«Propre en ordre» liberticide: un référendum urgent!

«Propre en ordre» liberticide: un référendum urgent!

En mai 2005, le Conseil d’Etat genevois déposait un projet modifiant la loi «sur les procédés de réclame» visant à lutter contre l’affichage libre, qualifié de «sauvage». Votée en juin, la loi est combattue par référendum. Il concerne tous les défenseurs des libertés publiques et tous les militant-e-s progressistes. Signez et faites-le signer. C’est urgent!

Un peu d’histoire. La loi actuelle – entrée en vigueur en 2000 sous la majorité de gauche – vise à réglementer les procédés servant la publicité commerciale. Elle n’inclut volontairement pas dans son champ d’application les affiches de partis, associations, syndicats… qui relèvent de la liberté d’opinion et de l’exercice des droits démocratiques essentiels. Ainsi, toute affiche politique ou sociale appelant à une manif, au soutien à une grève, défendant un mot d’ordre de vote, ou une opinion politique n’y est – en principe – pas soumise.

Cela aurait d’ailleurs été indéfendable, puisque la loi dispose que l’utilisation d’un «procédé de réclame» est soumise à l’autorisation préalable de l’autorité. Prétendre soumettre – ce qu’ils veulent maintenant faire! – tout affichage politique à une autorisation préalable, à un émolument administratif, etc. est du même ordre que de vouloir soumettre la diffusion d’un tract, d’un journal, ou la récolte de signatures pour un référendum à une telle clause… ce que la législation genevoise proscrit heureusement encore, en stipulant que «La distribution […] d’écrits ou autres supports d’expression de la liberté d’opinion ne sont pas soumises à autorisation…»

La loi actuelle visait donc jusqu’ici la pub. Les débats ayant conduit à son adoption en 2000 portent sur ce seul domaine. Lors de ceux-ci, aucune autre référence à la liberté d’expression n’a été évoquée que la défense malvenue – au nom de celle-ci – de la pub en faveur du tabac et de l’alcool par les libéraux. Peut-être que la gauche, majoritaire à ce moment là, a eu tort de ne pas empoigner le taureau par les cornes et d’exclure –explicitement – du champ de la loi l’affichage non-commercial, associatif, politique et social, relevant de la liberté d’expression. Cela allait sans dire, et elle n’a rien dit…

Liberté confirmée par la justice… au siècle dernier

Il faut dire qu’à gauche, le fait de ne pas mener alors un débat englobant affichage commercial et «libre», visait précisément à ne pas mêler ces domaines sans rapport. La situation et la jurisprudence à Genève en matière d’affichage «libre» étaient les suivantes: suite à une bataille judiciaire – gagné par l’association antinucléaire ContrAtom en 1993 – une amende arbitraire pour apposition d’une affiche antinucléaire, avait «sauté», suite au jugement d’un tribunal, reconnaissant qu’il n’y avait aucune base légale pour amender la militante qui l’avait posée.

L’affaire avait fait du bruit, ContrAtom avait été soutenu dans son combat pour la défense d’un moyen d’action indispensable aux mouvements sociaux, par solidaritéS bien sûr, mais aussi par la Ligue des droits de l’Homme, le PS, le Parti du Travail, le Parti écologiste,… L’avocat de la militante jugée pour avoir, sans autorisation, «mis sous les yeux du public» une affiche était l’avocat écolo… Robert Cramer.

Celui-ci avait plaidé avec talent la défense de la liberté d’expression. Dans le Journal de Genève, Sylvie Arsever, rapportait: «Mais même techniquement valable, l’amende assure Me Cramer serait anticonstitutionnelle. La liberté d’expression est un principe fondamental que la Convention des droits de l’Homme ne souffre de voir limitée que pour protéger quelques intérêts prépondérants au nombre desquels ne figure pas le désir de l’administration de réglementer l’emplacement des affiches.»1 Alain Dupraz de la Tribune citait une autre envolée du même, dénonçant le fait que: «La faute reprochée est un pur délit d’opinion. Ce procès est un procès politique» et expliquant que «La liberté d’expression est un droit fondamental qui ne peut être soumis à une autorisation préalable.»2 On ne saurait mieux dire!

Cramer contre Cramer

Ainsi, le statu quo genevois, se fondait jusqu’ici, sur la reconnaissance du droit d’affichage relevant de la liberté d’opinion, avec toujours la possibilité pour des propriétaires d’exiger des réparations si des afficheurs avaient par trop «dégradé» leur bien. Mais les choses changent. En mai 2005, à la veille des élections, le Conseil d’Etat, plus précisément le conseiller d’Etat vert… Robert Cramer, entreprenait de modifier la loi. Avec un exposé des motifs axé sur la mise en œuvre d’un «Plan propreté» issu d’un groupe de travail qu’il avait lui-même mis sur pied.

Ce plan – annexé au projet – traite l’affiche dite «sauvage» sur le même pied que «les détritus, les déjections canines et autres déchets…» L’affichage qualifié de «sauvage» – sans qu’aucune distinction ne soit faite quant à son contenu ou ses auteurs – est ravalé au rang d’«incivilité», de marque d’«incivisme», et l’objectif est sans détours: «éradiquer l’affichage sauvage» avec une «priorité forte» à la répression.

Parmi, les «pratiques efficaces» vantées dans le rapport, on trouve celles de communes – anticipant la nouvelle loi – où les affiches «sont systématiquement enlevées, même en cas d’affichage politique». Tout ceci au profit d’une Genève «vitrine internationale de la Suisse et haut-lieu du tourisme.» La Genève de la démocratie et des droits humains passe à la trappe!

Pénalisation de la liberté d’expression

Les modifications à la loi visent:

  • à pouvoir sanctionner l’auteur d’une affiche pour un «délit d’affichage» commis «par autrui». Alors qu’aujourd’hui, celui qui répond civilement du «dommage» éventuel causé par la pose d’une affiche est l’afficheur, c’est l’éditeur de l’affiche qui devient responsable. Or l’affichage militant et associatif à toujours dépendu de la «mise à disposition» publique d’affiches, en comptant sur toutes les bonnes volontés pour les poser. Aujourd’hui, avec la diffusion d’affiches par Internet, c’est encore plus le cas. Ainsi, si un syndicat ou une association, met à disposition une affiche par Internet et qu’elle est reproduite et collée, c’est l’auteur de l’affiche qui répondrait du «délit».
  • à pénaliser toute infraction aux dispositions de la loi, de ses règlements d’applications et des édits des autorités en la matière. Avec donc, désormais, des sanctions pénales et non plus administratives, une intervention policière légitimée et un montant maximum d’amende de 60 000 Fr. sans parler des frais d’enlèvement ou autres pouvant être mis à charge des auteurs. Ceci dans un contexte où on à vu la justice genevoise entreprendre de pénaliser l’action syndicale, inculper des militant-e-s, etc.

Enfin, toute la discussion parlementaire de cette loi a eu lieu en faisant «comme si» l’ensemble de l’affichage «sauvage» relevait d’un même domaine et qu’il n’y avait pas lieu de faire une distinction quelconque entre l’affichage publicitaire en faveur d’une boîte de nuit en France voisine et une affiche de ContrAtom contre le nucléaire, un appel à voter contre les «Lex Blocher» en septembre ou à signer l’initiative du GSsA contre les exportations d’armes…

Amélioration bidon et serrage de vis réel

Le seul «adoucissement» que prévoit la loi porte sur les emplacements des communes pour l’affichage «sans but lucratif». Selon la loi existante, les communes «peuvent» en créer (sans que soit indiqué leur nombre ou aucun autre critère). La nouvelle loi veut que «dans la mesure du possible» elles en créent. Aucune obligation donc! Mais surtout, cette disposition a été précisée: dans la nouvelle loi, ces emplacements hypothétiques sont désormais réservés à des affiches «pour des manifestations organisées dans le Canton». Ainsi une affiche pour une manif à Berne, un meeting à Lausanne, le démantèlement d’un réacteur atomique en France ou donnant un mot d’ordre de vote… serait proscrite sur ces emplacements.

Le vote de cette loi au Grand Conseil – en l’absence de la gauche de gauche – n’a pas suscité d’opposition de fond et n’a guère fait de vagues En commission déjà, l’an dernier, la seule voix négative à été celle de notre camarade Jocelyne Haller. Mais aujourd’hui, un référendum est lancé. Ce sont d’abord les milieux culturels – L’USINE en tête – qui se sont mobilisés, avec deux premières exceptions «politiques», solidaritéS et ContrAtom… auxquels vient de se joindre le Parti du Travail.

Le pari est de taille: plus de 7000 signatures en quelques semaines avec un délai de dépôt au 27 juillet. Mais cette bataille est un volet important de la défense des libertés publiques contre l’offensive en cours, nous appelons chacun-e à y contribuer. Le référendum se trouve sur www.solidarites.ch notamment.

Pierre VANEK

  1. Journal de Genève. 20.1.1993
  2. Tribune de Genève. 20.1.1993