Grandes banques et méga-bénéfices

Grandes banques et méga-bénéfices

Pour 2005, UBS a déclaré un bénéfice net record, le plus élevé de son histoire: 14,7 milliards de francs. Par rapport à 2004, une année record aussi, le bénéfice de 2005 a progressé de manière fantastique: +73%. Pourtant, à l’annonce de ces résultats mirobolants, le 14 février dernier, le cours de l’action UBS à la Bourse suisse a… baissé (d’environ 1%). Les gros investisseurs, ceux qui déterminent l’évolution du marché boursier, ont montré que, pour eux, un bénéfice fantastique, en hausse de plus de 70%, et un rendement des fonds propres de… 39,4%, ce n’est pas assez. Le message est clair: il n’y a pas de limite à la recherche du profit. A peine un record est-il atteint qu’il devient la norme et doit être aussitôt battu. La vis est sans fin. L’exemple du Crédit Suisse le confirme, a contrario: le 15 février dernier, il déclarait lui aussi d’excellents résultats, toutefois un peu moins fabuleux que sa grande rivale. Le jour même, son action subissait une sévère chute, de près de 8%.

Les bénéfices mentionnés ci-dessus sont ceux que les deux banques déclarent. On sait qu’elles disposent d’une marge de manœuvre considérable, sur le plan légal, pour «arranger» leurs résultats. Leurs profits réels sont donc sans doute bien plus élevés.

Contrairement à ce que proclament milieux bancaires et médias, bénéfices et emplois ne font pas forcément bon ménage. Au contraire. Entre 1995 et 2005, les bénéfices bruts déclarés des dites grandes banques ont presque triplé, passant – en francs constants – de 9 milliards à près de 25 milliards. Durant les mêmes années, le nombre total d’employés de ces banques a diminué, lui, de près de 8’000. Explosion des bénéfices d’un côté, suppression d’environ 13% des emplois de l’autre, ce sont les deux faces de la même monnaie.

Pourquoi ces suppressions d’emplois? Essentiellement parce que les grandes banques privilégient le segment de la gestion de fortune – un segment qui nécessite relativement peu de postes de travail – au détriment de leur activité «traditionnelle», l’octroi de crédit aux entreprises et aux particuliers qui, elle, en nécessite beaucoup plus. En 1995, quelque 30% de leurs bénéfices provenaient de la gestion de fortune, et 33% de leur activité «traditionnelle». Dix ans, plus tard, en 2005, les proportions respectives tournent autour de 40% et 25%.

A la fin des années 1980, les mêmes grandes banques payaient des impôts qui équivalaient à environ 15% de leurs bénéfices bruts. Aujourd’hui, elles versent à peu près la même proportion au fisc, alors que leurs bénéfices ont été multipliés par cinq. La fameuse flat tax, c’est-à-dire le taux d’imposition unique que le patronat et la droite voudraient maintenant introduire, à la place du taux progressif, pour les revenus des particuliers, existe donc déjà depuis longtemps pour les banques et leurs actionnaires. A leur plus grand profit. (sg)