Vallorbe, zone hors droits constitutionnels?





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Vallorbe, zone hors droits constitutionnels?

Transformée, il y a quelques années, en lieu «d’accueil» des requérants d’asile par décision de la Confédération, l’ancienne caserne de Vallorbe devait permettre à la fois d’éloigner de Genève, de ses influences supposées laxistes, l’enregistrement des requérants, tout en rendant la question moins visible médiatiquement. Opération pas plus réussie qu’à Bex sous cet aspect. De là à interdire, de fait, la venue de la caravane du comité vaudois 2 x NON aux lois contre l’asile et les étrangers, il y a un pas que la Municipalité de la bourgade n’a pas hésité à franchir. Une décision politiquement grave et scandaleusement antidémocratique.

Dans une ville de garnison, les virées vespérales des soldats provoquent quelquefois des incidents, qui finissent ensuite par nourrir le folklore local. Visiblement, ces anicroches sont mieux supportées lorsque leurs auteurs portent l’uniforme que lorsqu’ils semblent venir d’un peu plus loin. Attisées par une presse qui apprend de plus en plus le caniveau, ces tensions sont invoquées par la Municipalité de Vallorbe pour motiver son refus. Demandant au comité vaudois d’aller, au sens propre de l’expression, se faire voir ailleurs, elle explique, dans sa réponse du 30 juin:

«Vous n’êtes pas sans savoir qu’un CEP, Centre d’enregistrement de procédure (anciennement Centre d’enregistrement pour requérants d’asile), se trouve sur le territoire de notre commune.

Dès lors, dans la mesure où notre Conseil communal demande à l’Autorité des mesures fermes, voire une fermeture du CEP de Vallorbe, suite à divers incidents -dont des lésions corporelles, nous ne pouvons cautionner votre démarche.

Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons accéder à votre requête et ne prendrons en aucun cas position pour ou contre les textes de lois mentionnées en titre, sachant que nous œuvrons tant que faire se peut pour apaiser les tensions et non les aviver.

Partant de ce constat, nous vous suggérons vivement de modifier votre itinéraire et de renoncer à votre venue. Dans le cas contraire, vous assumerez I’entière responsabilité des événements qui pourraient se produire.»

Une négation de la liberté d’opinion

Cette fin de non-recevoir, forme à peine atténuée d’une sorte d’état d’urgence communal, a évidemment fait bondir le comité, outré par le sort ainsi fait aux droits démocratiques élémentaires. Extraits de sa réplique: «Nous sommes indignés par la teneur de votre réponse. En effet, si nous pouvons comprendre que votre Municipalité n’entende pas prendre position pour ou contre la loi sur les étrangers et la révision de la loi sur l’asile, il n’est pas admissible que vous exerciez des pressions sur le Comité vaudois 2 x NON aux lois contre I’asile et les étrangers, en lui suggérant vivement de modifier l’itinéraire de sa caravane et de renoncer à sa venue sur le territoire de la commune de Vallorbe. Quelle que soit l’opinion que I’on peut avoir sur la loi sur les étrangers et la révision de la loi sur I’asile, il incombe à votre Municipalité de favoriser l’expression d’opinions différentes à ce propos, condition même de l’existence d’un débat démocratique autour d’un sujet faisant l’objet d’un scrutin populaire sur le plan fédéral.

L’art. 17 de la Constitution vaudoise dispose à son alinéa 1er que «les libertés d’opinion et d’information sont garanties». Dans ce même article, au second alinéa, il est stipulé que les libertés d’opinion et d’informations comprennent:

  1. le droit de former, d’exprimer et de répandre librement son opinion, comme de s’en abstenir;
  2. le droit de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser;
  3. le droit de consulter les documents officiels, dans Ia mesure ou aucun intérêt prépondérant, public ou privé, ne s’y oppose.

L’étape de la caravane du Comité vaudois 2 x NON aux lois contre I’asile et les étrangers sur le territoire de la commune de Vallorbe a pour but I’information et la diffusion d’opinions qui sont les siennes. Ce faisant, cette caravane ne fait qu’exercer des droits inscrits et garantis aussi bien par la Constitution vaudoise que par la Constitution fédérale (article 16).

Nous constatons par ailleurs que, non content de suggérer vivement à notre Comité de modifier son itinéraire et de renoncer à sa venue sur le territoire de votre commune, vous proférez à son égard, et sous une forme à peine voilée, des menaces inadmissibles, dans la mesure où vous écrivez que, si notre Comité exerce ses droits constitutionnels aux libertés d’opinion et d’information, «alors vous (notre Comité) assumerez l’entière responsabilité des événements qui pourraient se produire». En clair, vous indiquez que votre Municipalité ne garantira pas I’exercice de ces droits et libertés fondamentales sur le territoire de la commune de Vallorbe. Ainsi votre Municipalité entend faire porter à notre Comité la responsabilité des «événements qui pourraient se produire». A quels événements votre Municipalité pense-t-elle?

Compte tenu de la gravité des restrictions aux libertés fondamentales contenues dans votre missive du 30 juin 2006, le Comité vaudois 2 X NON aux lois contre I’asile et les étrangers a décidé de rendre public nos échanges de correspondances.»

Interpelés, le gouvernement vaudois et le Grand Conseil (législatif), censés faire respecter l’ordre constitutionnel, sont maintenant au pied du mur.

Daniel SÜRI