Brigadistes, le revers de la médaille

Les Brigadistes de la guerre d’Espagne sont honorés dans toute l’Europe. En France, par exemple, ils bénéficient du statut d’ancien combattant. Le Conseil fédéral a été le premier gouvernement démocratique à recon-naître la dictature de Franco. Les Brigadistes suisses furent systématiquement condamnés à leur retour. Réaction au quart de tour de solidaritéS, du PDT, des Socialistes et des verts: accordons la médaille Genève reconnaissante aux Brigadistes survivants! C’était le 30 septembre, et la motion recommandait de traiter cette question très rapidement… Elle fut envoyée à la commission des Beaux-Arts présidée par une membre du Parti du Travail.

Les semaines passent, puis les mois, les arbres perdent leurs feuilles aux Bastions, puis vient la neige. La motion dort dans un placard. En mars l’avant dernier Brigadiste genevois Arthur Friedli, meurt¹. La commission se réveille. Evidemment, les bourgeois membres de cette commission, ceux dont les aïeux politiques soutenaient Franco, voient la chose d’un mauvais œil: «On en a déjà fait assez avec le monument de la rue Dancet! Votre motion, c’était un coup de colère qui n’est plus d’actualité. Mais bien sûr, puisque vous êtes majoritaires, vous pouvez faire ce que vous voulez, mais cela serait mieux de faire quelque chose avec lequel tout le monde est d’accord.»

C’est là que l’aspect le plus répugnant du travail de la commission entre en jeu! Car, au coude à coude avec les bourgeois, dans les coulisses du Municipal, l’atmosphère est bien différente des séances pleinières retransmises par TV Léman Bleu. On se tutoie, on se tape sur l’épaule, bref, c’est l’ambiance Rotary club! D’ailleurs, nous avons tous prêté serment pour défendre les intérêts de Genève! Certains membres de l’Alternative reculent donc. Un socialiste déclare qu’en effet on ne peut leur accorder cette médaille reconnaissante… puisqu’ils n’ont rien fait pour Genève, on peut donc classer cette motion; un écolgiste en rajoute une louche en mentionnant que, maintenant, on connaît la vérité, les Brigadistes se livraient à des règlements de compte, qui peut nous assurer que ceux que l’on honorera n’ont pas du sang de leurs camarades sur les mains? etc.

Les bourgeois exultent !

Bref, au maximum, on peut leur offrir un verre de Perlan, à l’occasion de la parution d’un ouvrage scientifique sur le sujet, mais point de médaille! J’étais rapporteur de ces lamentables débats. Dans mon rapport, j’ai osé mentionner qui à dit quoi sur la base des Procès verbaux des commissions. Cela n’a pas été du goût de tout le monde et particulièrement d’un socialiste! Mais plus généralement, le fait de révéler des extraits de ces PV était une première qui a fait du bruit, car le credo des bourgeois en la matière, est que le travail des commissions serait secret (ce qui n’a aucune base réglementaire, même si c’est un usage que l’on peut déplorer). Mais la médaille n’est pas perdue pour tout le monde! Qui la recevra le 28 juin? Un honorable banquier naturellement. Certains sociologues s’é-ton-nent du faible taux de participation aux élections dans notre pays… moi je m’étonne qu’il se trouve encore des milliers de salariés qui se déplacent!

1. «Adieu Arturo», solidaritéS n° 124 du 30 mars 2001