Itinéraire procédural de X, victime de la police

Itinéraire procédural de X, victime de la police

Alors que X sort d’un café, des policiers lui intiment l’ordre de rester face à un mur pendant qu’ils contrôlent son identité. Un ami étonné qui passait par là veut intervenir mais se voit intimer l’ordre de partir. X, choqué, proteste et se retrouve à terre, immobilisé. Lorsqu’il tente de se dégager, les policiers le frappent violemment avant de quitter les lieux. Il rentre à la maison souffrant de multiples hématomes et contusions.

Ce scénario fictif est réaliste, son degré d’absurdité et de violence gratuite est bien en deçà de ce que subissent certains requérant-e-s d’asile ou sans-papiers, ou simplement des Africains vivant à Genève.

X est soutenu par des proches qui l’incitent à se rendre dans un centre de conseil de la LAVI. Il y trouve des conseils et un bon pour rencontrer un avocat gratuitement. Une semaine plus tard, cet avocat lui explique qu’il y a bien peu de chances qu’une procédure n’aboutisse. X entend absolument déposer plainte. Il verse une provision à l’avocat qui la rédige et la dépose. La procédure commence.

Le Procureur général confie à la police le soin de mener une enquête préliminaire. Un mois plus tard, X est convoqué par la police pour ré-expliquer son histoire. Depuis qu’il a été frappé, X a peur de tous les policiers, il a donc besoin d’énormément de courage pour passer la porte du commissariat de Carl-Vogt et tout raconter à un officier de police, par ailleurs plutôt sympathique. Quelques mois plus tard, le Procureur général l’informe que sa plainte est classée, puisque la version des faits de X est contredite par celle des gendarmes, et qu’il n’existe aucun moyen de faire la preuve des faits.

X a exactement dix jours pour faire recours. Dans ce délai, il doit payer quelques milliers de francs à son avocat, assez vite pour que celui-ci puisse encore rédiger les actes judiciaires. La chambre d’accusation donnera raison à X plusieurs mois plus tard en indiquant que la police aurait au moins dû entendre l’ami de X pour avoir sa version des faits.

Le Procureur général demandera sans doute à la police un complément d’enquête, puis sera tenté par un nouveau classement. En cas de gain dans un deuxième recours, le dossier pourrait être transféré à un juge d’instruction. Les risques de classements successifs, voire de non-lieu, sont élevés. Autant dire que seule une personne extrêmement tenace ira jusqu’au bout. Le bout étant en général un classement confirmé par la Chambre d’accusation.

Par ailleurs, si sa plainte se solde par un non-lieu, X risque de devoir se défendre d’une accusation de calomnie ou de diffamation contre les policiers. ( pb)