À Gauche Toute! 18 mois au Conseil National

À Gauche Toute! 18 mois au Conseil National

18 mois après les élections fédérales d’octobre 2003, nous nous sommes entretenus avec Marianne Huguenin (POP, VD), Pierre Vanek (solidaritéS, GE) et Joseph Zisyadis (POP, VD), qui siègent ensemble au Conseil national et développent un travail commun au sein de la coalition nationale «A Gauche Toute!» (réd)

«A Gauche Toute!» a réussi à faire élire trois Conseiller nationaux à Berne. Il en aurait fallu cinq pour former un groupe parlementaire à part entière. Vous avez fait le choix de ne pas adhérer à un autre groupe pour pouvoir accéder à des commissions, contrairement à ce qu’avait fait Christian Grobet, lorsqu’il avait été élu par l’ADG à Genève, et qu’il avait adhéré au groupe du PSS. Quel bilan tires-tu de ce choix, du point de vue de la construction d’une force politique nationale, ancrée à gauche, qui conteste la politique de compromis du PSS et des Verts à Berne?

Marianne Huguenin: Je pense que ce choix nous permet de rester cohérents sur le plan politique et plus visible. Cohérents, parce qu’il y a des moments, souvent forts, où nous nous démarquons du PS, voir des Verts. Je pense, bien sûr, au moment de l’élection du Conseil fédéral, où nous avons refusé de suivre la logique du moins mal et des négociations entre partis gouvernementaux, mais aussi à des votes comme celui sur Schengen-Dublin, les allègements sur le droit de timbre (où nous avons pu finalement tirer vers nous une dizaine de socialistes), les lois sur l’asile et les étrangers qui ont vu des votes finaux surprenants du PSS en premier débat, la LAMAL aussi, en particulier sur la clause du besoin, où j’ai été frappée par une position assez technocratique des socialistes.

Nous apparaissons les trois comme un groupe petit mais soudé, visible, même si nos forces restreintes et l’absence des commissions rend parfois plus difficile notre participation. A mon avis, cette présence est plus forte que si nous étions dans un groupe, même chez les Verts. dont nous sommes parfois plus proches que des socialistes.

Pierre Vanek: Nous avons fait campagne avec l’idée de former un groupe autonome de gauche radicale au parlement, demander «asile» une fois élu au PSS où chez les Verts aurait trahi cet objectif, non seulement par rapport à nos discours préélectoraux de 2003, mais surtout par rapport à la perspective future indispensable de construction d’un pôle politique anticapitaliste dans ce pays. La limite essentielle de notre travail n’est pas notre mise à l’écart – parfaitement antidémocratique au demeurant – des commissions parlementaires. (Rappe-lons que l’exigence d’être cinq sous la Coupole pour avoir ce «privilège» a été votée dans les années trente pour dissoudre la fraction communiste et limiter les droits de ses élus!) Elle se trouve plutôt dans la faiblesse de nos liens organisés avec les mouvements de résistance à la politique néolibérale sur le terrain: des batailles syndicales, sociales, associatives… De ce point de vue, le défi essentiel est de s’organiser pour faire monter d’«en bas» les revendications de ces mouvements, de les faire entendre au parlement, mais aussi de dégager les points essentiels sur lesquels des batailles communes sont possibles à l’échelle nationale. Il faut être conscient que s’il est un «observatoire» relativement privilégié des intentions, des intérêts et aussi des contradictions de la bourgeoisie helvétique, le parlement n’est pas le lieu essentiel de la résistance. Notre activité parlementaire peut servir, mais ne peut pas se substituer ni à l’organisation du mouvement social, ni à la construction d’une organisation politique nationale anticapitaliste, féministe, écologiste… et réellement socialiste!

Joseph Zisyadis: Il n’y avait pas d’autre choix que celui de la cohérence politique. C’est d’ailleurs la première fois depuis des années que ce pôle à la «gauche de la gauche» apparaît de manière unie et déterminée dans les débats parlementaires. En moins de deux ans, les partis gouvernementaux et ceux qui rêvent de le devenir, ont appris qu’il existe dans ce pays une gauche de résistance. Si nous avions intégré le groupe socialiste, cela aurait été une capitulation politique. L’appartenance au groupe vert aurait peut-être simplifié notre travail parlementaire, mais il aurait été désastreux du point de vue de la construction d’une force politique de transformation sociale dans notre pays.

Soyons clairs: la présence de trois parlementaires est en totale correspondance avec l’état de nos forces de la gauche d’opposition. Si nous voulons réellement avoir un groupe parlementaire au Parlement national, il faudra se donner des moyens en termes de programme, de combats communs, d’apparitions communes et d’amitiés militantes sans trop attendre. Pour le reste, le plus difficile à vivre pour nous les militant-e-s de la gauche romande d’opposition, c’est d’être dans un relatif isolement à Berne, alors que dans nos cantons respectifs, nous représentons une force militante qui pèse sur les débats et les enjeux politiques.

A la veille des élections fédérales de l’automne 2003, nous avions participé ensemble, le POP et solidaritéS, au lancement de l’appel «A Gauche Toute! pour rassembler la gauche-qui-résiste au niveau national. Depuis un an et demi, quels ont été les progrès de la construction de cette coalition, en particulier en Suisse alémanique?

Joseph Zisyadis: Franchement, je crois que l’on avance. Un réseau est en train de se souder, avec trois composantes actuellement (il pourrait encore s’élargir!). C’est un réseau de la nécessité et du dépassement des clivages historiques qui n’intéressent plus les nouvelles générations militantes. Preuve en est que l’appel «A Gauche toute!» des élections nationales est né sans aucune douleur particulière, tellement les objectifs de nos luttes coïncident. Il faut passer maintenant à la prochaine étape, celle de construire une maison commune, qui présente une force unie de la résistance sociale, mais aussi un lieu de débat pluriel qui ne gomme pour l’instant pas nos anciennes appartenances.

Pas de cadeaux aux banques et à la bourse!

  • Contre un cadeau fiscal de 310 millions par an aux banques et aux spéculateurs!
  • Contre le démantèlement total annoncé par Merz et Blocher de la taxation des transactions boursières!
  • Contre la politique des «caisses vides» et les coupes budgétaires antisociales sur le dos des salarié-e-s, des chômeurs-euses, des retraité-e-s, des invalides, des jeunes en formation!
  • Pour le respect du NON POPULAIRE au paquet fiscal fédéral du 16 mai 2004!

SIGNEZ LE RÉFÉRENDUM POPULAIRE FÉDÉRAL
CONTRE LE DÉMANTÈLEMENT DES «DROITS DE TIMBRE»!

Listes et argumentaires disponibles sur www.solidarites.ch ou en téléphonant au 022 740 07 40

Aurons-nous l’intelligence mutuelle de nous y atteler pour répondre à tant d’hommes et de femmes de ce pays qui en ont assez de cet éternel cycle de capitulations et de consensus ou serons-nous éternellement la mouche du coche? Réponse à donner non pas dans quelques années, mais ces prochains mois, car l’urgence est aussi une donnée de la résistance.

Pierre Vanek: Pour ne pas donner de faux espoirs aux gens qui nous soutiennent, il est essentiel, je crois, en plus de nos batailles communes au quotidien, que nous travaillions en profondeur afin d’évaluer le degré de nos convergences politiques. Pourquoi ne pas essayer de débattre ensemble d’abord des grandes lignes d’un programme d’action de la gauche combative au plan national? Sur cette base, je crois que nous pourrions faire des avancées significatives dans la construction d’un pôle politique crédible, capable de rassembler de nouvelles forces. Ce cadre – cette masse critique – nous est aussi indispensable aux uns et aux autres pour débattre et réfléchir ensemble à l’horizon nouveau que nous voulons nous donner en termes d’alternative à ce système capitaliste dont la faillite est patente. Ce débat doit s’inscrire également bien sûr dans un cadre international, mais en Suisse nous avons un défi particulier à relever, réussir à dépasser les barrières des langues, du cantonalisme, des particularismes locaux… Nous sommes des altermondialistes certes, mais nous avons en face de nous un ennemi concret dont il ne faut pas «oublier» l’existence: la bourgeoisie suisse et un Etat à son service… Du point de vue de ces objectifs notre coalition «A gauche toute!», malgré ses faiblesses, représente un pas en avant remarquable et une source d’espoir.

Marianne Huguenin: Les choses avancent, même si parfois il nous semble que c’est trop lentement. En Suisse alémanique, les deux composantes de «A gauche toute!» se sont renforcées: le Parti du travail, en obtenant un siège lors des élections communales à Berne, et les listes alternatives, avec un député et deux conseillers de ville à Schaffhouse. Les contacts sont bons entre eux et nous. J’ai participé, début janvier, à Aarau à une réunion de travail du réseau Parti du Travail – Listes alternatives en Suisse allemande, et des militant-e-s des deux groupes étaient également présents à la première réunion de militant-e-s «A gauche toute!» à Berne au début de cette année. Nous avons également en la personne de Walter Angst – élu du Parti du travail au législatif de la ville de Zürich – un coordinateur de «A gauche toute!» pour la Suisse allemande qui va nous aider à renforcer notre présence.

Pour la suite, les enjeux me semblent être de deux sortes: renforcer une présence et une diffusion du travail parlementaire d’une part (bulletin, rencontres), mais surtout poursuivre et élargir nos rencontres de militant-e-s en réseau, apprendre à mieux se connaître et à développer encore des relations de confiance. Le référendum contre les allègements du droit de timbre nous permettra de le faire, mais aussi je le souhaite d’autres rencontres et débats.

Entretien réalisé par la rédaction