Hypocrisie européenne, responsabilité africaine

Hypocrisie européenne, responsabilité africaine

Nous publions ci-dessous de larges extraits d’une contribution spontanée d’une Africaine de Genève, Kinja Mulegwa, sur la situation dramatique des immigrant-e-s clandestins africains. (réd)

Ils avaient fui la misère pour trouver le bonheur au grand eldorado européen. Ils espéraient y arriver en comptant sur la «compréhension» des Européens, sur «l’humanisme» des pays de transit et le soutien des opinions publiques (surtout la société civile) européennes. Ils n’ont rencontré que cynisme, indifférence, humiliation, un soutien mou de la société civile européenne, qui n’a pas su éviter le pire. Ils n’ont eu que des bosses, du sang, de la brutalité et malheureusement des balles réelles qui firent des morts: 14 morts, 500 Africains «oubliés» dans le désert et 2400 à 3000 rassemblés pour être expulsés du Maroc. Effroyable bilan, pour ces jeunes Africains qui ont erré dans le désert, certains pendant deux à trois ans. Ces immigrants africains ont vu leur rêve se briser à deux portes de l’Europe (Ceuta et Melilla, deux enclaves espagnoles du Maroc); les portes les plus perméables, les plus poreuses, pensaient-ils, naïvement. Epuisés, et rongés par l’amertume et un brin de rancœur, ils se résignent à être refoulés chez eux.

Parqués comme des bêtes de somme, dormant à même le sol, souvent en haillons, les yeux hagards, les visages amaigris et les corps faméliques, les télévisions occidentales montrent en temps réel et en continu, cette révoltante atroce réalité. Des jeunes Africains qui tentent – au péril de leur vie – d’escalader les barbelés pour atterrir en terre espagnole. Ces télévisions font leur boulot (informer l’opinion), il est, toutefois, difficile de distinguer le voyeurisme et l’information. Car la diffusion de ces images conforte tant soit peu le coté «voyeur» des grands medias occidentaux. Ces medias n’évoquent l’Afrique qu’a l’occasion de massacres, de pandémies, de cataclysmes, de famines, des Africains fuyant la misère et qui meurent en se noyant en tentant d’atteindre l’Europe par la mer, dans les embarcations de fortune. La répétition de ces images négatives finissent par s’ancrer dans l’inconscient collectif occidental, que notre cher continent l’Afrique est maudit, que c’est un cas perdu, une succursale de l’enfer, inlassablement parcouru par les quatre cavaliers de l’apocalypse (massacres répétitifs, pandémie, famine et calamités naturelles) et qu’il ne s’en sortira jamais.

L’Espagne a frappé très fort. Elle expulse les immigrants clandestins vers le Maroc, qui à son tour les renvoie en Algérie, pauvres migrants qui se trouvent ballottés dans le vent, victimes malgré eux, de la discorde séculaire entre Casa et Alger. […]

Un journaliste marocain s’indigne et explose: «La personne qui a ordonné une telle action, doit être mis aux arrêt, car on ne peut pas jeter des êtres humains dans le désert, sans assistance, ceci est simplement un crime qui ne dit pas son nom.» […]

L’Espagne socialiste de Zapatero a oublié l’Espagne de Franco (1939-1977), le Portugal socialiste de Sampaio a fait table rase du Portugal de Salazar (1932-1968) et de Caetano (1970-1974), de même l’Italie de Berlusconi semble ne pas se souvenir de l’Italie de Mussolini (1922-1943) et les terribles années de plomb (les années 60 et 70). Les régimes fascistes de ces trois pays avaient un point commun: ils poussèrent beaucoup de leurs compatriotes à fuir et à aller chercher refuge dans d’autres pays européens, pour une vie meilleure. […]

Les tragiques événements de Ceuta, Melilla et Lampedusa (l’une des portes d’entrée en Italie, qui a aussi eu ses victimes par noyade), soulignent l’insuffisance des réponses adéquates au problème d’immigration clandestine. […]

Comme l’a dit le Président Alpha Omar Konaré (Union Africaine) «Ces jeunes que nous voyons aujourd’hui affronter les fils de fer barbelés et les murs ne sont pas des voyous, ils sont tenus entre la pauvreté et les exigences de la solidarité» . […]

Kinja MULEGWA