Convention collective des machines: le patronat joue sur du velours

Convention collective des machines: le patronat joue sur du velours

Après avoir obtenu en 2003 la prorogation de la Convention collective de travail (CCT) de l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM), pour cause de mauvais temps conjoncturel, le patronat du secteur a frappé fort en proposant aujourd’hui tout simplement d’augmenter davantage la durée du travail sans compensation salariale et de transformer le 13ème salaire en bonus variable. Tollé dans les rangs syndicaux, pourtant bien mal pris pour riposter.

Dans la main patronale de Swissmem, il y a plusieurs atouts. D’abord, une paix du travail absolue, qui interdit toute mesure de lutte en dehors d’un hypothétique vide conventionnel (période non régie par une convention). Ensuite, des directions syndicales habituées à décliner leurs revendications en fonction des résultats de cette branche exportatrice.

Garder une industrie concurrentielle?

Parmi les organisations de salarié-e-s signataires de la convention, Syna (ancien syndicat chrétien) donne le ton, pilotant la conférence de presse commune du mois de juin. Son président, Charles Steck, déclarait récemment: «L’objectif prioritaire commun des partenaires sociaux a été défini: nous voulons conserver une industrie MEM concurrentielle et innovante, qui permette de garantir les emplois et dont la Convention collective de travail offre aux travailleuses et travailleurs des conditions de travail modernes et progressistes» (syna magazine, mai 2005). A rapprocher du titre du communiqué de presse d’Unia, qui a suivi sa conférence nationale d’industrie du 21 septembre: «Renforcer la place industrielle suisse par des progrès sociaux».

Cet alignement sur les objectifs de «notre» industrie dans la concurrence mondialisée lie évidemment étroitement le sort des salarié-e-s de la branche aux diktats des managers de Swissmem. Ceux-ci n’ont pas manqué d’ailleurs de vérifier la faiblesse de la mobilisation dans les entreprises, préalablement à l’ouverture des négociations. La pétition de soutien aux revendications syndicales, lancée par Unia, n’a recueilli que 16000 signatures, soit moins de 15% des 120000 personnes couvertes par la CCT dans 610 entreprises. A cette aune, les conférences de presse du genre «retenez-nous, sinon on va faire un malheur!» ne pèsent pas très lourd. Le coprésident d’Unia, Renzo Ambrosetti, a déjà indiqué que la grève n’était pas envisageable hors vide conventionnel et sans la participation des autres organisations de salarié-e-s. Autrement dit, à la saint-glinglin.

Et le salaire minimum, alors?

Convention emblématique de la paix du travail en Suisse, la CCT de l’industrie MEM a aussi pour particularité de ne pas mentionner de salaires dans ses clauses. Ce sont les commissions du personnel qui, entreprise par entreprise, négocient les salaires des travailleurs et travailleuses. L’introduction d’un salaire minimal conventionnel, revendiqué par Unia (voir encart) représente donc une véritable «révolution culturelle» dans la branche, malgré tout le flou de la requête.

Un saut qualitatif d’autant plus grand que, depuis des années, le patronat des machines fait exactement l’inverse, en vidant peu à peu la convention collective de son contenu pour en négocier les éléments concrets au niveau des entreprises. Introduite en 1997, la flexibilisation du temps de travail, lui-même annualisé (art.12 de la CCT), est un exemple type de cette manière d’agir.

Dès lors, pour renverser cette politique, comme l’impliquerait la revendication de salaire minimum, pour autant qu’elle soit prise au sérieux, une mobilisation autrement plus puissante et tenace serait nécessaire. Et aucune négociation collective ne devrait s’engager sans poser le salaire minimum comme revendication prioritaire non négociable. Puisque le patronat nous a juré ses grands dieux, durant la récente campagne sur la libre circulation, que toute idée de dumping salarial lui était étrangère. Prenons-le au mot!

Daniel SÜRI


Unia, les salaires minimaux et le dumping social

« Le pouvoir d’achat pour tous et toutes et des salaires minimaux contre le dumping social.

Les salaires ne suivent pas le rythme de l’augmentation de la productivité et des bénéfices dans l’industrie des machines. Beaucoup de salarié-e-s sont même privés de la compensation intégrale du renchérissement. Pour maintenir le pouvoir d’achat des salaires, elle doit être désormais négociée au plan national entre l’association patronale Swissmem et les syndicats, et être obligatoire pour toutes les entreprises.

Les commissions du personnel continueront de négocier l’adaptation des salaires, au-delà du renchérissement, au niveau de l’entreprise.

En outre, le syndicat Unia lutte pour l’instauration de salaires minimaux en tant qu’outil efficace contre le dumping social et salarial.

L’introduction de la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE fait de l’établissement de salaires minimaux une nécessité urgente. Il s’agit à présent de s’entendre avec le patronat sur des salaires minimaux obligatoires.

La compensation du renchérissement doit redevenir une évidence pour tous. »1

La plateforme revendicative commune des organisations de salarié-e-s (Syna, Unia VSAM, ASC et SEC Suisse), présentée le 27 juin, se contente pour sa part de la seule mention suivante:

« Salaires régionaux minimaux exigés en cas de sous enchère salariale présumée. »

En vertu de la procédure actuelle en cas de sous enchère salariale, nous exigeons que la commission paritaire fixe des salaires minimaux distincts, selon les régions et les niveaux d’exigence, en cas de présomption de sous enchère salariale. (ds)

  1. extrait des revendications d’Unia pour le renouvellement de la CCT.