Contre les préjugés xénophobes, OUI à la libre circulation des personnes!

Contre les préjugés xénophobes, OUI à la libre circulation des personnes!

SolidaritéS appelle à voter OUI le 25 septembre à l’Accord d’extension de la libre circulation des personnes aux ressortissant-e-s des dix nouveaux membres de l’Union européenne (UE). SolidaritéS apporte son plein soutien à l’Appel «Abattre tous les murs et lutter ensemble avec le plombier polonais ou tchèque pour nos conditions de travail»1.Cet appel a recueilli à ce jour plus de 330 signatures de milieux très divers: des artistes, des personnes engagées dans des mouvements de défense des droits des migrant-e-s, des syndicalistes, etc.

Parmi ces signataires figurent les cinéastes Alain Tanner et Alexander J. Seiler, les metteurs en scène François Rochaix et André Steiger, les écrivains Christophe Gallaz, Peter Stamm et Manfred Züfle, ainsi que la comédienne et chanteuse Yvette Théraulaz. Comme l’ont rappelé les initiateurs de cet Appel, lors d’une conférence de presse, « il est insoutenable et illusoire de fonder la défense des salariés sur un principe de ségrégation ». Christophe Gallaz a indiqué à cette occasion que, selon lui, « un NON transformerait les femmes et les hommes qu’il prétend défendre en objets pour les trier ». Et Philippe Macasdar, dramaturge, a relevé à cette occasion que « l’histoire culturelle de la Suisse est le produit exemplaire d’une circulation de personnes et d’idées ».

Voter OUI pour lutter ensemble

Notre OUI est aux antipodes de celui d’économiesuisse ou du Conseil fédéral, qui nous font croire, pour l’essentiel, que la ratification de cet Accord permettrait de garantir les emplois, alors que ces mêmes milieux sont les premiers à défendre les délocalisations et la liberté de licencier! Par contre, un refus de la libre circulation ne ferait que renforcer les préjugés xénophobes. Seule la solidarité de toutes et tous permet d’améliorer les conditions de vie et de travail. Quels que soient notre statut et nos origines, nous vivons et travaillons ensemble, et c’est ensemble que nous pouvons nous battre contre la politique patronale de dumping salarial.

La campagne des opposant-e-s atteint des sommets en matière de démagogie et de slogans s’appuyant sur la peur d’une prétendue «invasion étrangère». Dans un débat public, le Conseiller national valaisan Oscar Freysinger (UDC) parle de la nécessaire mise en place «d’un cordon sanitaire» pour faire face aux risques d’un afflux de travailleurs-euses en provenance des pays de l’Est européen. Des pestiféré-e-s qu’il faudrait refouler!

Les habits neufs de l’Ueberfremdung2

A gauche, la prise de position du Parti du Travail et des Indépendants de l’Alliance de Gauche à Genève, qui refusent l’Accord d’extension de la libre circulation des personnes avec leur slogan « Bientôt 50000 travailleurs frontaliers et 25000 chômeurs, ça suffit! », s’inscrit dans la continuité de positions qui, tout au long du 20e siècle, ont été celles d’une partie du mouvement ouvrier face à l’immigration: des positions xénophobes et de repli nationaliste.

Les termes du postulat déposé au Conseil national, en 1962, par le socialiste Willi Ritschard, pour demander la réduction du nombre de travailleurs-euses immigrés en Suisse, illustrent parfaitement cette tradition: « Le Conseil fédéral est invité à faire en sorte, de concert avec les cantons et les associations économiques, que le nombre des ouvriers étrangers puisse être réduit. Il conviendrait d’examiner simultanément s’il n’y aurait pas lieu de fixer, pour l’octroi des futures autorisations de travail, une limite qui ne devrait pas être dépassée.(…) Il ne faut pas se fonder simplement sur des chiffres pour juger s’il y a surpopulation étrangère. Pour l’ouvrier indigène en particulier, la réponse dépend des conditions régnant à son emplacement de travail. Or là, l’appel à fermer les vannes ne cesse de s’amplifier. Le nombre d’entreprises où les Suisses sont en minorité augmente toujours et c’est là que naissent les tensions. Nos compatriotes quittent et évitent les entreprises à forte proportion étrangère. C’est ainsi que dans des secteurs importants, nous devenons de plus en plus tributaires de l’étranger »3.

Contre la xénophobie et l’exploitation

L’Union syndicale suisse (USS) n’était pas en reste. Elle affirmait à la même époque: « Ce n’est pas verser dans la xénophobie que de prétendre que la limite supportable est atteinte. D’abord parce que cet afflux conduit à des investissements outranciers (…). Ensuite, parce que ces entrées excessives compliquent toujours davantage le délicat problème du logement (…). Pour conclure nous dirons que l’extrême limite dans l’appel de la main d’œuvre étrangèreest maintenant dépassée. Dans l’intérêt de la paix sociale, il convient donc de savoir s’arrêter au bon moment (…). Sinon l’aventure finira mal »4.

Un OUI à la libre circulation est indispensable au soir du 25 septembre pour ne pas s’enfoncer encore plus dans cette ornière et nous donner les meilleures conditions pour défendre ENSEMBLE nos salaires et nos emplois, en luttant notamment pour le salaire minimum et une protection légale contre les licenciements. Un refus s’inscrirait inévitablement dans la continuité d’une politique xénophobe, de James Schwarzenbach à Christoph Blocher. Il donnerait des ailes à la majorité des Chambres fédérales qui, avec la nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr) et la révision en cours de la Loi sur l’asile (LAsi), est déjà en train d’écrire les pages suivantes de cette politique discriminatoire.

Jean-Michel DOLIVO

  1. A signer sur le site de www.sit-syndicat.ch
  2. L’Ueberfremdung est traduite faussement par «surpopulation étrangère». Sa traduction exacte est «altération excessive de l’identité nationale», un terme qui oppose «schweizerisch» à «unschweizerisch» (contraire à l’esprit suisse). Cette notion est au centre de la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE) de 1931 qui dispose que «pour les autorisations, les autorités doivent tenir compte des intérêts moraux et économiques du pays, ainsi que du degré de surpopulation étrangère».
  3. Postulat cité dans, Ebel, Marianne, Fiala, Pierre, Sous le consensus, la xénophobie. Paroles, arguments, contextes (1961-1981), Lausanne: Institut de science politique, 1983, p. 22. Willi Ritschard (1918-1983) sera conseiller fédéral, Chef du Département des Finances, de 1973 à sa mort.
  4. Ibid . p. 124