Congrès de la LCR anticapitaliste et unitaire

Congrès de la LCR anticapitaliste et unitaire

Nous avons suivi les travaux du 16e congrès de la LCR, du 19 au 22 janvier, à la Plaine Saint-Denis (Paris). Pour les quelque 500 délégué-e-s présents, il s’agissait de faire un bilan de l’action de la Ligue depuis deux ans, d’analyser la situation politique ouvert par le «non» au Traité constitutionnel européen, mais surtout de se prononcer sur les perspectives de rassemblement de la gauche anticapitaliste.

Un Congrès de la LCR, c’est d’abord une leçon de démocratie. L’ensemble des membres, réunis préalablement en assemblées locales, élisent leurs délégué-e-s à la proportionnelle (un pour sept membres), sur la base de plateformes longuement débattues. La plateforme 1 (majoritaire) avait ainsi recueilli 49% des suffrages, la Pf 2 (12%), la Pf 3 (26%), la Pf 4 (9%) et la Pf 5 (4%). A l’issue du Congrès, les délégué-e-s élisent la nouvelle direction à la proportionnelle des tendances, avec mandat cependant d’appliquer l’orientation majoritaire.

Une organisation qui recrute

Après son dernier congrès d’octobre 2003, dans la foulée du succès d’Olivier Besancenot aux présidentielles, la Ligue avait lancé un appel à rassembler la gauche anticapitaliste et rédigé un projet de manifeste. Elle avait aussi gagné un nombre appréciable de nouveaux membres. Au printemps 2004 cependant, en tandem avec Lutte Ouvrière, elle faisait de mauvais résultats aux européennes et aux régionales, sur la base de campagnes très «syndicalistes» qui voyaient mal venir l’ampleur du «vote sanction», contre le gouvernement Raffarin.

Dès l’automne 2004, la LCR et son porte-parole étaient cependant au cœur de la mobilisation pour le rejet populaire du projet de constitution européenne. En soutenant l’Appel des 200 de la Fondation Copernic, elle a aussi contribué activement au développement des «collectifs du non», qui ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de militant-e-s dans un millier de structures unitaires.

« Depuis le 29 mai, note le bilan majoritaire, la LCR a agi pour permettre la continuation des collectifs en proposant qu’ils tournent leurs activités vers l’action, les campagnes sociales et le débat sur l’alternative politique. (…) Elle a agi pour poursuivre et solidifier les relations avec les courants politiques de la campagne du non, à commencer par le PCF (université d’été de la LCR, fête de l’Humanité, meetings communs). (…) Aujourd’hui, le débat public entre le PS et le PC à propos de la place de la LCR dans l’alternative politique témoigne du poids que nous avons désormais dans les débats ‘à gauche’ ». Libération du 20 janvier consacrait en effet sa Une au Congrès de la LCR.

Après le 29 mai…

La victoire du non, le 29 mai, a constitué un échec cinglant, autant pour le gouvernement de droite que pour la majorité sociale-libérale du PS et des Verts. Et pourtant… on assiste aujourd’hui à la poursuite et au renforcement des attaques brutales d’un patronat qui licencie et d’un pouvoir qui précarise (contrats nouvelle embauche, contrats première embauche, etc.), dans un contexte où la riposte sociale peine à s’organiser sur une échelle suffisamment large.

En dépit de quelques rares succès (dockers, Nestlé), une série de luttes très dures ont échoué, faute de soutien adéquat, notamment dans les transports (SNCM, SNCF, RTM à Marseille, etc.). De surcroît, la proclamation de l’état d’urgence contre la révolte sociale des banlieues n’a pas non plus suscité de riposte digne de ce nom, notamment de la part des «collectifs du non». En même temps, la minorité du PS, qui avait participé activement à la campagne contre la constitution, est rentrée dans le rang en plébiscitant la synthèse majoritaire au congrès du Mans.

Unifier les anticapitalistes

Les débats du Congrès tournaient précisément autour de ces contradictions objectives. D’une part, l’aspiration à l’unité politique contre le libéralisme, dopée par la victoire du non. D’autre part, l’offensive réactionnaire du pouvoir, qui accule le front social au piétinement, faute d’un large soutien de la gauche politique et syndicale. Dans un tel contexte, la tentation est grande de reporter l’élan du 29 mai sur une bataille pour la «victoire de la gauche» en 2007. La direction du PS, qui ne mène aucune lutte d’ensemble contre la politique du gouvernement, l’a bien compris.

Le « Parti socialiste ne pense qu’à (…) reconstruire une nouvelle ‘gauche plurielle’ avec les Verts, les Radicaux et le Parti communiste (…) et il veut à nouveau entraîner toute la gauche dans cette politique », note l’une des motions adoptées par le Congrès. Tout au contraire, la LCR appelle d’abord à l’unité sur le terrain des luttes sociales afin de résister à la droite ici et maintenant. Sur le plan politique, elle appelle à l’unité des anticapitalistes sur des contenus clairs et refuse toute négociation d’une « alternative politique » ou d’un « contrat de gouvernement » avec la gauche sociale-libérale, en particulier avec la majorité du PS.

Divergences et débats

Sur cette toile de fond difficile, les différentes plateformes déclinaient des orientations tactiques distinctes, notamment par rapport à des candidatures unitaires de la gauche anticapitaliste. La Pf 1 proposait d’épuiser les possibilités de dialogue en vue de candidatures unitaires tout en commençant à récolter les 500 signatures d’élu-e-s pour Olivier Besancenot, au cas où… La Pf 2 ne voyait aucune possibilité d’élargissement du front politique anticapitaliste, au-delà du traditionnel accord avec LO. La Pf 3 préconisait une politique unitaire beaucoup plus offensive, notamment en direction du PCF. La PF 4 défendait aussi une politique unitaire plus audacieuse, mettant l’accent sur les forces nouvelles rassemblées dans les «collectifs du non». Enfin, la PF 5 plaidait aussi pour l’unité des forces anticapitalistes «de terrain», mais sans indiquer véritablement de «marche à suivre».

Globalement, à l’issue du Congrès, une majorité s’est dégagée sur trois options: 1. L’importance décisive des mobilisations sociales; 2. L’appel à l’unité des forces politiques et syndicales de gauche pour appuyer ces mobilisations; 3. L’appel à des candidatures unitaires anticapitalistes qui refusent toute alliance avec le social-libéralisme, autour d’un programme d’urgence. « Ce n’est pas pour nous une question de personne, mais de contenu », conclut l’une des motions adoptées. Rendez-vous en juin pour une Conférence nationale qui prendra une option définitive par rapport aux rendez-vous électoraux de 2007.

Jean BATOU