Santé au travail et logique capitaliste

Santé au travail et logique capitaliste

Avec le capitalisme, la protection de la santé des salarié-e-s a toujours passé après les intérêts des actionnaires. Le travail dans les mines, ou en contact avec l’amiante, par exemple, en ont été et en sont encore les plus scandaleuses illustrations.

Dans la phase actuelle, la situation tend globalement à s’aggraver. Entraînées par la logique de la valorisation et de concentration des capitaux (fusions, acquisitions, OPA diverses), dominée par la sphère financière, les entreprises sont soumises à une intensification de la concurrence sur un marché mondial globalisé. Les travailleurs-euses sont ainsi sous la pression conjointe de l’insécurité, de la précarité d’une part, et de la dégradation directe et concrète de leurs conditions de travail d’autre part.

La Suisse n’est pas en reste!

Dans tous les secteurs économiques, les études récentes montrent une augmentation du stress lié au travail: selon l’Office fédéral de la statistique, 44% des salarié-e-s sont atteints directement dans leur santé psychique (nov. 2004). Des indications partielles confirment ces données générales (secteur sanitaire, bancaire, vente, etc), domaines d’activité majoritairement féminins.

Une nouvelle forme de souffrance psychosomatique a été identifiée ces dernières années sous le nom de fibromyalgie, syndrome de plus en plus fréquent, comme l’ensemble des troubles musculo-squelettiques, en lien avec l’activité professionnelle pénible, principalement chez les femmes, et chez les hommes dans la construction. Sans parler des maladies professionnelles plus classiques qui continuent d’affecter les salarié-e-s dans l’industrie et sur les chantiers.

Souffrance psychique

Les professionnel-le-s de la santé ont peu de moyens thérapeutiques efficaces par rapport à ces pathologies qui s’installent souvent dans la durée. En conséquence, les rentes AI ont beaucoup augmenté ces dernières années: en 2004, en Suisse, 43,7% des rentes maladie AI chez les hommes étaient liées à des troubles psychiques, chiffre atteignant 48,2% chez les femmes, soit une rente maladie sur deux!

Cette très importante augmentation de la souffrance psychique est à mettre en relation avec les changements survenus sur les lieux de travail: une charge de travail en augmentation en lien avec les réductions de personnel, une intensification du travail lui-même, une forte pression sur la concentration exigée dans la durée et sur les relations directes avec les clients dans des temps toujours plus réduits, une pression croissante de la hiérarchie. Ces conditions de travail quotidiennes se sont ainsi détériorées, provoquant une démoralisation et souvent une démotivation croissante du personnel. Le règne de la peur s’est ainsi progressivement installé dans le monde du travail.

Le 14 avril dernier, l’OFS a publié les derniers chiffres disponibles sur les heures de travail en Suisse. Le nombre total d’heures de travail oeuvrées en 2003 est en progression, avec une hausse de 2,8% des heures supplémentaires et une baisse du volume des absences de 7,5%, soit 17 millions d’heures en plus.

Alors que l’absentéisme est donc en régression, que les salarié-e-s serrent les dents pour ne pas perdre leur travail, le conseiller administratif Patrice Mugny (Vert, Genève) aurait mieux fait de se taire, plutôt que de stigmatiser le personnel des services municipaux. Le plus souvent, l’absentéisme est lié aux réalités décrites ci-dessus, à des formes de managment toujours plus agressives et à des exigences croissantes de la hiérachie, dans un contexte économique et social où les inégalités entre les classes sociales se creusent toujours davantage.

C’est donc bien à la racine, sur les lieux de travail, qu’il faut réactiver la solidarité des salarié-e-s, et chercher à améliorer les conditions de travail, pour sortir d’une logique infernale qui réduit les êtres humains à de simples marchandises, qu’on jette après les avoir consommées.

Gilles GODINAT