Contre un référendum illisible, le SIT explique sa position
Contre un référendum illisible, le SIT explique sa position
Nous avons posé les deux questions suivantes au SIT (syndicat interprofessionnel des travailleuses et des travailleurs): 1. Pourquoi sest-il opposé fermement au lancement dun référendum de gauche contre lextension de la libre-circulation? 2. Sur quels thèmes pense-t-il que les forces de la gauche combative devraient intensifier la lutte sur les plans syndical et politique contre le dumping salarial, la précarisation du travail et la montée du chômage? Son groupe libre circulation nous a fourni une réponse circonstanciée, que nous reproduisons ci-dessous. (Réd.)
Le SIT sest toujours prononcé clairement contre toute discrimination envers les étranger-ère-s et pour la libre circulation. Il est donc évident quil soutient lélargissement de celle-ci aux dix nouveaux pays européens, pour des raisons tant idéologiques que pratiques, afin de donner des droits, notamment légalité de traitement, au plus grand nombre dimmigré-e-s venant en Suisse.
Un référendum illisible
Même si personne ne pense que ceux qui à gauche lancent le référendum souscrivent à ces thèses, le référendum ne pourra pas être dissocié des thèses xénophobes, protectionnistes, isolationnistes. Le climat de peur alimenté depuis des mois ne se fonde que sur un réflexe protectionniste, dont un discours de gauche ne parviendra pas à se distancer suffisamment. Le refus de la libre circulation nempêchera pas limmigration, mais celle-ci se fera alors dans un cadre sans droit. La victoire du référendum déboucherait sur un durcissement répressif à légard des étrangers, car ce sont les thèses de droite qui gagneraient.
Notre acceptation de la libre circulation se fait dans le prolongement de notre refus de la LEtr et de notre lutte pour la régularisation des sans-papiers.
La libre circulation donne des droits aux travailleurs-euses étrangers-ères des dix nouveaux pays de lUE, équivalents à ceux des travailleurs-euses suisses ou de lUnion européenne. Nous luttons pour lunité des salarié-e-s, non pour leur mise en opposition.
Au contraire, le refus de la libre circulation entraînerait des divisions entre salarié-e-s faisant le jeu du patronat. Le patronat a toujours cherché à diviser les salarié-e-s. La sous enchère salariale, la mise en concurrence entre les travailleurs et travailleuses existent depuis que le salariat existe. Ce nest pas en renforçant les barrières entre les catégories de salarié-e-s quon luttera mieux contre leurs divisions et le jeu du patronat. Accepter la libre circulation permettra de mieux sceller cette unité dans une défense commune et conjointe des droits des salarié-e-s.
Désigner limmigrant comme responsable du chômage est une thèse qui fait limpasse sur la responsabilité des patrons dans les processus de restructurations, de délocalisations. Mais le succès du référendum la validerait.
Un référendum imprudent
La menace du référendum a souvent été brandie et son lancement effectué en raison des trop faibles mesures daccompagnement à lextension de la libre circulation. Si personne dans les syndicats ne se satisfait de ces mesures, là encore, lalliance objective avec les référendaires dextrême droite comporte un grand danger. Une frange entière de celle-ci soppose à lélargissement non seulement pour des raisons xénophobes, mais aussi contre ces mesures daccompagnement qui restreindraient pas trop la liberté économique. Il sagit donc dune lutte très claire contre toute protection supplémentaire, même bien faible, des salarié-e-s. La victoire du référendum serait donc aussi cette victoire-là.
Le SIT sassocie évidemment à tout combat pour lamélioration des droits du travail, des droits syndicaux et du droit des assurances sociales, plus largement encore que ce qui est prévu. Une acceptation de la libre circulation renforcera la légitimité dun alignement du droit suisse sur le droit européen en matière de travail et de sécurité sociale, alignement qui ne sappuie aujourdhui que sur des dénonciations de lOIT de caractère non contraignant. La victoire du référendum ne limitera pas les abus ni ne supposera lobtention de moyens adéquats pour les faire disparaître.
Libre circulation ou non, la Suisse est en retard sur lEurope quant à certains droits du travail (notamment protection contre les licenciements) et syndicaux (protection des délégués syndicaux). Nous ne voyons pas dans le référendum un moyen davancer dans ce sens.
Un référendum illusoire
Les moyens donnés par les mesures daccompagnement, mais aussi et surtout leurs lacunes, obligent à repenser laction syndicale et à déboucher sur un renforcement de nouveaux axes de lutte. Pendant des années, les syndicats ont joué un jeu confortable, mais dangereux, en contrôlant lapplication des CCT principalement par le biais de mesures administratives coercitives («chantage» aux permis de travail ou aux marchés publics envers les entreprises). Ce système a parfois dispensé les syndicats davoir une réelle présence sur les lieux de travail. Cest donc en mobilisant à partir des lieux de travail lensemble des salarié-e-s que laction syndicale trouvera sa force.
Les mesures daccompagnement, celles déjà existantes et celles prévues, constituent une avancée que le droit suisse navait pas connu depuis des années. Mais leur utilité est entièrement conditionnée à la lutte sur les lieux de travail. Si la convention collective de lhôtellerie-restauration est aujourdhui à peu près respectée à Genève, alors quelle ne létait pas il y a vingt ans (elle était déjà pourtant étendue, donc obligatoire et il y avait contrôle des étrangers), cest bien parce que les syndicats le SIT en tête ont mis le paquet pour y organiser les travailleurs-euses, au prix de luttes, doccupations de bistrots Si celle du bâtiment est aussi respectée, cest parce quil y a des contrôles et des mobilisations sur les chantiers. Si enfin le secteur de léconomie domestique connaît un semblant de sortie de lombre, cest grâce à la lutte syndicale comprenant celle des sans-papiers, et pas aux mesures daccompagnement qui vont y être appliquées.
Axer un référendum sur les seules mesures daccompagnement est donc illusoire. Les renforcer, oui; améliorer la protection des salarié-e-s, oui aussi. Mais sans lutte, cela ne sert à rien. Est-ce quà gauche on aurait oublié le sens de lexpression rapport de forces? Est-ce quon y croirait que la lutte sociale et syndicale peut être remplacée par la bienveillance étatique, ou patronale?
Le groupe «libre circulation» du SIT