Libre-circulation et renforcement des droits des salariés

Libre-circulation et renforcement des droits des salariés

Le référendum contre l’extension de l’Accord de libre circulation avec les pays de l’Union Européenne (Bilatérales I) aux dix nouveaux Etats membres a été lancé. A droite, par les Démocrates Suisses, le Parti de la Liberté et l’UDC, à une très large majorité. A gauche, par le Mouvement pour le socialisme (MPS), implanté pour l’essentiel dans le canton de Vaud et au Tessin, et par l’Alliance de gauche genevoise (Parti du travail et Indépendants).

En revanche, l’ensemble des groupes cantonaux de solidaritéS ont confirmé leur refus de soutenir un tel référendum, à l’issue d’un large débat national. Le POP vaudois et les «Listes alternatives» de Suisse alémanique, qui ont souscrit avec nous à l’appel «A Gauche Toute!», ont pris la même décision. A Genève, la position de l’assemblée générale de solidarités-Genève (cf. p. 16) – 10 pour, 34 contre et 7 abstentions – se démarque donc nettement de celle des deux autres composantes de l’Alliance de gauche. Nous publions aussi la réponse à nos questions du Syndicat interprofessionnel des travailleuses et des travailleurs (SIT), qui rejette lui aussi le référendum (cf. p. 15).

Enfin, nous prenons acte du fait, qu’au niveau national, une majorité écrasante de l’assemblée des délégués du syndicat UNIA – par 5 pour, 97 contre et 9 abstentions – s’est prononcée, samedi dernier, contre le lancement de ce référendum, après les prises de position dans le même sens du SSP et de Comedia. Par le passé, ces deux syndicats n’avaient pourtant pas hésité à se démarquer du SIB et de la FTMH sur des questions importantes.

En définitive, les forces qui ont pris la décision de lancer un référendum de gauche se trouvent ainsi plus isolées que prévu. Au lieu d’un vote à 3 contre 1 au sein d’UNIA, comme un porte-parole du MPS le laissait espérer, elles se trouvent confrontées à un vote à 20 contre 1… En revanche, l’extrême droite a réussi à faire le plein de ses forces, en particulier après le ralliement tardif de l’UDC. Il faut donc s’attendre à ce qu’elle domine largement le débat avec une argumentation xénophobe et raciste.

Dans ce contexte, solidaritéS appelle la gauche politique et syndicale qui résiste à s’engager dans la lutte pour le renforcement des droits de tous les travailleurs, femmes et hommes, suisses et étrangers, résidents et immigrants. Les «mesures d’accompagnement» décidées par les Chambres sont en effet dérisoires et n’offrent aucune protection sérieuse contre le dumping social annoncé.

Dans l’immédiat, nous avons proposé que des résolutions soient déposées devant les parlements cantonaux, comme nous l’avons fait aux Chambres fédérales (cf. solidaritéS, n° 58), pour exiger un renforcement substanciel des droits des salarié-e-s, notamment la fixation de salaires minimaux et l’inscription dans la loi de l’obligation de réintégrer les délégué-e-s syndicaux et représentant-e-s des travailleurs victimes de licenciements abusifs. Nous rejetons en effet le marché de dupes auquel le Parti socialiste suisse et les Verts ont souscrit.

Que penser en effet du communiqué de presse du PSS du 15 janvier, qui se félicite d’une «extension de la libre circulation des personnes [qui] profitera autant aux personnes salariées qu’aux entreprises de notre pays (sic!)» et se poursuit par un soutien à l’impérialisme helvétique: «[la libre circulation] contribue à l’ouverture de marchés d’avenir (…) Pour une économie tournée vers l’exportation comme celle de la Suisse, où un franc sur deux est gagné à l’étranger, l’ouverture vers l’UE est décisive».

A l’opposé, nous estimons essentiel d’engager la lutte contre l’Europe forteresse et l’Europe des polices en combattant l’adhésion de la Suisse aux accords de Schengen-Dublin, auxquels ont également souscrit le PSS et les Verts. Nous défendons en effet une conception de la libre circulation, qui ne borne pas ses horizons à l’Euroland, contrairement aux accords bilatéraux avec l’UE ou à la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr).

Le NON que nous avons décidé à une large majorité contre le référendum de gauche n’est donc pas un OUI à une libre circulation restreinte, réservée aux seuls migrant-e-s européens, ni un OUI à des mesures d’accompagnement insignifiantes, qui ne permettent pas de défendre les salaires, l’emploi et les conditions de travail de la majorité des travailleurs-euses.

C’est en revanche un OUI à la libre circulation de toutes et tous dans des conditions décentes, sans discrimination de provenance. Un OUI à la signature par la Suisse de la Convention internationale pour la protection des droits des travailleurs-euses migrants. Un OUI à la régularisation des «Sans Statut». Un OUI à la défense du droit d’asile contre des restrictions incessantes. Un OUI surtout au renforcement de la lutte syndicale et politique pour l’extension des droits de tous les salarié-e-s qui travaillent en Suisse.

Jean BATOU