La libre circulation dans la République helvétique de 1798

La libre circulation dans la République helvétique de 1798

Auteure de plusieurs études sur l’immigration, la citoyenneté, ainsi que sur les périodes de la République helvétique (1798-1802) et de l’Acte de Médiation (1803-1813), Silvia Arlettaz avait soutenu en 2002 une thèse de doctorat sur la citoyenneté et la situation des étrangers sous la République helvétique. Trois ans plus tard, une maison d’édition suisse romande publie ce travail volumineux (plus de 400 pages).

Silvia Arlettaz consacre une importante partie de son ouvrage à l’analyse de la Constitution helvétique du 12 avril 1798 (qui crée pour la première et unique fois dans l’histoire suisse un indigénat indépendant du droit de cité communal ou cantonal). Elle étudie la relation entre les citoyens de la République helvétique et les étrangers et plus particulièrement trois thèmes: le droit de cité, la participation des citoyens et des étrangers à la société civile et les frontières de l’ordre public et social.

Née sur les ruines d’une confédération d’Etat à trois piliers – les cantons fondateurs, les alliés, les pays sujets -, la révolution helvétique a dû affronter les pesanteurs héritées de l’Ancien Régime. «Le pouvoir républicain n’a pu imposer ses réformes qu’en passant des compromis avec les autorités traditionnelles. […] Finalement, le droit de cité helvétique est resté subordonné à l’obtention d’un droit de bourgeoisie accordée par les autorités locales. Celles-ci sont ainsi parvenues à préserver une part essentielle des prérogatives qu’elles avaient définitivement perdu en France dès le début de la Révolution» (préface de Gérard Noiriel).

Compte tenu de la situation politique (menées contre-révolutionnaires, guerre européenne), la réflexion des autorités est marquée par des aspects sécuritaires indéniables. Il faut y ajouter le poids des préjugés ambiants (ainsi, les Juifs suisses se voient attribuer le statut d’étrangers, au contraire de ce qui s’était produit en France, dix ans plus tôt) et des incertitudes économiques (la disparition des corporations suscite des réflexes protectionnistes dans certaines couches de la population, hostiles à la «libre circulation» des étrangers – qui peuvent être aussi des Suisses originaires d’autres cantons…). Le déplacement vers la droite de l’axe politique a influé sur l’indigénat helvétique. Ce dernier sera totalement liquidé lors de la «petite restauration» qu’impliquent la chute de l’Helvétique et son remplacement par le régime de la Médiation: dans de nombreux cantons, les milieux aristocratiques et conservateurs reviennent aux affaires. Ce mouvement rétrograde sera encore amplifié durant l’époque de la Restauration, 1815-18301.

Présentant le double avantage de mieux faire connaître une période cruciale de l’histoire suisse et d’entrer en résonance avec des débats très actuels sur la citoyenneté, l’ouvrage de Silvia Arlettaz est donc une référence indispensable.

Hans-Peter RENK

Silvia Arlettaz. Citoyens et étrangers sous la République helvétique (1798-1803). Genève, Georg, 2005 (Collection «Ars Historica & Politica», n° 1).

  1. «L’Acte de médiation de 1803, un enterrement de première classe» (solidaritéS, n° 23, 12.3.2003); «Citoyenneté helvétique et mythe identitaire» (solidaritéS, n° 53, 19.10.2004).