La libéralisation au niveau local : la résistance à Bellinzone

La résistance à Bellinzone


La libéralisation au niveau local:


Solidarietà, au Tessin se bat contre le bradage de l’entreprise électrique communale de Bellinzone (AECB) Une lutte à suivre dans le cadre du combat anti-LME.*

Grâce l’action d’un comité contre la vente, initiateur d’un référendum qui a abouti sans difficultés, il y aura enfin un débat public qui permettra, espérons-le, de confronter les intérêts publics et privés et d’avoir une discussion concrète sur la nécessité de maintenir un contrôle public sur la production et la distribution de l’énergie électrique.


Le premier argument à contrer dans ce débat est celui lié aux perspectives futures de l’entreprise: dans le cadre d’un marché désormais libéralisé, il n’y en aurait tout simplement pas, comme l’expliquent les tenant de la vente, étant donné la masse critique trop petite que couvre l’AECB.


Libéralisation et privatisation, un même processus anti-démocratique


Evidemment, ces gens oublient volontiers de dire que le marché n’est pas encore libéralisé et que ce sont justement les partis dont ils se réclament et les milieux auxquels ils sont liés, qui cherchent à imposer une libéralisation du marché. Cela dans le seul but d’obtenir ce qui est en train de se passer à Bellinzone: la restructuration et la concentration du secteur dans les mains d’une minorité de puissants producteurs (et distributeurs), en particulier grâce à l’acquisition d’entreprises qui sont encore aux mains du secteur public, comme celle de Bellinzone. Dans ce sens, ce qui est en train de se produire, tant au niveau fédéral, qu’au niveau cantonal et communal, n’est rien d’autre que les deux visages d’un même processus qui met toujours en scène les mêmes arguments politiques.


Un second élément de réflexion nous vient de la façon dont toute l’affaire s’est développée. Une procédure qui démontre, si besoin est, combien les mécanismes «démocratiques» actuels sont tout autre que transparents et peu en mesure d’assurer effectivement la participation des citoyennes et des citoyens aux grandes décisions politiques et administratives. Parce qu’il ne fait pas de doute que la vente d’une partie importante du patrimoine de la ville, à savoir l’AECB, est une question qui ne peut pas décemment faire l’objet de tractations presque secrètes et d’une simple décision prise par un conseil municipal en quelques heures!


Toutes les tractations avec les autres communes (qui n’ont abouti à rien), la décision de vendre, les discussions sur les conditions et le prix: tout s’est déroulé sans que les citoyen-ne-s de Bellinzone sachent les raisons précises… Ils ont dû se contenter de vagues communiqués de presse, naturellement à la fin des tractations, et des commentaires des journaux. Même à l’échelle communale, s’est confirmé l’un des aspects récurrents liés aux divers processus de privation et de libéralisation: l’absolue opacité et, surtout, le manque total de consultations de ceux qui, du moins sur le papier, sont les principaux concernés: les citoyennes et les citoyens.


Contre le personnel


Un autre aspect est celui de la garantie du maintien des postes de travail, qui est une condition posée par la commune dans le cadre de la vente. En fait, l’accord conclu garantit aux travailleuses et aux travailleurs plus où moins les mêmes droits que ceux qu’ils auraient eus si l’AECB étaient restée dans les mains du public, mêmes si elle avait dû fermer ses portes un jour ou l’autre. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut interpréter la garantie de travail pour quatre an au moins et celle d’une possibilité de retraite anticipée, sans oublier que pour presque tout le monde, on augmentera d’une heure le temps de travail journalier. Ces garanties – normales – ont poussé la municipalité à proclamer que la vente s’était faite dans de bonnes conditions «sociales» et que, pour ces raisons, le personnel s’était déclaré favorable.


Ceci n’est évidemment pas vrai. Le personnel a très bien compris la différence entre le statut de dépendance publique de l’AECB et celui qui sera le sien au sein de la Société centrale du Sopra-Ceneri (SES). Une différence importante, à divers points de vue, à commencer par celui de la garantie de l’emploi. C’est pour cette raison que le personnel est toujours resté opposé à la vente, même si, pour des raisons évidentes, il ne l’a jamais manifesté de façon explicite. Il suffirait qu’il puisse s’exprimer librement pour en avoir la confirmation. Ainsi, une fois la vente conclue, le personnel n’avait plus qu’à tenter de négocier un plan contenant un certain nombre de garanties.


ATEL, UBS …EDF


Enfin, Il faut parler un peu de cette «solution tessinoise», dont la municipalité s’est déclarée si satisfaite. Selon elle, la vente au consortium SES-AET permettrait d’éviter que l’entreprise tombe en mains étrangère. Dans un marché de l’énergie électrique aussi fortement pénétré par des capitaux étrangers, un tel raisonnement est simplement ridicule et parfaitement faux. Il suffit d’ailleurs de se rendre compte que la SES est contrôlée majoritairement par ATEL, contrôlée à son tour par Motor Colombus, qui, outre le fait qu’elle appartient en partie à la très «suisse» UBS, est contrôlée par des entreprises allemande et françaises (EDF).


Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’au sommet de la chaîne qui contrôlera l’AECB se trouve le producteur français, qui est le plus grand au niveau européen. Dans les dernières années, celui-ci a développé une stratégie de pénétration dans les principaux marchés européens (l’Allemagne, l’Espagne et dernièrement, l’Italie en achetant une partie importante de Montedison), justement dans le but de pouvoir être plus compétitif dans le cadre de la libéralisation.


Alors, cette «solution tessinoise», ce choix de vendre l’AECB à la SES n’est rien d’autre que l’acceptation de l’«inexorable» libéralisation au niveau européen. Une perspective que les citoyennes et citoyens de Bellinzone, nous espérons, refuseront.

* Paru dans Solidarietà, 20 juin 2001. Traduction et intertitres de la rédaction




Affaires en or en perspective !


Le comité contre la privatisation et la vente de l’entreprise électrique de Bellinzone n’a jamais utilisé le terme «bradage» dans se documents officiels (tracts, lettres ouvertes, prises de positions, etc.). Le terme, qui en a fait enrager plus d’un, est apparu sur une affichette, sur un stand de récolte de signatures.


Nous devons pourtant nous poser la question de savoir si l’utilisation de ce terme pour qualifier le prix de vente de l’AECB n’est pas le plus adapté ? Il ne s’agit pas tant ici de savoir si les 168 millions qui seront encaissés constituent un prix «juste», «haut» ou «bas». Posée en ces termes, la question a peu d’intérêt.


Nous pensons plutôt que le problème doit être posé de façon différente, en se posant notamment deux questions: quelle est la situation financière de l’AECB? Quelles sont les perspectives offertes à ceux qui sont prêts à la racheter pour 168 millions? Deux questions que se seront à coup sûr posé ceux qui sont prêts à acheter l’entreprise, non pour donner dans le bénévolat, mais pour effectuer un investissement qui devra rapporter de l’argent, du moins autant que n’importe quel autre investissement financier effectué sur un marché.


Une situation excellente


L’analyse des comptes de ces quatre dernières années montre une évolution des bénéfices de l’AECB extrêmement satisfaisante. Depuis 1997, on est passé de 8 à 13 millions en 2000. En d’autres termes, en l’espace de quatre ans, l’AECB est parvenue à augmenter son bénéfice de près de 40%. Cela représente un bénéfice moyen d’environ 11 millions par année, tout en tentant compte que le chiffre d’affaire de l’AECB se situe à près de 40 millions par an. Il s’agit d’un résultat exceptionnel, qui témoigne à quel point l’AECB est une entreprise rentable et surtout à quel point ceux qui vont l’acquérir amortiront en peu de temps leur investissement.


D’un point de vue débiteur, les chiffres sont également extrêmement intéressants. Les amortissements effectués ces dernières années, notamment grâce aux excellents bénéfices, ont permis de réduire la dette de l’entreprise de 85 millions en 1992 à moins de 50 millions en 2000. Une intense politique d’amortissements ces dernières années voit au-jourd’hui les investissements ammortis à presque 70%. Il s’agit là aussi d’un fait exceptionnel et qui permettrait à l’entreprise d’affronter n’importe quelle situation. Même la municipalité le relève, puisque dans son message sur les comptes de 1999, elle affirme que la forte diminution de la dette «améliorera sensiblement les capacités compétitives de l’entreprise», même sur un marché libéralisé.


D’excellentes perspectives…


A la lumière des éléments pré-cé-demment évoqués, il apparaît qu’un investissement de 168 millions représente ici une excellent affaire. Les perspectives de bénéfices pour le futur sont excellentes. Sans oublier que la nouvelle société qui sera créée pour succéder à l’actuelle AECB pourra exploiter tout un potentiel d’intégration, du fait qu’elle sera une société du plus grand distributeur et, indirectement, au travers d’ATEL du plus grand producteur d’énergie électrique tessinois. Sans oublier que l’un des «patrons» d’ATEL est l’EDF, qui est en train de se profiler comme l’un des leaders absolus du marché européen de l’électricité.


Ainsi, on peut donc dire que ce chiffre de 168 millions est un chiffre «ridicule» si on regarde les perspectives de bénéfices potentiels à court terme que ce genre d’investissement permet.


Quelqu’un le sait bien: il s’agit du patron de la SES, Daniele Lotti, qui était jusqu’à il y a peu conseiller municipal de Bellinzone et responsable de l’AECB et qui connaît donc parfaitement le potentiel de cet investissement. Au sujet de prix de vente, Lotti a parlé d’un prix «congru». Nous ne savons pas ce qu’il a voulu dire, mais nous savons ce que signifie «congru»: «convenant, adéquat, proportionnel à des besoins déterminés» (selon le dictionnaire). Quel que soit le sens donnés, cela signifie bien qu’il s’agit d’une affaire, en tous cas du point de vue de l’acheteur. Du point de vue du vendeur, plus que pertinent est alors le terme de «bradage».


*Solidarietà, 20 juin 2001 traduction réd.