Dérives policières, une menace pour la démocratie

Dérives policières, une menace pour la démocratie

Le Canton et les Communes crient à l’étranglement: les caisses publiques sont vides… D’importantes mesures de restrictions sont annoncées par le Conseil d’Etat à majorité de gauche (2 PS, 1 Vert, 1 libéral, 1 radical). Mais la police, elle, continue à bien se porter. Depuis Expo02, elle est omniprésente, surtout dans les villes. Corollaire: contrôles d’identité intensifiés (les jeunes, les sans-papiers et les personnes de couleur en savent quelque chose!), obstacles à l’organisation de manifestations, amendes pour affichage politique, multiplications d’«opérations» musclées. Voici deux exemples récents, inquiétants pour la démocratie.

Le 8 janvier, une manifestation spontanée, appelée par internet, rassemblait quelque 300 personnes, surtout des jeunes, devant un congrès de l’UDC, organisé à La Chaux-de-Fonds, et hautement protégé par les forces de la police cantonale. Venus protester contre les discours xénophobes et racistes de l’UDC, les manifestant-e-s dénonçaient aussi sa politique anti-sociale en chantant et dansant dans la neige. A la sortie des congressistes, quelques boules de neige avaient été envoyées par-dessus les barrières.

Nom de code: PERFAVORE

Vive réaction de la police – qui avait soigneusement préparé l’événement et opérait sous le nom de code PERFAVORE…. Elle allait répondre aux boules de neige par des canons à eau et des gaz lacrymogènes, obligeant les manifestant-e-s à se disperser. A cette occasion, quelques pierres volèrent et causèrent de légers dégâts à trois voitures garées (par hasard?) devant le congrès. Plainte fut déposée. La police ouvrit une enquête. Infractions retenues: dommages à la propriété (art. 144 al.2 CPS), émeute (art. 260 CPS).

Deux manifestants ont ainsi été déférés devant le tribunal… mais cela n’a pas suffit à la police. Une quarantaine de manifestant-e-s (surtout des jeunes et très jeunes), choisis sur la base de photos et de contrôles policiers effectués avant la manifestation, à la gare de La Chaux-de-Fonds, viennent de recevoir une ordonnance pénale du Ministère public les condamnant à des amendes de 200 à 500 francs, plus 150 francs de frais. Au premier chef d’accusation s’ajoute un second: manifestation séditieuse (art. 34 CPN), actes ou manifestations de nature à troubler l’ordre public (art. 7 et 99 du règlement de police de La Chaux-de-Fonds). Selon Le Petit Robert « manifestation séditieuse » signifie « révolte concertée contre l’autorité publique ».

Depuis quand confond-on en haut lieu l’UDC avec « l’autorité publique », c’est-à-dire avec l’Etat? Parler de « manifestation séditieuse », voilà un dérapage sémantique qu’on ne saurait laisser passer. Les manifestant-e-s inculpés feront opposition. L’opération PERFAVORE, pour sûr, n’avait qu’un seul but: intimider et dissuader les jeunes de s’engager dans la vie politique. Mobilisons-nous pour qu’elle suscite exactement l’effet inverse! Affaire à suivre…

Descente de police…
chez Emmaüs!

Mercredi 21 septembre, nouvelle opération – nom de code encore inconnu et méthode expéditive: une trentaine de pandores débarquent au petit matin devant la ferme d’Emmaüs et déploient leurs forces comme s’ils avaient à faire à une bande de gangsters armés. Finesse habituelle des interpellations policières avec leur lot de provocations. Le mandat d’intervention provenait du même substitut du procureur – Nicolas Aubert – que dans le cas du rassemblement anti-UDC. Simple hasard?

Cette fois-ci, ce ne sont pas les plus jeunes, mais les plus faibles qui sont visé-e-s.

Située à la lisière de la Chaux-de-Fonds, la communauté Emmaüs accueille des personnes marginalisées pour les aider à retisser des liens sociaux. Elle récupère les vieux meubles de la région pour les mettre en vente à bas prix ou les donner aux personnes dans le besoin. Respectant le principe de son fondateur, l’abbé Pierre, la communauté d’Emmaüs ne demande à personne d’où il vient et ce qu’il a été, mais lui demande par contre de s’engager à suivre les règles de la communauté. Les compagnons d’Emmaüs ne sont pas salariés, ils n’ont pas de contrat de travail, ils sont nourris, logés et entourés.

Que font les socialistes
au Conseil d’Etat?

Une trentaine de gendarmes, parfaitement équipés pour la lutte de guérilla urbaine, ont ainsi encerclé la bâtisse d’Emmaüs pour sortir du lit et arrêter les membres de cette communauté, sous prétexte de séjours illégaux. Le conseiller d’Etat responsable de la police (Jean Studer, PS) a-t-il été mis au courant de cette opération? Qu’en pense-t-il?

L’un des compagnons, un Bolivien, qui vivait depuis plus de 5 ans à La Chaux-de-Fonds, a été mis dans un avion dans les 24 heures par la police! A-t-il été entendu par la justice? Le Conseiller d’Etat responsable des migrations et de l’intégration (Bernard Soguel, PS) a-t-il été mis au courant de cette décision de renvoi? Est-ce cela l’humanisme neuchâtelois dans le traitement des personnes sans papiers? D’autres membres de la communauté (neuf au total) ont été expulsés manu militari: français, italiens, portugais… sans permis de travail….

Une réunion avait, semble-t-il, été agendée pour parler de la situation de certains compagnons sans papiers. Elle devait avoir lieu le 12 octobre… Qui fait la justice dans ce canton? la police? Voilà une dérive impardonnable. Des résistances se préparent pour que l’idéologie sécuritaire, style UDC, ne devienne pas la norme à Neuchâtel. Autre affaire à suivre…

Henri VUILLIOMENET