Pourquoi la LCR ne signe pas: construire un rassemblement durable

Pourquoi la LCR ne signe pas: construire un rassemblement durable

Nous publions ci-contre l’appel rendu public le 11 mai «pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes». Cet appel fait débat et – en l’état – la LCR a décidé, majoritairement, de ne pas s’y associer. Pourquoi? Nous leur donnons la parole à travers des extraits de deux textes publiés les 18 et 25 mai derniers. On en trouvera les versions intégrales, comme d’autres textes en lien avec ce débat sur www.lcr-rouge.org.

Pourquoi la LCR ne signe pas

Un appel pour des candidatures unitaires a été lancé le 11 mai. […] La direction de la LCR a décidé de ne pas s’y joindre. Voici ses raisons.

Il est évident que, dans la situation politique présente, les responsabilités de la gauche anticapitaliste sont très importantes et le sentiment de la nécessité du rassemblement de la gauche antilibérale et anticapitaliste parfaitement légitime. Dès lors, l’aspiration à un rassemblement de celles et ceux qui n’ont pas renoncé à rompre avec le système est profonde, et nous la partageons. Notre refus de signer l’appel pour des candidatures unitaires repose sur une condition absolument décisive, non seulement pour engager la LCR mais, plus généralement, pour construire un rassemblement durable: le fait de dire clairement qu’aucune alliance gouvernementale n’est possible avec le PS. Or, de l’aveu même des principaux animateurs de cet appel, réunis samedi 13 mai, après la réunion des collectifs du 29 Mai, et interpellés par la LCR, une telle formulation ne saurait être intégrée, car elle ne trouverait pas l’accord de certains signataires de l’appel, dont le PCF.

Peut-on rassembler toute la gauche sur des bases antilibérales, comme le défend la direction du Parti communiste? Un accord antilibéral avec la direction du PS est impossible, une alliance parlementaire et gouvernementale, qui nécessite de partager un même programme, ne pourrait se situer, dans les rapports de force actuels, que sur le terrain du PS.

Que l’on nous entende bien, il ne s’agit pas, dans les prochaines échéances, de faire du PS l’ennemi principal… Notre combat à tous et toutes sera dirigé contre cette droite brutale et arrogante. […] Mais ce que nous discutons ici, c’est l’alternative à construire contre la droite et le patronat, c’est-à-dire une rupture complète, y compris avec les politiques menées par les gouvernements de gauche, ici et en Europe.

Cette alternative ne peut se construire sans que des bases solides soient posées, dès le départ, pour éviter des désillusions, des retournements, qui pourraient s’avérer dévastateurs pour ceux et celles qui, à juste titre, souhaitent un rassemblement unitaire de la gauche antilibérale et anticapitaliste. Qui tourne le dos résolument à ce qui a été tenté maintes fois, et qui a toujours échoué: entretenir l’illusion de pouvoir faire mener au PS une politique contraire à celle qu’il entend mener. Il faut changer les rapports de force. C’est une construction de longue haleine, qui nécessite une indépendance complète face au PS, tout en s’opposant frontalement à la droite. […]

Mais la direction du PCF se refuse à aller jusqu’au bout de cette démarche. En même temps qu’elle signe cet appel, par trois interviews ou tribune dans l’Humanité, elle vient rappeler son orientation de rassemblement «de toute la gauche sur des bases antilibérales». […]

Construire un rassemblement durable

La direction nationale de la LCR a majoritairement confirmé, les 20 et 21 mai, son refus de signer l’appel pour des candidatures unitaires.

Depuis plus d’un an, nous œuvrons au rassemblement des forces anticapitalistes réunies lors de la campagne du NON au traité constitutionnel, par des interventions, des propositions, dont la tribune d’Olivier Besancenot dans Le Monde est le dernier exemple. Dans ce cadre, notre orientation est connue depuis longtemps. Elle s’est illustrée tout au long de l’année: union dans l’action de toutes les forces de gauche contre la droite et le patronat, mais reconnaissance, sur le plan politique de l’alternative à construire, de l’existence de deux gauches partagées par un choix fondamental, l’acceptation ou non de l’aménagement du système…

Nous savons qu’une profonde aspiration unitaire existe. Elle est positive et nous la partageons. C’est pourquoi nous répondons positivement à l’invitation des rédacteurs de l’appel à participer comme observateur au collectif national mis en place. Dans tous les collectifs et l’ensemble des cadres unitaires existants locaux, les militants et militantes de la LCR viendront expliquer leur conception d’un rassemblement anticapitaliste durable. Sans pratiquer la politique de la chaise vide, car nous connaissons nos responsabilités et nous savons également que nos idées d’indépendance vis-à-vis du PS sont très largement partagées. La gauche antilibérale conséquente sait qu’elle ne peut tisser d’alliance parlementaire et gouvernementale avec la direction du PS. Pas par sectarisme indécrottable, mais parce que, sur chaque question déterminante, de l’emploi aux discriminations, les politiques défendues sont inconciliables.

Nous ne voulons ni faire pression, ni apporter une caution radicale à une gauche tiède qui ne résoudra pas les problèmes de la société française. Il faut modifier en profondeur les rapports de force à gauche, ce qui implique d’ailleurs de ne pas réduire cette question à un simple problème électoral! Un rassemblement dont les bases de fondation ne seraient pas assurées quant à ses rapports au Parti socialiste exploserait à la première sollicitation de la direction de celui-ci. Ainsi, sait-on qu’un accord parlementaire signifie le plus souvent voter le budget, c’est-à-dire les fondamentaux d’une politique économique, et s’engager à ne jamais censurer le gouvernement?

C’est pourquoi la volonté du PCF de rassembler toute la gauche sur des bases antilibérales nous apparaît, au mieux, comme la répétition de schémas qui ont conduit mille fois à l’échec, au pire comme de la duplicité: signer des appels avec la gauche radicale tout en acceptant un cadre de préparation des échéances de 2007 avec la direction du PS. L’heure n’est plus au petit jeu tacticien mais à la clarification des options stratégiques. Nous n’avons pas renoncé à un possible rassemblement, mais nous ne céderons pas sur une question décisive, pas seulement pour nous, mais pour la pérennité d’un rassemblement antilibéral conséquent.

Pierre-François GROND