Aide sociale «au mérite» et croissance de la pauvreté

Aide sociale «au mérite» et croissance de la pauvreté

Jocelyne HALLER
Députée, candidate désignée au Conseil d’Etat
«Cette majorité de droite qui s’en prend aux pauvres pour faire des cadeaux aux plus riches doit être sanctionnée.»

La détérioration du contexte économique et social, la précarisation des conditions de travail, le chômage ont fait basculer de larges pans de la population dans la pauvreté. La consommation à crédit en masque les aspects traditionnellement visibles. Pourtant, elle est bien là,
la pauvreté, celle qui hante les nuits
de celles et ceux qui ne savent pas comment ils règleront leurs factures à la fin du mois. Celle qui ne permet pas de subvenir à ses besoins vitaux.

Plutôt que demander qui sont les «pauvres» , fut un temps où l’on aurait demandé s’il y avait des «pauvres» . Car, pendant longtemps, Genève, ville prospère, s’est enorgueillie de ne pas avoir de pauvres, ou plutôt, à force de ne pas vouloir les voir, s’est bercée de l’illusion de ne pas en avoir. Aujourd’hui, il n’est plus possible de se voiler la face. Non seulement il y a des «pauvres» dans ce canton, et qui plus est, en nombre croissant.

Pauvreté et indigence

Les «décideurs» et commentateurs évoquent volontiers la pression des charges de l’assurance maladie ou des loyers sur les budgets des ménages. Cependant, ils ne vont pas plus loin. Ils ne nous disent pas comment on vit avec un très petit budget. Quand chaque dépense doit se faire au dépend d’une autre, aussi indispensable, ou à crédit, quitte à s’engager dans la spirale infernale de l’endettement.

A cet égard, il faut relever la ligne de démarcation qui existe entre celles et ceux qui se débattent avec des revenus si modestes que chaque dépense est une épreuve, dont ils/elles ne savent pas comment venir à bout, quelles que soient les restrictions qu’ils/elles se sont imposées, et les autres, qui se retrouvent au-dessous du seuil du minimum vital. Pour eux/elles, il n’est plus même question de pauvreté, mais d’indigence. Terme qui dit bien la violence d’un système économique qui laisse sans ressources, qui exclut une partie de ses membres.

«A vot’ bon cœur, m’sieurs dames!»

La politique sociale mise en place à Genève est inéquitable et irrespectueuse des personnes. Elle prétend donner, à celles/ceux qui en sont dépourvus, les moyens de subvenir à leurs besoins vitaux. Or, elle définit des seuils de minima vitaux variables selon les catégories de personnes. Ainsi, on notera que les besoins vitaux d’un chômeur-euse en fin de droit ne sont pas estimés à la même hauteur que ceux d’un résident-e sans ressources ou d’un requérant-e d’asile, lui/elle-même traité différemment qu’un autre requérant-e en butte à un refus d’entrer en matière.

Après avoir essuyé un refus sans appel, le 24 avril, en votation populaire, sur leur tentative de réduire les prestations aux personnes invalides au bénéfice de prestations de l’OCPA (Office cantonal des personnes âgées), les autorités cantonales se préparent subrepticement à réduire celles de l’aide sociale.

L’aide sociale «au mérite»

Dès juillet 2006, mais avec un avant-goût dès janvier 2006, seront introduites à Genève les normes intercantonales d’aide sociale (les fameuses normes CSIAS), qui visent à développer d’une forme d’aide «au mérite» , et qui surtout permettront d’opérer des économies notables sur le dos des personnes les plus démunies. Tout cela, sous le prétexte hypocrite de favoriser l’insertion.

De fait, elles rendent «la précarité plus précaire encore» . Car, valoriser l’insertion professionnelle c’est bien, mais se donner les moyens d’en faire une réalité c’est autrement mieux. Et il n’est pas nécessaire pour autant de jouer au «yoyo» avec le seuil des prestations d’aide sociale. Aujourd’hui, Genève compte 22’406 demandeurs-euses d’emploi pour 640 offres d’emplois. Faut-il vraiment «dynamiser» ou motiver les bénéficiaires de prestations ou importe-t-il plutôt de relancer l’offre de postes de travail ou d’alternatives?

La rigueur budgétaire a bon dos…

Définies comme incontournables, en raison des difficultés financières du canton, les baisses de prestations et les remises en question de la sécurité sociale visent plus à gérer la pauvreté qu’à réellement lutter contre elle… On assiste à Genève à la construction de régimes qui systématisent l’aide sociale. Est-ce à dire que l’on se trouve à la veille de l’instauration d’une allocation universelle? Non! Diminuées, soumises à la pression pour l’acceptation d’un emploi à n’importe quel prix – ce qui constitue une autre forme de dumping salarial – c’est en fait vers le salaire d’exclusion que nous acheminent ces prestations d’aide sociale revisitées.

Faisant le deuil, ou se faisant les fossoyeurs, de la lutte contre les inégalités sociales et contre le chômage, les «décideurs» de la droite et du patronat au pouvoir, se préparent simplement à «donner moins pour plus» . Preuve en est, qu’à cela, s’ajoutent encore les diminutions des allocations logement et l’augmentation de la contribution demandée aux bénéficiaires OCPA pour les frais de transports. Nous nous trouvons actuellement face à une mutation fondamentale de la politique sociale. Nous ne pouvons y souscrire, car elle tend à entériner un ordre social de plus en plus injuste, que nous refusons!

Jocelyne HALLER