Nouvel agent orange à l’exécutif: beaucoup de bruit et pas de débat

Nouvel agent orange à l’exécutif: beaucoup de bruit et pas de débat

«Fussball regiert!» – Le foot gouverne. C’est dans un Palais fédéral orné d’une gigantesque banderole portant ce slogan, apposée avec la bénédiction des autorités, que le «show» de l’élection de Doris Leuthard au Conseil fédéral a eu lieu mercredi 14 juin. Les cinq partis gouvernementaux, du PS à l’UDC, appelaient officiellement à élire la candidate unique du PDC, les Verts ne donnant aucun mot d’ordre de vote, se plaignant notamment que le PDC n’ait pas présenté une deuxième candidate un peu moins à droite. Aucun des partis gouvernementaux n’a jugé nécessaire d’intervenir – politiquement – pour défendre ou expliquer sa consigne de vote.

Nous publions, ci-dessous, l’intervention dans ce «non-débat» de Pierre Vanek, au nom du groupe «A gauche toute !», qui a été le seul des orateurs et oratrices à parler de la question de l’égalité entre femmes et hommes et qui a expliqué pourquoi nos trois élu-e-s n’ont pas voté pour Leuthard.

«Je commencerai mon intervention – au nom du groupe A gauche toute ! – en évoquant d’abord un évènement plus important que l’élection «complémentaire» au Conseil fédéral de ce 14 juin 2006. Cela fera quinze ans en effet, jour pour jour aujourd’hui, qu’a eu lieu la «grève des femmes» à l’occasion de laquelle un demi-million d’entre elles se sont mobilisées pour revendiquer une véritable égalité entre femmes et hommes. C’était déjà un anniversaire, celui des dix ans de l’inscription de ce principe dans la Constitution. En effet, ce principe élémentaire a été incorporé à la constitution il y a un quart de siècle… seulement… et déjà.

Il y a 25 ans, seulement, signe du retard dans ce domaine d’un pays qui n’a reconnu le droit de vote des femmes qu’en 1971 et qui a mis plus d’un demi-siècle à concrétiser une assurance-maternité minimale.

Il y a 25 ans, déjà, parce qu’en regard des progrès réels insuffisants accomplis dans ce domaine, cette période est bien trop longue.

En effet, les inégalités restent criantes. En matière salariale notamment puisque les femmes gagnent toujours en moyenne 21% de moins que les hommes. Ainsi, ce sont des centaines de millions de francs par an que les patrons suisses volent littéralement aux femmes de ce pays. Ceci dans un contexte où, depuis des années en Suisse, les conditions de vie de la grande majorité des femmes (et des hommes) se sont dégradées, mais où la flexibilisation et la précarisation des conditions de travail, les attaques aux assurances sociales et la remise en cause des services publics ont touché tout particulièrement les femmes.

Ainsi, si les femmes sont scandaleusement sous-représentées au Conseil fédéral, elles sont massivement et tout aussi scandaleusement surreprésentées du côté des salarié-e-s les plus démunis. Pour ne citer qu’un chiffre dans l’étude sur les salaires publiée hier par l’OFS: il y a dans ce pays cinq fois plus de femmes que d’hommes qui – travaillant à plein temps – touchent un salaire inférieur à 3 000 francs nets.

Mais, ce 14 juin-ci, ce qui dominera l’actualité médiatique ce n’est pas la mobilisation sociale contre les inégalités, mais l’élection de la présidente du PDC, Doris Leuthard, au Conseil fédéral. Certes, cette accession d’une deuxième femme au Conseil fédéral débouchera sur un état de fait un peu moins scandaleux que la situation actuelle du point de vue de l’égalité. Elle ramènera la proportion des femmes au gouvernement à 28%, un niveau à peu près conforme à celui de la part des femmes au Conseil national, qui n’est que la moitié de ce qu’elle devrait être.

Mais le groupe «A gauche toute !» ne votera pas pour Madame Leuthard. En effet, le seul enjeu de cette élection à parti unique est l’ampleur du plébiscite de la représentante d’un parti qui est l’un des piliers de la politique gouvernementale de la droite patronale et néolibérale qui gouverne dans ce pays.

Le PDC participe en effet pleinement à cette politique gouvernementale; la quintessence de sa position «centriste», il l’a résumée de manière pertinente l’été passé dans le titre de son papier de position en faveur de l’extension du travail dominical: «Souple et libéral en semaine – modéré et social le dimanche !». Aujourd’hui, le PDC milite en faveur de l’adoption des deux «Lex Blocher», contre les étrangers et contre l’asile, que nous combattons de toutes nos forces. Il se vante d’avoir contribué de manière décisive à l’aboutissement de ces deux lois xénophobes, dont les femmes immigré-e-s et réfugié-e-s seront les premières à supporter les conséquences.

Pour le surplus, nous ne voterons pas pour une candidate pronucléaire, membre du forum «place financière suisse», qui défend le secret bancaire, les cadeaux fiscaux aux riches et le processus de libéralisation/privatisation dans différents domaines vitaux, qui s’engage en faveur de la «flexibilisation» du travail, qui s’est toujours opposé aux quotas pour les femmes.

Enfin, nous profitons de cette occasion pour réaffirmer nos critiques contre ce système d’élection d’un gouvernement: qui est non transparent, qui n’est basé sur aucun programme explicite, que ce parlement n’a aucun moyen de censurer une fois élu, qui au nom des principes prétendument intangibles de collégialité et de concordance et de consensus de façade, prétend enlever aux citoyen-ne-s le droit, élémentaire en démocratie, à une opposition et à une alternative! Tous sujets sur lesquels notre groupe a fait des propositions concrètes.

Pierre VANEK