Redressement des finances... Pas de tabous?

Redressement des finances… Pas de tabous?

Le Conseil d’Etat neuchâtelois (à majorité de gauche depuis ce printemps) s’est engagé au pas de charge et «sans tabous» dans une politique de redressement des finances. Lié par la votation populaire du frein à l’endettement1, il n’a, dit-il, pas le choix et personne ne sera épargné. Car, si les estimations actuelles se confirment, « l’excédent de charges pourrait bien dépasser 8% des recettes déterminantes, soit 5% de plus que ce prévoient les dispositions transitoires du frein à l’endettement » (allocution du Conseil d’Etat du 24 août).

Une majorité de gauche pour quoi faire?

C’est ainsi que le Conseil d’Etat justifie l’arrêté d’urgence qu’il a pris et qui demande à tous les départements et services de l’Etat de se limiter à l’indispensable et de ne plus engager de nouvelles dépenses. Il a en outre décidé de renoncer d’ici fin 2005 à tout nouvel investissement, de geler les projets qui ne sont pas encore en cours, de renoncer aussi à tout nouvel engagement ou remplacement de personnel administratif et d’exploitation, et de suspendre tous les cours de formation continue jusqu’à fin 2005.

Le programme d’austérité s’annonce brutal et la méthode choisie par le Conseil d’Etat (deux socialistes, un vert, une libérale, un radical) ne diffère en rien de celle qu’avait adoptée le Conseil d’Etat à majorité de droite sortant.

Economiser sur la santé des femmes

Illustration significative de sa façon de faire: le retrait pur et simple d’un rapport sur la mammographie, qui était pourtant à l’ordre du jour du Grand Conseil depuis plus de 6 mois et qui aurait sans doute été adopté le 30 août, puisque personne ne contestait l’importance de la mise en place d‘un programme de dépistage du cancer du sein dans le canton de Neuchâtel. Sous prétexte que ce serait là une nouvelle prestation – mais pourquoi pas! – aucun conseiller d’Etat n’a estimé nécessaire de discuter cette question au niveau du Parlement.

Refuser un crédit de 280000 francs par année pour financer, à titre d’essai durant 5 ans, un programme de prévention, voilà qui a paru à ce gouvernement de gauche, nouvellement élu, une bonne économie, un exemple de ce qu’il faut oser faire. On voit où mène la politique, lorsque le Conseil d’Etat décide seul et sans tabou. Les femmes seront une fois de plus les premières à faire les frais de l’austérité. Cette fois ce n’est pas sur leur dos, mais sur leur vie que se joue l’économie.

Budget non participatif…

Pour préparer un budget 2006 plus présentable, moins déficitaire que ne l’indique la première évaluation des comptes 2005, le Conseil d’Etat prépare d’autres mesures. En quoi consisteront-elles? quelles seront les pistes suivies? Il n’y aura pas de rencontre entre les conseillers d’Etat de la gauche, les élu-e-s et les militant-e-s pour analyser comment sortir au mieux du gouffre financier dans lequel nous a plongé la droite au pouvoir depuis un siècle et demi. Pour en savoir plus il faudra attendre comme tout le monde le 20 septembre, date retenue par le Conseil d’Etat pour dévoiler ce plan d’action élaboré «sans tabou».

Pour nous, il y a sinon des tabous, du moins des principes et des valeurs à sauvegarder. A quoi bon sinon changer de majorité? Combattre les inégalités et les injustices sociales, par exemple, en taxant davantage les grandes fortunes et en se donnant les moyens de supprimer la fraude fiscale, développer une politique de prévention dans tous les domaines, à commencer par la santé, travailler à l’augmentation des recettes de l’Etat pour pouvoir garantir un environnement et des services publics de qualité à chaque habitant-e du canton, prendre des mesures concrètes pour combattre les inégalités entre femmes et hommes et favoriser l’insertion professionnelle et politique des femmes. Les trois conseillers d’Etat dits de gauche sauront-ils se souvenir de ces engagements-làaussi? Pour l’instant, on peut ne peut qu’en douter sérieusement.2

Marianne EBEL

  1. Les partis bourgeois, soutenus par le PS (!), ont proposé une modification de la Constitution cantonale neuchâteloise (acceptée en votation populaire en juin 2005): toute décision entraînant soit de nouvelles dépenses importantes pour le canton, soit une diminution ou une augmentation notable de ses recettes fiscales, doit être acceptée par une majorité qualifiée (3/5 des député-e-s). Quant au budget, les dispositions transitoires prévoient que l’excédent de charges ne peut pas dépasser 3% des recettes déterminantes, sauf si la même majorité qualifiée en décide autrement. En clair: impossible d’augmenter les impôts sans l’accord des bourgeois, qui eux, au cours des 15 dernières années, ont baissé à plusieurs reprises les impôts et ainsi vidé peu à pe u les caisses de l’Etat…. à la majorité simple.
  2. Pour rappel, trois faits qui nourrissent ce doute: lors des élections en mars 2005, le PS a imposé l’élection tacite d’un candidat radical, au détriment d’un candidat PS, mieux placé au 1er tour! En juin, le même PS a appelé à voter à la fois en faveur d’une loi favorisant la privatisation de la santé et du frein à l’endettement et aux recettes, qu’il se fait maintenant un point d’honneur de respecter à la lettre.