«Une voix pour la Boillat»: un blog aux côtés des grévistes

«Une voix pour la Boillat»: un blog aux côtés des grévistes

Les médias ont parlé avec sympathie de la grève des salarié-e-s de la Boillat à Reconvilliers. Cependant, vers la fin de la grève, cette «sympathie» a bien pâli. Il était temps, voyez-vous, de revenir à la «raison»… pour toutes les parties, bien évidemment: remettez-vous au travail et discutez… En Helvétie, les médias sont toujours «neutres»: moitié pour les bourreaux, moitié pour leurs victimes. Cependant, à contre-courant de ce consensus lénifiant, le «blog» Une voix pour la Boillat1, s’est fait l’écho des préoccupations des grévistes. A l’heure où nous bouclons, il a contribué à rassembler plus de 12000 signatures de solidarité et plus de 400000 francs de dons, et maintenu un lien vivant entre les travailleurs-euses en lutte et celles et ceux qui les soutiennent. C’est la première expérience de ce type en Suisse, dans le cadre d’une lutte ouvrière. Une raison de plus, pour solidaritéS, de s’entretenir avec Karl, son animateur.

Comment t’es venue l’idée de créer un blog pour la Boillat?

Premièrement, les salarié-e-s de la Boillat avaient reçu, en 2005, un papier interne qui leur ordonnait de ne plus s’exprimer sur Swissmetal auprès des médias, pour des raisons soi-disant d’image de marque. Au début de la grève de 2006, il n’était pas, loin s’en faut et on le comprend, évident pour les employé-e-s de passer outre cette interdiction. Au vu de ce scandale, il fallait donc proposer aux employé-e-s un canal par lequel ils/elles pourraient faire passer leurs idées sans risque. D’où le nom du blog: «Une voix pour la Boillat».

Quand on regarde des gens se battre pour sauver leur usine, c’était un bon moyen de ne pas rester les bras croisés…

Oui, j’avais suivi, voilà quelques mois, une conférence sur l’efficacité d’Internet dans le cadre de mouvements revendicatifs. La conférencière concluait qu’Internet pouvait être un moyen très puissant, dans la mesure où l’on s’en tenait à des enjeux bien délimités dans l’espace et dans le temps. La grève de la Boillat et ses suites, correspondent bien à cette définition

Combien de personnes ont consulté ce blog, comment son existence a-t-elle été largement connue?

Depuis sont ouverture, nous avons compté environ 60 000 consultations du blog. J’en attendais 100 par jour au maximum et ça ne descend jamais an-dessous de 1000! A la base, j’ai fait de la publicité en faisant distribuer (anonymat oblige, je ne l’ai pas fait moi-même) de petit flyers humoristiques et lacunaires parlant de la Boillat. J’ai aussi fait des envois d’Emails publicitaires. Mais c’est surtout parce que les employé-e-s de la Boillat l’ont trouvé intéressant qu’il est devenu aussi fréquenté.

Quel a été son influence dans la poursuite de la grève?

Il ne visait pas à influencer les travailleurs-euses de la Boillat. Ce sont eux-elles seuls qui doivent décider de la suite de leur combat. Quoi qu’il arrive, j’essaie simplement de leur donner la certitude que «Une voix pour la Boillat» les soutiendra toujours. Toujours à propos de l’influence de ce site internet, une chose est cependant à relever: comme tout le mouvement populaire très informel qui a pris naissance autour de la lutte pour la Boillat, ce blog n’a pas été pris au sérieux par la direction de Swissmetal. Cependant, depuis un certain temps maintenant, chez Swissmetal, on s’est mis à lire le blog… Je pense que le blog a fait beaucoup de tort à la direction de Swissmetal, très soucieuse de son image, et surtout, de tenir ses activités secrètes.

A ma connaissance, «Une voix pour la Boillat» est devenu pratiquement le seul lieu de discussion sur la grève, non seulement entre sympathisant-e-s, mais aussi parmi les grévistes, étant donné que les débats en AG, à 13h 30, ne donnaient pas toujours la parole à toutes-tous?

La qualité des débats au sein des assemblées du personnel de la Boillat a parfois été discutable, notamment à une occasion. Mais depuis la reprise du travail, le problème est surtout que les employé-e-s n’ont plus beaucoup de contacts entre eux. Il y a le travail de jour et de nuit, les congés maladie, les licencié-e-s, etc. De plus, la direction de Swissmetal a fait le maximum pour diviser ses employé-e-s. De ce fait, on assiste ces jours à une augmentation des échanges entre travailleurs-euses de la Boillat, difficiles à comprendre pour les externes, mais qui maintiennent un lien très important entre des gens qui ne se cotôient plus directement. C’est aussi dans l’optique de rassembler les gens qu’uZine 3, un lieu de rencontre au centre de Reconvilier, a été créé. Les consommations y sont gratuites pour les employé-e-s de la Boillat et de nombreuses activités s’y déroulent.

Comment vois-tu la suite du mouvement, avec ou sans poursuite de la grève?

Au moment de cette interview, il faut noter que la grève a été suspendue, et que cette suspension a été reconduite par les employé-e-s de la Boillat. Stratégiquement, la Boillat sans la grève est un problème beaucoup plus brûlant pour Swissmetal, actuellement. En effet, les cadres de la Boillat licenciés, Swissmetal a dû dépêcher des cadres de Dornach pour faire fonctionner la Boillat, et leur tentative est un cuisant échec. Donc, la Boillat est très peu productive, mais Swissmetal doit tout de même payer les employé-e-s. Cependant, nerveusement, il est extrêmement difficile pour les employé-e-s de la Boillat de travailler dans de telles conditions, à savoir sous les ordres d’incompétents, dont certains sont des employé-e-s de la Boillat qui ont trahi les grévistes au profit de Martin Hellweg, le CEO de Swissmetal.

Propos recueillis par Daniel KÜNZI

  1. http://www.laboillat.blogspot.com/

Au hasard parmi les déclarations de soutien :

«Il est tout à fait anormal que les patrons d’entreprise puissent manipuler la vie des travailleurs.»

«Les ouvriers doivent être respectés avant le fric des actionnaires.»

«Que vive le savoir-faire et que sombre la spéculation!»

«Ce n’est pas aux syndicats de décourager les employés de poursuivre la grève!»