«A gauche toute!» dans le débat à Berne et dans la rue

«A gauche toute!» dans le débat à Berne et dans la rue

En été 2004 déjà, les Chambres débattaient des deux projets de lois sur les Etrangers et l’Asile. Notre groupe parlementaire «A Gauche toute!» (Pierre VANEK, Marianne Huguenin et Josef Zisyadis) refusait de manière conséquente les deux lois et nous appelions à préparer le combat référendaire. Contrairement à la majorité des parlementaires du PSS qui votait la LEtr en juin 2004 au National, invoquant de prétendues «améliorations» obtenues et le fait qu’un refus de la loi aurait «ouvert la voie à une loi encore plus dure à l’égard des migrant-e-s». Des «améliorations» à la LEtr il ne reste rien et la loi «encore plus dure» a été adoptée pratiquement sans dissidence dans le camp bourgeois… La coalition «A gauche toute!» soutient activement, les deux référendums et s’engage dans les comités unitaires qui les feront aboutir ensemble. Nous publions ici deux extraits des interventions en décembre au Conseil national de notre camarade Marianne Huguenin du PST/POP au nom de notre groupe parlementaire. (réd)

Débat LAsi: Nous accusons…

«Le Parlement débat sérieusement de ne même pas respecter la Constitution qui garantit une aide minimum à tous. Il débat sérieusement de ne pas respecter un arrêt de droit du Tribunal fédéral. Il débat sérieusement d’inscrire dans la loi que le seul motif d’asile est la mort assurée. Les dangers de torture, d’emprisonnement, de viol, d’excision, de prostitution forcée, de souffrances physiques et psychiques endurées, le fait que des êtres humains aient été torturés, violés, victimes d’un génocide, qu’ils aient perdu parfois toute leur famille, qu’ils croient enfin avoir trouvé la paix en Suisse, qu’ils ont fait des efforts pour s’y intégrer et qu’ils auraient juste besoin de compassion et d’aide pour continuer à vivre, tout cela n’intéresse pas la majorité…

Finalement, les requérants n’ont qu’un tort. Eux, ils ont cru à l’idéal d’une Suisse humanitaire, à cette image d’une Suisse garante des droits de l’Homme, comme d’ailleurs de nombreux citoyens de ce pays qui, confrontés à des décisions de renvoi de personnes qu’ils connaissent, ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas comment on peut renvoyer une famille survivante de Srebrenica dont les proches disparus ne sont même pas enterrés, qui n’a plus aucune parenté en Bosnie, qui vit et travaille normalement ici. Ils ne comprennent pas comment un requérant d’asile africain, aveugle à la suite des sévices subis, se fait reconduire à la frontière sans autre accompagnement que celui de l’aumônière. Ils ne comprennent pas comment une famille de sans-papiers vivant et travaillant en Suisse depuis plus de dix ans est déboutée de toutes les procédures.

Ce parlement a la responsabilité d’écrire un pan de l’histoire de ce pays et ceux qui en rendront compte témoigneront de l’alignement derrière l’UDC de la quasi-totalité de la droite, à quelques exceptions près […] Cinquante ans après, la Suisse officielle a dû revenir sur une autre page de son histoire. Ce qui se passe maintenant, le sort subi par ces familles, par leurs enfants qui souvent croient à ce pays, se sentent suisses, tout cela ne restera pas impuni, ne restera pas sans voix. Certains de ces enfants seront ministres, écrivains: ils témoigneront…

Nous accusons avec eux, nous accusons un pays qui a tellement peur de l’abus que son obsession de le combattre lui a tout simplement fait oublier le respect des droits de l’homme, un pays qui ne voit plus dans le requérant ou dans l’étranger qu’un cas administratif, un pays qui est incapable de voir l’être humain, de prendre acte de ce qu’il a vécu, de sa situation individuelle, un pays qui ne se donne plus dans sa propre loi la possibilité de prendre cela en compte…»

Débat LEtr: loi contre les Suisses aussi…

«En juin 2004, avant le vote sur l’ensemble sur la loi sur les étrangers, j’avais cité Karl Barth. Comme je n’ai pas l’impression d’avoir été entendue, vous me permettrez de répéter cette citation: “ Dans l’espace qu’il occupe, un peuple ne saurait être un mur, mais uniquement une porte. Cette porte peut être plus ou moins largement ouverte, et elle peut même l’être tout à fait. Mais en aucun cas elle ne doit être verrouillée, et moins encore murée. L’individu qui vit réellement au milieu de son peuple, parmi ses proches, se trouve pris dans un mouvement qui l’oriente vers les gens qui lui sont étrangers, vers les autres peuples, vers le monde.  »

Avec la loi sur les étrangers et la loi sur l’asile, vous avez muré la porte; vous l’avez verrouillée. Ce sont des lois que je qualifierais d’autistes. La majorité au Parlement s’enferme elle-même à l’intérieur de ce mur qu’elle construit contre l’extérieur. Elle prétend éliminer toute la réalité humaine des immigrations traditionnelles en Suisse: celle de Turquie, celle d’ex-Yougoslavie, les 100000 sans-papiers officiellement recensés. Elle prétend éliminer la dure réalité des requérants d’asile du monde dans lequel nous sommes.

“Loi contre les étrangers”, avions-nous dit lors du débat d’entrée en matière, l’évolution des choses a dépassé nos pires craintes: loi contre les étrangers, loi contre l’asile – lois contre la Suisse et contre les Suisses aussi. Contre ceux qui, comme Karl Barth le dit, sont pris dans le mouvement qui les oriente vers les gens qui leur sont a priori étrangers, qui les oriente vers les autres peuples, vers le monde.

“A gauche toute!” s’associe activement aux deux référendums qui vont être lancés, référendums indispensables à la dignité de ce pays.»