Exonérations fiscales... et coupes dans le social

Exonérations fiscales… et coupes dans le social

Le Conseil d’Etat continue, semaine après semaine, à publier ses arrêtés s’en prenant essentiellement aux plus défavorisé-e-s et fragiles. Application de son programme de législature 2006-2009, qui n’est combattu au Grand Conseil que par le groupe PopVertsSol.

Ainsi, cadeau de Noël aux jeunes mères: la suppression de l’allocation cantonale de maternité qui était versée aux femmes à revenu inférieur à 2500 Fr. (ou 3500.- pour les couples). En 2005, 200 mères avaient profité de cette prestation. Aujourd’hui, celles qui ne travaillent pas à l’extérieur ne toucheront rien, à moins de relever de l’assistance sociale. Autre cadeau de fin d’année aux élèves en difficulté: un arrêté introduisant l’augmentation des effectifs par classe à tous les degrés de la scolarité…

Cette politique antisociale se fait au nom des «caisses vides». Mais pourquoi le canton est-il dans cette situation? Il y a eu, bien sûr, les multiples cadeaux fiscaux aux entreprises (diminution des impôts au nom de la concurrence fiscale intercantonale) et aux personnes aisées (réduction de l’impôt sur les successions). Le manque à gagner est d’environ 120 millions par an. Voilà qui a creusé une part du trou.

Mais on s’interroge à juste titre maintenant sur les exonérations fiscales dont bénéficient les entreprises du canton. Système opaque, puisque le Conseil d’Etat s’est toujours refusé à publier le moindre chiffre à ce sujet. Cela ne relèverait-il pourtant pas de la démocratie élémentaire de publier, en annexe des comptes, le manque à gagner dû à ces exonérations, comme les député-e-s du groupe PopVertsSol l’ont réclamé en vain.

Tourisme fiscal…

Un rapport d’évaluation de la politique de promotion économique du DEWS ( Development Economic Western Switzerland ), organisme regroupant les cantons de Neuchâtel, Vaud, Valais et Jura, a été commandé à l’Uni de Neuchâtel. Son existence, non publique, a suscité réactions et interrogations notamment au Parlement neuchâtelois. Bernard Soguel (PS), chef du Département de l’économie s’est voulu rassurant, tout comme les conseillers d’Etat des autres cantons concernés, qui ont tous apporté un soutien appuyé et sans faille à l’équipe du DEWS.

Aujourd’hui, il apparaît qu’au-delà du DEWS et de ses responsables… c’est la politique du canton de Neuchâtel qui pose problème. Dans la conclusion du rapport du prof. Jeanrenaud, accessible maintenant sur le site du canton (www.ne.ch), on lit en effet que: « Neuchâtel pratique une politique fort généralisée d’exonération fiscale, au risque d’attirer des entreprises intéressées par le tourisme fiscal et sans attaches avec l’économie du canton. Le retour fiscal est très faible dans ce canton, de nombreuses sociétés ne payant pratiquement aucun impôt cantonal et communal. » Le site officiel du canton, destiné aux entreprises souhaitant s’établir à Neuchâtel, confirme à sa manière: « Enfin et surtout, les sociétés basées à Neuchâtel peuvent garder la plupart de l’argent qu’elles gagnent, ceci grâce à un taux d’imposition avantageux ».

D’un gouvernement qui prétend « réinventer l’Etat » (!), on pourrait attendre non seulement qu’il mette sur la table l’ensemble des données de sa politique économique et publie les chiffres utiles à l’évaluation de sa politique de « promotion économique », mais surtout qu’il rectifie rapidement le tir, au lieu de s’en prendre aux plus faibles et à la fonction publique dans son ensemble.

Le Parti Socialiste Suisse s’est insurgé avec raison contre la décision de certains cantons (dernièrement Obwald) d’introduire des taux d’impôts plats ou même dégressifs en fonction de la fortune ou du revenu. Le but de ces cantons est d’attirer des fortunes et des sièges d’entreprises à la recherche d’impôts bas, politique dont la conséquence inévitable est l’appauvrissement des plus pauvres et l’enrichissement des plus riches. Mais le PSS n’a-t-il rien à dire au sujet du canton de Neuchâtel qui attire des entreprises à coup d’exonérations fiscales, dont la conséquence est bel est bien un enrichissement des actionnaires au dépens du monde du travail?

N’est-il pas temps de rompre avec une politique dont les citoyen-ne-s sont en train de faire amplement les frais? Jusqu’où ira le démantèlement social avant une réaction massive de la société civile?

Henri VUILLIOMENET
et Marianne EBEL