Malsain pour les bisons... pas pour les réfugiés

Malsain pour les bisons… pas pour les réfugiés

«Un lieu de vie agréable (…) avec une isolation particulièrement performante, qui protège bien des bruits extérieurs et intérieurs (…) bien desservi par les bus. Il est aisé de se rendre assez rapidement dans (…) les galeries marchandes de l’Aéroport, à Balexert. Trois Noctambus desservent le chemin des Bois brûlés.» Cet extrait est tiré de la nouvelle plaquette de présentation, conçue par le service d’aide aux requérants d’asile (ARA) de l’Hospice général (HG) à Genève, qui vante ces nouveaux logements de fortune pour les requérant-e-s d’asile.

La présentation attrayante de la plaquette contraste avec la réalité du lieu. En effet, les trois bâtiments en préfabriqués sont situés en bout de piste de décollage de l’Aéroport international de Cointrin, côté Collex-Bossy. Ils sont véritablement accolés à la barrière protégeant l’accès à la piste, soit sur la partie du territoire genevois la plus polluée par le kérosène.

«Parqués» en périphérie

Ces baraquements accueillent depuis le 2 mai dernier un maximum de 160 requérants d’asile célibataires de couples et, éventuellement, de familles, si l’école du quartier en à la capacité. A quelques mètres de là est située la Voie de Traz, qui a défrayé la chronique cet hiver en raison des conditions de vie offertes aux personnes frappées d’une «non entrée en matière» (NEM). L’intérieur du baraquement a été entre-temps entièrement rénové et les NEM ont pu réintégrer les lieux. En réalité donc, à l’inverse de ce que présente la plaquette, les requérant-e-s d’asile sont véritablement «parqués» en périphérie du canton.

Dès lors, vanter la proximité de temples de la consommation comme les galeries marchandes de l’Aéroport ou de Balexert, alors qu’un célibataire sans activité salariale perçoit pour vivre à Genève 325 francs par mois, plus 90 francs d’argent de poche et 36 francs de vêtements, soit un total de Frs. 451 francs, pose ainsi la question des valeurs véhiculées par cette institution d’action sociale.

Ghettoïsation de l’asile

A ce constat il faut en ajouter un autre: au moment où le premier accueil (AGECAS) et le deuxième accueil (HG) ont été fusionnés et rattachés à l’Hospice, il existait une trentaine de foyers d’accueils. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une dizaine, qui devront être fermés d’ici la fin de l’année. Les veilleurs qui officiaient dans ces lieux avoisinaient les 80, or ils ne sont plus qu’une poignée. Ils ont été remplacés par une surveillance confiée à des polices privées, ce qui dénature complètement le mandat institutionnel, qui prévoit un soutien social et administratif. Il est vrai que des permanences sociales seront tout de même maintenues sur ces sites. Un intendant gérera la structure et les résident-e-s sont chargé d’effectuer les tâches matérielles.

On peut donc affirmer que le canton de Genève, par l’entremise de la majorité bourgeoise, de son parlement et de son alliée l’UDC, s’aligne sur la politique d’asile mise en place par le ministre Blocher et soutenue par la droite des chambres fédérales. Nous assistons ainsi à la naissance de véritables ghettos dans ce canton!

Malsain pour les bisons,
pas pour les réfugié-e-s

Certains collaborateurs-trices de l’institution, pour qui le code de déontologie a encore un sens, rapportent même que les autorités vétérinaires auraient refusé une autorisation pour «loger» des bisons sur ces terrains, ce qui n’a pas empêché le DAEL, présidé par un socialiste, d’accepter de les louer à l’Hospice pour les requérant-e-s. L’Exécutif de ce canton paraît donc bien soumis aux thèses xénophobes et sécuritaires véhiculée par la fraction parlementaire UDC et ses alliés de l’Entente.

Et même si les allégations des collaborateurs-trices de l’HG n’étaient pas totalement fondées, la réalité vécue par les requérant-e-s d’asile ne semble intéresser que peu de monde, puisqu’ils ne font pas partie du corps électoral. A l’inverse, l’Association des riverains de l’Aéroport de Genève (ARAG) a su défendre les intérêts de ses membres sur le terrain politique et juridique, tout en ayant jamais vécu aussi près des pistes de l’aéroport. Il est intéressant de noter que l’ARAG dénonce sur son site Internet un nouveau record de 645 vols de nuits, entre 22h. et 6h. du matin, en mars 2005 principalement à mettre au crédit de la compagnie EasyJet!

La Confédération, par l’entremise du Département de Monsieur Blocher, qui impose un durcissement sans fin en matière d’asile, est fondamentalement responsable de cette dégradation des conditions de vie des requérant-e-s. Il est cependant inacceptable que le canton de Genève, par des décisions de plus en plus contestables, contribue directement à cette politique inhumaine.

Jean-Daniel JIMENEZ