Institutrice engagée
Institutrice engagée
Le projet professionnel dAimée, dès lâge de 22 ans, cest de devenir institutrice. Ce nest quà 35 ans quelle le réalisera. On lui accorde une suppléance, elle fait le Collège du Soir pour obtenir un diplôme, puisque la guerre lavait forcée à interrompre ses études et quensuite, sans formation et jeune mère, elle avait fait plein de petits boulots pour gagner sa vie. (plonge, ménages, bonne denfants, taper des thèses, épauler son père dans son magasin de textiles).
Il faut dire quelques mots sur lactivité pédagogique dAimée. Là aussi, elle nest pas orthodoxe, et nobtempère pas quand on veut la remettre à lordre. Il y aura des problèmes à sa nomination, quelle finira par obtenir.
Elle pratique les méthodes actives inspirées de Célestin Freinet. Elle prend sous dictée les textes des enfants à qui elle apprend à lire et à écrire. Plus tard, ils impriment un journal de classe. Elle fait des dexpériences de physique et de chimie. Labord des mathématiques est un jeu. Elle respecte les différents rythmes dapprentissage et fait travailler les enfants par groupes, à une époque où la majorité des instits restent face à leur classe, les pupitres bien alignés en rang par deux.
Elle tient des assemblées générales quotidiennes où elle demande la parole au même titre que les élèves. Ils décident ensemble de lorganisation de la journée. Mais cela ne lempêche pas dêtre très exigeante avec ses élèves. Bien avant la lettre, elle organise des réunions de parents, sassurant de la présence de traducteurs. A la maison, on ne jette rien: tout peut servir pour les activités manuelles: les coquilles dufs, les rouleaux de papier de toilette, les couvercles de yaourt, tout! Quand elle veut le silence, elle leur joue de la flûte et parle à voix basse. Elle emmène ses classes voir des artisans dans leur atelier. Elle fait venir des grands-parents pour quils parlent du passé LHistoire nest pourtant pas au programme.
Durant toute sa carrière, on la déplacée décole en école et on ne lui a jamais confié de stagiaire Cela la faisait fulminer. On lui a fait payer son esprit rebelle, voire révolutionnaire et sa présence dans la liste des enseignants «communistes», dont on a appris lexistence au moment de laffaire des fiches.
A la retraite, elle participe activement à la mise sur pied de la «Petite Ecole» et y enseigne. Cétait une école pour les enfants clandestins qui nétaient pas scolarisés. Elle y fait venir la télévision, en sassurant que le visage des enfants soient cachés. Son credo: informer, faire prendre conscience, dénoncer, agir.
Muriel DOVAZ