Il est formellement interdit de chasser le RHINO

Il est formellement interdit de chasser le RHINO

Le 30 avril 2005, une initiative populaire cantonale a été lancée par l’association RHINO consistant à faire constater l’utilité publique de «L’octroi par la Ville de Genève d’un droit de superficie en faveur des coopératives RHINO et CIGUE, en vue du maintien des logements et espaces culturels actuels sur les parcelles inscrites au registre foncier (Ville de Genève, section Plainpalais) sous N° 737, 741 et 742». Le deuxième article du projet de loi stipule: «En conséquence, l’expropriation desdites parcelles peut être prononcée par le Conseil d’Etat à l’encontre de Vergell Casa SA, domiciliée 8, rue du Nant à Genève, et de la SI Boulevard de la Tour 14, domiciliée 84, rue du Rhône c/o Fontanet, Jeandin, Hornung & Associés à Genève, ou de tout acquéreur subséquent, au bénéfice de la Ville de Genève». En une semaine, les initiant-e-s avaient déjà récolté 2500 signatures!

C’est la première fois, à notre connaissance, qu’une association qui défend un projet original de logement associatif et d’animation culturelle se bat contre des spéculateurs en revendiquant l’expropriation d’un immeuble par une collectivité publique. SolidaritéS soutient totalement cette démarche.

Dans le contexte historique du combat sans relâche que mène RHINO, depuis 16 ans, pour dénoncer la spéculation foncière et réaliser son projet, cette démarche constitue un aboutissement logique.

Sortir les immeubles du marché

En effet, l’un des buts de l’association consiste à «sortir les immeubles du marché de l’immobilier», c’est-à-dire placer la propriété de ces immeubles sous le contrôle d’un organe à but non lucratif ou d’une collectivité. La Ville de Genève ayant manifesté un intérêt plus qu’affirmé pour le projet de l’association RHINO, les habitant-e-s se tournent aujourd’hui vers elle en lui fournissant un outil légal pour pérenniser, contre vents et marées, l’expérience socioculturelle de RHINO.

Devant l’obstination du propriétaire actuel à vouloir «faire mourir» l’association d’habitant-e-s par une procédure juridique, devant son refus systématique de toutes les offres raisonnables de rachat ou de tout accord de vente au terme d’une période de location, devant sa détermination à mettre 68 personnes à la rue sans scrupule, l’association RHINO choisit de recourir à l’initiative populaire pour forcer la vente de ces immeubles à la Ville de Genève (l’expropriation étant assortie d’un dédommagement).

Contre la spéculation

Quant aux inquiétudes de voir cette procédure utilisée à l’avenir abusivement contre certains petits propriétaires, notons que les intérêts ciblés sont représentés par personnes impliquées directement et depuis longtemps dans la spéculation immobilière, ainsi que dans toutes sortes d’investissements lucratifs!

C’est ici qu’intervient le point crucial du combat global contre la spéculation que mène RHINO depuis 16 ans. Pour l’enrayer de manière décisive, il faut une décision politique forte, il faut dire qu’il existe un abus manifeste du droit à la propriété immobilière et que cet abus péjore les conditions de vie de la population entière. L’abus du droit à la propriété immobilière, c’est le monopole, ou tout au moins une concentration excessive de la maîtrise du sol entre les mains de quelques privilégiés sans états d’âme.

Il faut mettre fin à un tel abus, qui permet de susciter artificiellement des crises du logement (années 80), de ruiner les collectivités (BCGe: 2,7 milliards de pertes), d’envoyer des mercenaires lobbyistes dans les parlements cantonaux, d’exiler les plus défavorisé-e-s dans les banlieues, de vider les centres-villes de leurs habitant-e-s pour les remplacer par des bureaux anonymes. Ce droit discrétionnaire n’a guère changé depuis l’époque des seigneurs féodaux.

Le droit au logement
avant le droit à la propriété

Il faut dire que garantir sans limite le doit à la propriété immobilière dans un contexte de marché peu régulé revient à garantir le droit de s’enrichir indûment aux dépens d’une ressource fondamentale et indispensable à tout être humain: le droit au logement.

Pour la population, c’est l’occasion, peut-être unique, de donner un exemple salutaire en débarrassant au moins deux immeubles de l’emprise des spéculateurs et d’assurer des logements bon marché à long terme à RHINO. C’est l’occasion aussi d’affirmer haut et fort son soutien à un ensemble locatif, social et culturel unique à Genève, à RHINO.

Maurice PIER