NON au retour de la morale sexiste, OUI au partenariat enregistré

NON au retour de la morale sexiste, OUI au partenariat enregistré

Le 7 avril 2005, des membres du comité contre la loi sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart) ont lancé leur campagne à Berne et à Lausanne. Ce comité rejette le partenariat au nom de la famille, parce qu’il introduirait des inégalités de traitement avec d’autres formes de vie en commun et constituerait un premier pas vers l’adoption et la procréation médicalement assistée. En outre, le partenariat représenterait une dépense disproportionnée pour un petit nombre de bénéficiaires1. Nous avons déjà évoqué ici les anathèmes conservateurs visant les droits égaux pour les gays et les lesbiennes. L’analyse des arguments du comité romand permet de dénoncer leur finalité homophobe et liberticide, cachée derrière des prétextes juridico-économiques et moraux.

Au chapitre de la famille, Maximilien Bernhard (UDF), fer de lance du référendum contre la LPart en Suisse romande, affirme que «l’introduction du Pacs fédéral représenterait un bouleversement complet de notre société». Selon lui, celle-ci menace les valeurs familiales traditionnelles en faisant de l’homosexualité un modèle. Il a également dit son inquiétude de voir ce partenariat «ouvrir une porte sur l’homoparentalité»2.

Le fantasme d’une propagation de l’homosexualité avait déjà servi d’arguments aux conseillers nationaux Grünenfelder (PDC) et Hoppeler (PEV) en 1929 pour justifier leur opposition à la dépénalisation de l’homosexualité entre adultes consentant-e-s, en dépit de l’introduction de mesures de protection de la jeunesse jusqu’à l’âge de 20 ans3.

Depuis cette dépénalisation, intervenue au cours de la Seconde guerre mondiale, l’homosexualité n’est pourtant pas devenue un modèle positif pour les jeunes: la majorité des études récentes montrent que les adolescents gays et les jeunes lesbiennes se suicident quatre à cinq fois plus que les jeunes se sentant hétérosexuels4. Quant à l’homoparentalité, elle existe déjà, puisqu’un certain nombre de gays et de lesbiennes ont des enfants. Cette réalité est d’ailleurs prise en compte par la LPart, qui introduit le devoir d’assistance éducative, même si elle exclut l’adoption de l’enfant en cas de décès du parent naturel de l’autre sexe. L’homoparentalité pose un problème évident de stigmatisation pour l’enfant élevé par deux parents de même sexe, et la LPart ne résout rien sur ce point.

Une question
de discrimination

L’homoparentalité est le prétexte d’une attaque contre la LPart postulant qu’elle conduira à l’adoption et à la procréation médicalement assistée. Sur ce point, l’article 28 de la LPart interdit explicitement ces deux cas de figure. Or, la suppression de cet article nécessiterait l’aval du parlement et, en cas de référendum, celui du corps électoral. De manière subtile, Suzette Sandoz, coprésidente du comité romand et ancienne conseillère nationale libérale, considère la LPart comme discriminatoire «envers les concubins ou encore même envers les homosexuel-les, qui se voient refuser le droit d’adopter ou de faire appel à la procréation médicalement assistée en signant ce partenariat» et craint «que ces discriminations ne soient condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Une condamnation qui pourrait obliger le législateur suisse à assimiler rapidement le partenariat au mariage»5.

En réalité, concernant l’adoption d’un enfant par un-e homosexuel-le, en 2002, la Cour européenne a arrêté que les Etats peuvent adopter des solutions juridiques différentes; le bien-être de l’enfant est un facteur qui peut discriminer juridiquement les couples de même sexe6. D’autre part, même en cas d’arrêt contraire de la part des juges de Strasbourg, le droit européen n’a aucune portée contraignante sur le droit suisse.

La notion de discrimination envers les concubin-e-s ouvre une piste de réflexion intéressante. En effet, dans une société qui connaît presque 50% de divorce, un nombre croissant de familles monoparentales, de célibats et de co-locations, dont les recensements ne peuvent pas déterminer précisément s’il s’agit de concubinages et/ou de recomposition parentale, une redéfinition des droits et devoirs des concubin-e-s, incluant toutes les orientations sexuelles est, sans nulle doute, la meilleure des solutions.

L’idée d’une discrimination des concubin-e-s hétérosexuels par rapport aux futurs couples liés par un partenariat enregistré inverse la réalité des stigmatisations sociales. Mais alors, pourquoi l’accession de la LPart aux couples de sexe différent, sur le modèle du PACS français, a-t-elle été écartée au nom de la préservation du mariage? Le concubinage peut cependant être hissé au niveau de la LPart par le biais d’aménagements du Code civil7. Enfin, la position de Suzette Sandoz – indice d’une reconnaissance de la variété des formes familiales contemporaines? – est désavouée au sein même du comité8.

«Un homme ou une femme libéré ne signifie pas
un homme ou une femme sodomisé»

Profondément homophobe, cette injure d’Harri Wettstein, psychologue et membre du PEV, désigne «des pratiques sexuelles qui pourraient à tort ‘gagner leurs lettres de noblesse’ avec la Lpart»9. Dans la tradition chrétienne, elle envisage la «sodomie» comme une pratique sexuelle non procréatrice entre personnes de sexe différent, comme une pratique homosexuelle entre hommes, bestiale ou pédophile. Cette invective, qui fait l’impasse sur le lesbianisme, nie les relations affectives entre deux personnes de même sexe, tout comme elle stigmatise la variété des formes de sexualité entre personnes de sexe différent.

Cette conception ultra-conservatrice de l’union conjugale, qui vise la procréation, et fait l’amalgame entre mariage, adoption et partenariat enregistré, savamment orchestrée par les opposants, vise indirectement l’ensemble des libertés sexuelles. Dire OUI à la LPart, c’est non seulement reconnaître des droits aux gays et aux lesbiennes, mais marquer son opposition à la montée de thématiques liberticides.

Thierry DELESSERT

info: http://www.partenariat-oui.ch

  1. AP, 07.04.2005.
  2. «Le«Comité contre le Pacs» dénonce les dangers d’une loi discriminante et mal fagotée», Le Temps, 08.04.2005.
  3. Bulletins sténographiques de l’Assemblé fédérale – Conseil national, 1929, pp. 160-195.
  4. Voir par exemple, http://www.lambda-education.ch/
  5. Le Temps, 08.04.2005.
  6. Arrêt Fretté vs France, n° 36515/97, 26.02.2002.
  7. Message relatif à la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, 2002, 21-22.
  8. Téléjournal TSR, 08.04.2005.
  9. Le Temps, 08.04.2005.