Voter pour le Bloc de Gauche: une condition pour que ça change!

Voter pour le Bloc de Gauche: une condition pour que ça change!

Le Bloc de Gauche est une formation née en 1999. Elle est composée de trois
groupes politiques de départ: l’UDP
(d’origine «maoïste»), le PSR (IVe Internationale) et Politica XXI (scission de gauche du Parti communiste
portugais). Aujourd’hui, la plus grande partie de ses 3000 membres ne font plus partie de ces trois formations. Aux élections législatives de 2001, le BdG avait obtenu 2 élus au Parlement
national. Il compte aussi plusieurs élu-e-s municipaux. Aux élections européennes du 13 juin dernier, son résultat a été spectaculaire, puisqu’il a obtenu 5% des voix en moyenne nationale, décrochant un élu au Parlement européen.
Depuis ce mois de janvier, le Bloc de gauche portugais publie un mensuel national: «Esquerda» (Gauche). Nous reproduisons ici l’interview de Francisco Louça*, député sortant et tête de liste du Bloc pour Lisbonne aux prochaines
élections législatives du 20 février 2005. Relevons que les sondages annoncent l’«opposition» sociale-démocrate victorieuse. (réd.)

Le Bloc propose 10 mesures pour 100 jours. Est-ce une plateforme minimale pour pouvoir appuyer un gouvernement du PS?

Npn, il s’agit d’un programme d’urgence qui répond aux grandes priorités que n’importe quel gouvernement décent devrait se fixer. Le pays, et certainement la gauche, ne pourra jamais accepter que de telles mesures soient différées ou rejetées. C’est bien la preuve que le Bloc veut intervenir sur des questions concrètes afin de favoriser un changement des rapports de forces au sein de la gauche. Nous disons qu’il est possible de changer la loi sur l’avortement maintenant; qu’il est possible d’avancer un programme pour lutter contre le chômage; qu’il est indispensable de changer les règles de nomination des professeurs; qu’il est nécessaire de faire un audit des Hôpitaux S.A. et de les réintégrer dans le secteur public. Pour cela, il n’est même pas nécessaire de bouleverser la scène politique portugaise ou de proposer de grandes réformes, il suffit d’un peu de courage politique.

Mais n’est-ce pas déjà une reculade que de différer des mesures programmatiques de fond comme les 35 heures par semaine?

Les axes fondamentaux des propositions du Bloc sont expliquées dans son programme électoral, y compris les 35h. La réduction du temps de travail est fondamentale pour améliorer la vie des gens et nous continuerons à la défendre. Mais nous savons aussi que des mesures créatrices d’emplois exigent aussi d’autres réponses plus profondes. D’autre part, nous pointons une série de mesures programmatiques qui nécessitent une législature entière, une transformation profonde de la scène politique et sociale portugaise, ainsi que d’importants soutiens en moyens, en volontés et, évidemment, en mobilisations sociales, ce qui est la condition fondamentale — rien n’est donné, tout est conquis. Ce que nous proposons avec nos 10 mesures pour les 100 premiers jours, c’est autre chose: un engagement de départ qui indique clairement la direction dans laquelle nous voulons aller, en intervenant sur ce qui ne dépend que de la volonté politique.

C’est un défi au Parti socialiste?

C’est un défi au pays qui concerne aussi le PS, mais pas seulement lui. Et nous constatons que c’est précisément sur ces questions essentielles que le PS se montre disposé à poursuivre des politiques que nous ne pouvons pas accepter: il y a quelques jours, un porte-parole du PS a suggéré que, au-delà du maintien des Hôpitaux S.A., la gestion des centres de santé devraient être cédée au secteur privé. Si cela devait arriver, le Service National de Santé serait liquidé par le gouvernement Sócrates (secrétaire général du PS).

Le Bloc de gauche est-il disposé à entrer dans un gouvernement du Parti socialiste?

Le Bloc n’est pas candidat au gouvernement. Le Bloc présente une alternative politique, et c’est à elle qu’il doit rester fidèle. Il ne se présente pas devant les électeurs-trices pour disputer un quelconque jeu de sièges. Et il assume les responsabilités qui lui sont conférées par le nombre des suffrages qu’il reçoit. Il serait complètement irresponsable que, n’ayant pas reçu de mandat pour gouverner, nous fassions alliance avec le PS dans un gouvernement élu afin de faire une politique contraire à celle que le Bloc défend. Mais il y a plus, nous ne savons pas encore précisément ce que va proposer le PS sur de nombreuses questions dans son programme électoral, mais du peu que nous en savons déjà, il est en opposition au nôtre – notamment sur la défense de la santé publique. C’est pourquoi nous respecterons nos engagements auprès de notre électorat et nous nous battrons pour la création de majorités sociales et politiques afin de défendre notre programme.

Ceci rend-il impossible un accord parlementaire?

Nous ne nous lierons pas à un programme qui n’est pas le nôtre et pour lequel nous n’avons pas reçu de votes. Nous réaliserons des accords ponctuels pour constituer les majorités nécessaires à la défense de grandes causes de gauche et de transformation sociale. Et si ces majorités permettent qu’il y ait des changements, tant mieux; si elles débouchent sur une amélioration de la situation politique et sociale du pays, nous serons là. Pour les causes qui nous paraissent importantes, nous ne resterons pas passifs. Et cela n’a rien de nouveau. C’est ce que nous avons fait par rapport au précédent gouvernement socialiste. Il suffit de rappeler les mesures pour changer de politique par rapport à la toxico-dépendance ou la réforme fiscale que Guterres [chef socialiste du gouvernement portugais jusqu’en 2003] a fini par mettre dans un tiroir.

Quels sont les grands axes du programme du Bloc?

Avant tout, sortir du bourbier des grandes orientations qui ont conduit notre pays à la pauvreté. Cela passe avant tout par une priorité absolue à l’emploi, en pariant sur la qualification et la dignité des travailleurs-euses. Nous voulons garantir un système fiscal juste et une utilisation rationnelle des ressources. Enfin, une croissance qui se fait aux dépens de la qualité de la vie des travailleurs-euses et des citoyen-nes, c’est une croissance typique de pays sous-développé.

Dans ce combat, l’Europe assume un rôle central. Notre intégration à l’Europe conditionne nos combats intérieurs, et c’est pour cela que nous nous sommes battus pour la refondation démocratique de l’Union. C’est en Europe qu’une grande partie de ces combats se déroulent. Pour cela, le rejet en votation du projet de Constitution européenne nous paraît essentiel pour dégager un espace en faveur d’une alternative sociale. Si nous perdons le combat pour une Europe démocratique et des droits, une grande partie du combat national sera perdu.

Ensuite, la seconde priorité programmatique du Bloc, c’est de payer la dette. La dette dont je parle est une dette interne qui a contribué à accroître le déficit démocratique du pays. Cette dette, nous devons la payer aux chômeurs, aux jeunes, aux femmes, aux personnes âgées, aux plus pauvres, aux précaires, aux usagers des services publics de mauvaise qualité. Cette dette, nous voulons la solder en développant un Service National de Santé et un enseignement public de qualité pour toutes et tous.

Nous considérons ces deux axes comme des droits sociaux fondamentaux pour la démocratie.

Enfin, nous voulons avancer avec les citoyen-nes portugais dans le 21e siècle. L’accès à l’information et le droit à la culture sont aujourd’hui le capital le plus important pour chacun-e de nous. C’est à partir de là que se font toutes les discriminations. Promouvoir une communication sociale indépendante des intérêts économiques, et donner à toutes/tous la possibilité de produire et de consommer de l’information, avec une attention particulière pour les nouvelles formes de communication, voilà des priorités démocratiques.

(…)

Durant la précédente législature, le Bloc n’a pas réussi à faire aboutir beaucoup de projets de son cru, même s’il a été le parti qui a présenté le plus de propositions. Cela a-t-il du sens de continuer à investir tant d’efforts dans le travail parlementaire quand on sait que tout va être rejeté?

Cela a tout son sens. D’abord parce que le Bloc est dans le combat politique sur tous les fronts. Et le front parlementaire est l’un de ceux où le Bloc peut illustrer ses alternatives sur des questions concrètes. Construire une alternative politique à l’arriération de ce pays passe par la défense de propositions. Celles-ci ne sont pas défaites, tant qu’elles continuent à faire leur chemin. Leur chemin dans l’opinion publique et au travers des appuis qu’elles recueillent. Tout cela n’est pas du temps perdu.

Lors des dernières élections, le pays sortait d’un gouvernement PS et était fatigué de ce que António Guterres appelait lui-même le bourbier. Maintenant c’est différent: nous avons subi deux ans d’une droite très agressive. Les Portugais-e-s veulent le changement.

Comment demander à un-e électeur-trice de gauche qu’il vote pour le Bloc?

Les électeurs-trices savent ce qu’ils-elles peuvent attendre du Bloc. Nos engagements sont clairs et ils-elles savent que nous allons nous battre pour eux. Voter pour le Bloc, c’est une condition pour que ça change. Donner de la force au Bloc, c’est donner de la force à un programme de gauche et à celles et ceux qui se battent pour lui afin de bâtir, dans l’arène parlementaire et au-dehors, les majorités sociales et politiques nécessaires à le réaliser. C’est renforcer une gauche crédible. n

* Notre traduction d’après Esquerda, mensuel du Bloc de Gauche, n°1, janvier 2005.


10 mesures pour 100 jours

De notre programme électoral, nous avons extrait 10 mesures qui peuvent être appliquées immédiatement et qui ouvrent la voie à la transformation profonde que nous voulons. Ce sont des priorités claires, concrètes et mobilisatrices qui dépendent du rapport de forces social pour imposer une nouvelle donne politique.

1. Créer des emplois et réduire la précarité

Révocation des nouvelles dispositions sur le travail afin de rétablir les droits du contrat collectif et de réduire de 6 ans à 1 an la période maximale de contrat de durée déterminée. Introduction de mesures d’urgence pour l’emploi, afin de financer la création de postes de travail pour les chômeurs-euses de longue durée et les jeunes.

2. Halte à la persécution des femmes qui avortent

Changement immédiat de la loi pour mettre fin à la criminalisation des femmes et autoriser l’avortement dans le cadre du Service National de Santé durant les 12 premières semaines de grossesse, à la demande de la femme. [L’IVG est toujours interdite au Portugal, cf. solidaritéS, n°53, ndlr]

3. Restauration du Service National de la Santé

Intégration des hôpitaux S.A. au secteur public par la création d’une Administration centrale de la santé dotée de pouvoirs de coordination, de planification et de régulation du secteur public.

4. Combattre la corruption et la fraude fiscale

Levée du secret bancaire sous le contrôle d’une unité spécialisée, garantissant rigoureusement le secret professionnel.

5. Légalisation des immigrant-e-s inscrits

Légalisation immédiate des quelque 70000 immigrant-e-s déjà inscrits pour qu’ils-elles reçoivent une autorisation de résidence.

6. Retrait de toutes les forces portugaises d’Irak

Retrait de toutes les forces militarisées portugaises et arrêt de toute collaboration politique ou militaire avec l’occupation de l’Irak.

7. Changer l’éducation

Suspension des examens de 9e année qui ne sont pas réalisés dans des conditions acceptables. Retour au modèle du concours pour l’attribution des postes d’enseignant, avec augmentation des cadres permanents dans les écoles.

8. Amélioration de la sécurité alimentaire

Moratoire national sur la culture d’OGM, étiquetage et information obligatoire des consommateurs-trices.

9. Révision du Pacte de stabilité et de croissance

Défense au sein de l’UE de la révision des conditions restrictives du Pacte de stabilité et de croissance, en faisant accepter l’exclusion des investissements publics prioritaires de la comptabilité du déficit.

10. Fin de l’abus de la prison préventive et accès facilité à la justice

Modification du Code de procédure pénale afin de réduire l’emprisonnement préventif aux cas spécialement graves et dangereux, pour les crimes punis de plus de 5 ans de détention. Promotion de mesures alternatives. Réduction du coût de la justice pour en faciliter les conditions d’accès.