq dernières années de manière ininterrompue au bénéfice d’une autorisation de séjour.

2. NON AU RACISME D’ÉTAT!

La LEtr se nourrit des préjugés racistes et contribue à leur diffusion. En 1994, le conseiller fédéral démocrate-chrétien Arnold Koller parlait du risque «d’enchevêtrement culturel» que faisait courir à la Suisse la migration d’étrangères et d’étrangers extra-européens. En instaurant comme critère d’admission «l’évolution socio-démographique de la Suisse», la LEtr reprend, en terme plus «moderne», la notion raciste de «surpopulation étrangère» (Ueberfremdung) figurant dans la loi actuelle, qui date de 1931. Le «droit des étrangers» s’inscrit, depuis les années 30, dans la veine de l’idéologie nazie: étaient visés les Juifs et les Tsiganes. Il existerait un seuil de tolérance à partir duquel l’identité helvétique serait menacée ou altérée par le séjour d’étrangers et d’étrangères, prétendument inintégrables, inassimilables. Le poison de la xénophobie distillé tous les jours par l’UDC blochérienne trouve sa légitimation dans la loi! La LEtr n’institue en conséquence aucun véritable droit au séjour en Suisse pour les étrangers et les étrangères. Au contraire, le principe de la liberté d’appréciation de l’autorité reste au cœur de la politique migratoire, un pouvoir discrétionnaire de la police des étrangers.

3. NON AU DÉNI D’ASILE!

La révision de la Loi sur l’asile (LAsi) parachève le véritable démantèlement du droit d’asile, vidé de sa substance par des révisions successives de la loi entrée en vigueur en 1981. Au fil de ces révisions et d’arrêtés fédéraux urgents, de nombreuses garanties élémentaires de procédure ont été mises en cause et certaines demandes d’asile ne sont déjà plus examinées sur le fond (non entrée en matière, NEM). Les requérant-e-s ont été systématiquement marginalisés et criminalisés: assistance réduite, interdiction de travail, isolement social, mesures de contrainte et assignation ou exclusion de zones géographiques. Depuis de nombreuses années, la liste des personnes persécutées, renvoyées de Suisse sans aucune garantie dans le pays qu’elles fuyaient, s’est allongée. Le sort de quelques-uns nous est connu, tel Janus Salihi, livré à la police serbe en 1986 et condamné à 6 ans de réclusion, ou Stanley van Tha, condamné à 19 ans de prison après son renvoi en Birmanie en 2004; la grande majorité n’a pas laissé de traces, entre anonymat et disparition. En instaurant une non entrée en matière pour tout-e requérant-e ne pouvant présenter de papiers d’identité, jugés valables dans les 48 heures, la révision actuelle de la LAsi tourne le dos définitivement à l’accueil des persécuté-e-s. Elle dresse une barrière quasi infranchissable pour la très grande majorité des nouveaux requérant-e-s d’asile. En effet, selon l’UNICEF, en 2003, 36% des enfants dans le monde ne sont pas enregistrés à leur naissance: ceux-là n’auront jamais de papiers. Et lorsque l’on provient d’un pays en guerre ou que l’on est persécuté par son gouvernement, il est pratiquement impossible de se procurer des papiers. Cette exigence est contraire à la Convention de 1951 sur le statut de réfugié. Il n’y a du reste pas si longtemps, l’Office fédéral des réfugiés avait adopté le point de vue inverse: naguère, présenter son passeport ou un papier d’identité valable dans le cadre d’une demande d’asile était très souvent considéré comme preuve de l’absence de persécution dans le pays d’origine!

Pour pouvoir renvoyer systématiquement ceux et celles qui auront transité à travers des Etats européens, une liste de pays tiers «sûrs» va être établie, vers lesquels il sera possible de procéder à un renvoi sans examen de détail de la demande individuelle d’asile. Non content de fermer la porte aux arrivées par voie terrestre, les arrivées par voie aérienne seront bloquées. Des amendes salées vont sanctionner les compagnies aériennes qui ne procéderaient pas à tous les contrôles voulus. Les aéroports vont être transformés en véritables souricières pour les nouveaux arrivants dans la mesure où la procédure menée à l’aéroport même ne se limitera pas au seul examen préalable. La rétention en zone de transit pourra être portée à soixante jours, avant de se prolonger en détention pure et simple. Pour ceux et celles qui ont vu leur demande d’asile traitée, mais refusée à l’issue de la procédure, les vivres seront coupés: plus d’aide sociale et interdiction de travailler, une façon de les contraindre à partir. On généralise ainsi le régime appliqué aux personnes victimes de non entrée en matière depuis avril 2004.

4. NON À L’APARTHEID SOCIAL!

La LEtr comme la LAsi constituent un laboratoire pour la remise en cause des conditions de travail de tous les salarié-e-s et le démantèlement des maigres droits sociaux reconnus aux personnes défavorisées. Le maintien dans la clandestinité de dizaines de milliers de salarié-e-s (environ 100 000 sans-papiers en Suisse) et la précarisation accrue du statut de nombreuses personnes salariées étrangères rendent plus difficile l’action et la lutte collective. L’obsession de la «lutte contre les abus» s’inscrit dans la logique de la chasse aux pauvres dans tous les domaines: après avoir stigmatisé les «faux réfugiés», on s’attaque maintenant aux «faux invalides», aux «faux chômeurs», aux «faux malades» ou aux «faux bénéficiaires» de l’aide sociale!

Le refus d’entrée en matière sur la régularisation des sans-papiers constitue non seulement un déni de réalité, mais favorise aussi le dumping salarial. Privés de droit au séjour, ces travailleurs et travailleuses sans statut légal sont systématiquement sous-payés et dans l’impossibilité concrète de se défendre. Le seul article du projet de LEtr qui fixait de maigres droit spour les sans-papiers – à savoir l’obligation pour les cantons d’examiner les demandes de régularisation individuelles déposées dès lors que le travailleur ou la travailleuse sans statut légal vit en Suisse depuis quatre ans et répond aux critères d’intégration professionnelle et sociale – a été purement et simplement biffé par le parlement. Avec un cynisme sans pareil, un conseiller national libéral a même osé affirmer: «Mais surtout le principal obstacle à la régularisation des sans-papiers, dont le nombre est estimé dans notre pays entre 70 000 et 300 000, est surtout l’effet d’aspiration de nouveaux migrants illégaux par la perspective d’une légalisation après 4 ans de séjour délictueux. (…) C’est cependant donner des espoirs supplémentaires aux personnes qui seraient tentées de venir illégalement dans notre pays, et j’aimerais vous rappeler que les migrants illégaux qui perdent trop souvent et trop régulièrement leur vie en traversant la Méditerranée ne le font qu’en fonction d’espoirs, aussi ténus soient-ils.»

5. NON À LA VIOLATION DE DROITS FONDAMENTAUX!

La durée maximale de détention administrative – les mesures de contrainte – est portée par la LEtr à 24 mois pour les adultes et à 12 mois pour les mineur-e-s de 15 à 18 ans. Alors qu’elle n’a commis aucun délit pénal, une étrangère, ou un étranger, peut être incarcérée pour une durée correspondant à un délit pénal grave, dont la sanction est même incompatible avec l’octroi du sursis! L’introduction de la détention pour insoumission revient à rendre possible l’emprisonnement d’une personne pour le seul motif qu’elle se montre passive dans l’organisation de son renvoi. Et cette détention, conçue pour exercer une pression à collaborer, est d’une durée initiale d’un mois, prolongeable jusqu’à 18 mois par tranche de deux mois. Le contrôle judiciaire est en outre affaibli à différents niveaux. Un ou une requérant-e d’asile pourra faire l’objet d’une perquisition sans mandat judiciaire, pouvoir qui n’est même pas reconnu à la police dans les cas de grande criminalité! La comparution de la personne détenue en mesure de contrainte devant un juge pourra être retardée, si le renvoi sous huit jours paraît vraisemblable et si le détenu y consent. Si le départ n’a pas lieu dans les huit jours, le contrôle judiciaire devra intervenir au douzième jour. Rappelons qu’en matière pénale, la garde à vue ne peut durer au-delà de 48 heures, voir 24 heures selon les cantons. L’«habeas corpus», c’est-à-dire la garantie de la présentation d’une personne détenue devant un juge, est ici gravement mis en cause.

6. NON AU DURCISSEMENT DES CONDITIONS DU REGROUPEMENT FAMILIAL!

Alors que l’Accord de libre circulation des personnes prévoit des droits étendus en matière de regroupement familial, en particulier un véritable droit au regroupement familial jusqu’à 21 ans, la LEtr le rend au contraire plus difficile. Le regroupement familial devra être demandé dans les cinq premières années de séjour. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement familial devra intervenir dans un délai de 12 mois. A cela s’ajoute les conditions strictes, telles la vie en ménage commun, un logement convenable et des moyens financiers suffisants. Pour les titulaires d’une autorisation de séjour ou de courte durée, il n’existe cependant pas de droit au regroupement familial, l’autorité «peut» simplement octroyer un permis de séjour…

7. NON À LA CHASSE AUX MARIAGES SUPPOSÉS BLANCS!

Pour lutter contre les mariages de complaisance, le Conseil fédéral propose une modification du Code civil (CC) qui permettra à l’officier d’état civil de refuser son concours, lorsque l’un des fiancés ne veut manifestement pas fonder une communauté conjugale, mais éluder les règles sur l’admission et le séjour des étrangers. Si l’abus est découvert ou établi après coup, de telles unions pourront être annulées d’office, comme c’est le cas aujourd’hui pour la bigamie ou si l’un des époux est incapable de discernement! Sur quels critères un officier d’état civil pourra-t-il apprécier que «manifestement» le mariage vise à éluder les règles sur l’admission et le séjour? La couleur de la peau? La nationalité? Des manifestations extérieures d’affection trop exagérées ou l’inverse? Il devra certes entendre les fiancés et peut requérir des renseignements auprès d’autres autorités ou de tiers. L’officier d’état civil est ainsi transformé en véritable policier des moeurs…

Le mariage blanc est mis au rang des comportements frauduleux: il pourra valoir l’emprisonnement jusqu’à trois ans et jusqu’à 20 000 francs d’amende. Dans le cas de nullité du mariage du fait qu’il avait été conclu pour éluder les dispositions sur l’admission et le séjour, l’enfant issu de cette union sera privé de père, au sens légal, puisque la présomption de paternité du mari cessera, selon une nouvelle disposition introduite dans le CC. Une disposition qui favorisera les formes les plus odieuses de chantage avec des conséquences dramatiques pour des enfants qui n’y sont pour rien!

Jean-Michel DOLIVO