La Marche mondiale des femmes à Neuchâtel et à Genève

La Marche mondiale des femmes à Neuchâtel et à Genève

La Marche Mondiale des Femmes, partie le 8 mars de Porto Alegre, au Brésil, et qui aboutira le 17 octobre à Ouagadoudou, au Burkina Faso, a traversé la Suisse entre le 10 et le 14 juin: Bâle-Aarau-Zurich-Lucerne-Bienne-Neuchâtel-Fribourg-Nyon-Genève. Images de Neuchâtel et Genève.

Dimanche 12 juin, 10 h, Neuchâtel: un petit déjeuner en musique, avec Encuentro, un groupe argentin, réunit les familles (toutes générations confondues) venues se régaler de tresses et de «confitures maison». A midi, la foule se presse sur la place du 12 septembre pour venir écouter Florence Chitacumbi; il fait grand soleil, danses, contes pour enfants et adultes, jeux de rencontre s’organisent. Un nouvel arbre, un orme de Sibérie, vient d’être planté officiellement pour marquer le passage de la Charte mondiale pour l’humanité. Une plaquette commémorative rappelle, au pied de ce jeune orme de 5 mètres de haut, les valeurs de la Charte: justice, liberté, égalité, paix et solidarité. Seront-elles réalités quand cet arbre devenu adulte aura atteint 20 à 30 mètres? Dédié aux femmes victimes de violences et de pauvreté, cet arbre appelle dès à présent les jeunes et toutes les générations futures à continuer cette lutte engagée actuellement à l’échelle planétaire. La veille, une équipe a participé à une marche nocturne, de la Chaux-de-Fonds à Neuchâtel. Dimanche soir, c’est en bateau que la Charte a rejoint Morat, où l’attendaient les Fribourgeoises. Une vraie fête, des moments de bonheur où chacun-e a trouvé sa place – à l’image du monde que nous voulons construire ensemble.

Mardi 14 juin, 12 h, Genève, rue de la Monnaie. Il pleut à verse, quelques militantes trempées tentent de distribuer des tracts sur la MMF, la manifestation et la rencontre du soir. Les personnes interpellées ne tendent pas la main, ne répondent pas, fuient même. Les femmes engagées font-elles encore peur?

Une petite centaine de militantes et quelques hommes amis se retrouvent tout de même à 17 h, tournant le dos à l’OMC, au milieu des décors colorés préparés par les amies de Neuchâtel. La caravane des femmes solidaires, venue de Suisse alémanique, qui transporte la Charte, et la superbe courtepointe (patchwork composé des pièces de tous les pays traversés) offre une plate-forme abritée aux oratrices de Bulgarie et de Neuchâtel. Elles dénoncent la pauvreté et les violences, omniprésentes dans tous les pays du monde et expriment la solidarité qui unit les femmes à travers cette marche mondiale. La manif, pleine de couleurs et de parapluies, part en chantant…le long des rues sans passant-e-s, jusqu’à la Place des Nations, tourneboulée par de gros travaux. Nous évoquons la première Marche en 2000 et la manif européenne à travers une Bruxelles déserte, qui ne voit pas le défilé des 50000 femmes. A l’époque, l’événement n’avait même pas été médiatisé. Aujourd’hui, c’est à peine mieux… Et malgré tout, c’est la fête devant l’Ilôt 13, le pique-nique préparé par Rhino, la voix et l’accordéon bouleversants de Yohana, 20 ans et très rebelle. L’assemblée de discussion démarre sur le succès de la pétition sur l’égalité des chances entre hommes et femmes à la Faculté des sciences sociales et économiques (500 signatures en moins d’un mois, dont 40 professeur-e-s!), puis bifurque sur le partage des tâches entre femmes et hommes (on n’en parlera jamais assez) et atterrit sur la solidarité nécessaire avec les travailleuses sans statut légal qui s’exprimera le 18 juin à Berne.

La journée du 14 juin se termine dans les grands rires suscités par le Quartet Buccal: quatre excellentes chanteuses et actrices à l’humour sarcastique et au rythme décoiffant, qui dénoncent la tristesse de la dépendance aux hommes et exaltent la jubilation de la liberté. Une révélation! A inviter encore ou aller entendre au Festival d’Avignon (Big Bang Theâtre, 8-24 juillet) et à Thonon (Cour de la Visitation, 3 et 4 août).

Le 15 juin, Marie-France de Neuchâtel, s’envole pour Valladolid, elle transporte courtepointe et Charte, qu’elle remettra aux féministes espagnoles à Valladolid. Prochaine étape de la MMF après l’Espagne: l’Australie.

Entendu lors de ce passage
de la MMF en Suisse:

Marianne, chauffeuse et contrôleuse de bus à Zurich. Première femme à avoir obtenu le permis «poids lourds et transports publics» en Suisse, elle a conduit le camion de frontière à frontière, de Bâle à Genève, étape par étape; c’est son premier engagement féministe et elle a découvert avec enthousiasme la solidarité des femmes.

Monica, de Neuchâtel, a construit les poupées géantes, l’expo sur la charte et les décors des diverses manifestations; elle a effectué la tapisserie orange (représentant une femme qui s’élance hors de Suisse), cousue à la grande courtepointe comme marque des femmes suisses. Trop modeste, elle ne veut pas être appelée «artiste», mais «bricoleuse». Mais toutes les femmes qui parlent d’elle commencent leur phrase par «notre artiste de l’art éphèmère…».

Suzanne, institutrice à Lucerne, a pris une semaine de vacances pour vivre intensément la MMF à travers toute la Suisse. Elle est enthousiaste de tout ce qu’elle a vu et de toutes les rencontres avec les féministes suisses. Rina, de Genève, souligne le nombre infime de femmes engagées à Genève dans l’organisation. Cela a représenté une lourde charge pour elle et les quelques autres camarades. Mais elle a jubilé d’organiser une manif qui tourne le dos à l’OMC.

Marie-France, de Neuchâtel, n’ira pas seulement en Espagne, mais le 17 octobre à Ouagadougou. Elle consacre «tout son capital vacances» à la MMF. Elle avait fait de même en 2000, et les liens solidaires noués ainsi à travers le monde donne du sens à sa vie.

Patrick, de Genève, un des rares hommes à suivre toute la journée – des tracts sous la pluie au balayage final – ne peut concevoir un humanisme sans l’engagement féministe et il est présent dans toute action contre l’OMC.

Marianne EBEL et Maryelle BUDRY