Notables neuchâtelois unis pour privatiser les hôpitaux!

Notables neuchâtelois unis pour privatiser les hôpitaux!

En janvier dernier, le syndicat SSP, soutenu par l’Union Syndicale Cantonale Neuchâteloise, UNIA, solidaritéS, le POP et ATTAC, déposait un référendum contre la loi EHM (Etablissement hospitalier multisite), adoptée par le Grand Conseil, le 30 novembre 2004, par 90 voix contre 13. La votation a été fixée au 5 juin, mais le comité référendaire aura eu bien de la peine à se faire entendre, car, à l’unisson – médias, Conseil d’Etat, comité de soutien inter-partis – les partisans de cette loi se sont entendus pour occulter les vrais enjeux du débat.

Durant cette campagne, le canton de Neuchâtel aura vu le rassemblement de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un notable pour tenter de discréditer les référendaires et étouffer leurs arguments.

Socialistes avec la droite

A peine sortie des urnes, la nouvelle majorité de gauche a été mise à mal par l’engagement du PS dans un comité inter-partis, avec les radicaux et les libéraux. Soutenu par une subvention de 10’000 francs du Conseil d’Etat, ce Comité a relayé les arguments de la ministre sortante, Monika Dusong (PS), qui a mis toute son énergie pour défendre «ce bébé» qu’elle aimerait voir naître, très intéressée qu’elle est par le poste de présidente du futur Conseil d’administration de l’EHM… L’UDC s’est prononcée dans le même sens. Les Verts, divisés, s’abstiennent.

Que contestent les syndicats, Attac, solidaritéS et la majorité du POP (lui aussi divisé)? La mise en place d’un Conseil d’administration, pouvoir supérieur de l’EHM, indépendant de l’Etat et qui gérerait les hôpitaux du canton dans le cadre d’un budget voté par le Grand Conseil qui, lui, ne serait informé que tous les quatre ans des décisions stratégiques propres à l’EHM. Au passage, tout le personnel verrait ses contrats se transformer en contrats de droit privé, signés par ce Conseil d’administration, chargé entre autres de définir la politique du personnel.

Une évolution néolibérale classique, que l’on connaît dans le monde entier, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à ce qui se passe à la poste ou aux CFF, et qui produit partout les mêmes effets: dégradation des conditions de travail, démantèlement de l’institution par privatisation de secteurs, réduction du personnel et, en contrepartie, explosion des revenus des dirigeants. Il semble assez logique qu’un syndicat s’oppose par tous les moyens à une telle évolution; ce qui l’est peut-être moins, c’est de voir le PS préférer faire alliance avec la droite, plutôt que d’assumer sa place – à gauche.

Débat démocratique bafoué

Le Conseil d’Etat a diffusé un «Vot’info» pour les votations cantonales: 6 pages de propagande partisane en faveur de la loi, une page et demie accordée au comité référendaire, mais commentée dans l’optique des partisans. Ni le texte de loi, ni les articles controversés ne sont fournis avec le matériel de vote, et il aura fallu une dénonciation publique du comité référendaire pour que la loi soit mise sur le site internet du canton (alors que la propagande en faveur du OUI y était largement présente de longue date). La Feuille officielle du canton aura abreuvé ses lectrices et lecteurs à plusieurs reprises avec un dossier pro EHM, sans jamais donner la parole aux opposant-e-s. La ville de Neuchâtel – à majorité de gauche – a fait de même.

Quant au personnel des hôpitaux, ils ont tous été convoqués à des assemblées dites d’information, où l’argumentation unilatérale confinait carrément au chantage: «si vous ne votez pas OUI, certains hôpitaux devront fermer». Les référendaires n’ont pas même obtenu l’autorisation d’afficher leurs tracts.

Côté presse, la parole était principalement donnée au Conseil d’Etat, exception faite de la radio locale, qui a organisé un débat contradictoire, et du quotidien «Le Courrier», qui a rendu public, et la subvention au comité inter-partis et le fait que Monika Dusong, Conseillère d’Etat socialiste sortante, responsable du projet (et de la campagne!) espère être élue à la présidence du Conseil d’administration de l’EHM!

On ne se demandera pas longuement ce qui motive pareille campagne contre les référendaires: carrières politiques, appât des places dans le futur EHM, mais aussi, comme nous l’expliquait un membre (libéral) du comité inter-partis: «pour prendre des mesures impopulaires, il nous faut un comité indépendant de l’Etat». Reste que le comité référendaire a dû, à ses frais, faire paraître en annonce payante, les articles de loi qu’il contestait et que les citoyen-nés n’ont pas reçu.

Marianne EBEL


Extrait de l’annonce payante des référendaires

Art 1: Sous la raison sociale «Etablissement hospitalier multisite cantonal » (EHM), il est constitué un établissement de droit public cantonal, indépendant de l’Etat et doté de la personnalité juridique.

Nous refusons que le EHM soit «indépendant de l’Etat», car nous voulons que la santé reste un service public.

Art 9: Les rapports de travail de tout le personnel de l’EHM sont régis par une convention collective de travail de droit privé (CCT Santé 21), […].

Nous voulons que les rapports de travail de tout le personnel de l’EHM soient régis par une convention collective de travail (CCT santé 21) de droit public.

Art 12 al. 2: Le Grand Conseil est informé des options stratégiques propres à l’EHM, ainsi que de la réalisation des objectifs, par un rapport quadriennal établi par le Conseil d’Etat (…).

Nous voulons que le Grand Conseil ait un réel pouvoir. Un service de pédiatrie, p.ex., ne doit pas pouvoir être fermé par des technocrates qui gèrent et font un rapport (tous les quatre ans) pour informer!

Art 20, al. 1: La rémunération des membres du Conseil d’administration est fixée par le Conseil lui-même.

Nous ne voulons pas que le Conseil d’Etat nomme des administrateurs fixant leurs propres salaires! Pas besoin d’un conseil d’administration pour gérer l’EHM. Le service cantonal de la santé coûtera moins cher à la collectivité publique!

Art 21, al. 1: Le Conseil d’administration est le pouvoir supérieur de l’EHM. […] al. 3: Le Conseil d’administration: a) définit la stratégie et la politique de l’EHM dans le cadre fixé par le Conseil d’Etat; b) négocie avec le Conseil d’Etat les mandats de prestation; c) définit la politique du personnel

Nous refusons cet article, car nous voulons que le Grand Conseil et le Conseil d’Etat puissent jouer un rôle dans les choix qui concernent notre santé et que les syndicats puissent négocier les conditions de travail avec l’Etat et non pas avec les technocrates d’un conseil d’administration.