Caisse maladie unique et sociale contre politique néolibérale

Caisse maladie unique et sociale contre politique néolibérale

Lancée par le Mouvement populaire de Familles, un an après l’échec de l’initiative du PSS «La santé à un prix abordable», l’initiative «Pour une caisse maladie unique et sociale» a été déposée fin 2004, avec le soutien des forces progressistes associatives et syndicales, du PSS, des Verts et de «A Gauche Toute!». La droite majoritaire au Parlement vient de la rejeter, suite au refus du Conseil fédéral et du Conseil des Etats de présenter un contre-projet.

Le débat actuel sur la caisse unique est à situer dans le contexte des politiques néolibérales européennes de démantèlement de la sécurité sociale: réduire les coûts sociaux du travail et élargir les marges de manœuvres des capitaux privés dans les secteurs privatisables et rentables de la sécurité sociale. C’est le rôle dévolu à l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), qui vise à privatiser les services et à les soumettre aux intérêts des actionnaires privés. Cela débouche sur l’amputation des régimes d’assurances vieillesse, invalidité et maladie en Europe: transferts de charges sur le dos des salarié-e-s et réduction des droits aux prestations.

A noter que le système de santé suisse, parmi les plus libéraux au monde, après celui des USA, est aussi l’un des plus privatisés et des plus coûteux pour les salarié-e-s: 33 milliards, soit les deux tiers des coûts totaux (50 milliards) sont à la charge des ménages.

En 2003, après l’échec de la 2e révision de la Lamal, la médecine à plusieurs vitesses s’est renforcée: les mesures prises par Couchepin – franchises élevées acceptées par plus de 50% de la population qui ne peut plus suivre la hausses des primes, 20% de participation pour les médicaments non-génériques – ont accru le transfert de charges sur les assuré-e-s, alors que le système de financement de l’assurance maladie obligatoire (AOS) est le plus anti-social d’Europe: la part des pouvoirs publics a été réduite, et les primes par tête identiques – quel que soit le revenu de l’assuré-e – n’ont pas cessé d’augmenter: plus de 77% en moyenne helvétique depuis l’introduction de la LaMal en 1996, avec des subsides modestes, revus à la baisse par les restrictions budgétaires, pour les revenus les plus faibles.

Alors que l’initiative prévoit un financement en fonction de la capacité économique des assuré-e-s, Couchepin dénonce sans vergogne «une privatisation de l’impôt», donnant ainsi le ton de la campagne des opposant-e-s. L’initiative ne prévoit pas pourtant de fiscalisation. L’argumentaire exclut même un financement du type TVA. Plusieurs autres solutions sont possibles: un prélèvement «à la source», avec un taux fixe sur les salaires (5% environ), un financement de type AVS ou sur le modèle de l’impôt direct, un taux fixe de type CSG (contribution sociale généralisée), voire un taux progressif, plus social, en faveur duquel notre mouvement devrait se battre.

Il s’agit donc de mettre fin, par un financement solidaire, à une injustice sociale crasse dont la Suisse garde l’exclusivité! Il faut en effet défendre l’idée que la sécurité sociale, y compris l’assurance maladie, fait partie des besoins sociaux de base et que son financement doit être garanti par un système solidaire, l’impôt permettant une redistribution sociale minimale, compte tenu d’inégalités de revenus et de fortune qui ne cessent de croître!

Contrairement à ce que prétendent Couchepin et les assureurs maladie de santésuise, la caisse unique ne va pas entraîner un gaspillage et un accroissement des coûts administratifs: elle permettra plutôt de clarifier la situation entre l’assurance de base et les assurances complémentaires en les séparant totalement, tant sur le plan financier, que sur le plan administratif et de la gestion, avec un gain annuel estimé à plus de 300 millions par an. L’économie sur les réserves et les provisions peut être estimée à près de 2 milliards, soit près de 10% du coût actuel de l’Assurance obligatoire de soins (20,2 milliards en 2003), alors qu’actuellement, les réserves sont de 3 milliards (16,7% des primes) et les provisions atteignaient 4,5 milliards (25% des primes) en 2004. La caisse unique favorise enfin la gestion transparente et participative des groupements d’assuré-e-s, expression de la démocratie directe dans un système tripartite avec les pouvoirs publics et les prestataires de soins.

En diffusant largement les arguments en faveur de cette initiative, une victoire en votation est possible: un effort de mobilisation sera indispensable pour contrer la démagogie des opposants, démagogie inversement proportionnelle à la faiblesse de leurs arguments.

Gilles GODINAT