Contre la sous enchère salariale, un référendum légitime et nécessaire

Contre la sous enchère salariale, un référendum légitime et nécessaire

Les salarié-e-s se doivent d’employer l’arme démocratique du référendum pour résister à la vague néolibérale de dérégulation totale du marché du travail!

Dès la mise en œuvre de la première étape de la libre circulation des personnes avec l’UE en 2002, on a vu augmenter le dumping salarial et social en Suisse. A Zurich, les quelques 1000 contrôles paritaires menés en 2003 sur les chantiers ont mis a jour des abus dans 28% des cas, notamment sous forme d’infractions à la législation sur le travail et aux dispositions conventionnelles sur les salaires et la durée du travail. Dès juin 2004, date de la deuxième étape, les abus ont augmenté.

L’abandon du régime d’autorisation préalable à la prise d’emploi a entraîné la mise en concurrence accrue par le patronat des résidents avec les salarié-e-s venus de l’UE, grâce aux permis de courte durée, aux faux indépendants ou encore aux travailleurs-euses importés par des agences temporaires. A Genève, cette mise en concurrence accrue passe surtout par l’embauche d’employé-e-s frontaliers avec un accroissement de leur nombre d’environ 1000 par mois et une augmentation parallèle du chômage. A Bâle-Campagne aussi, il a été constaté une sous-enchère salariale dans un tiers des chantiers. Les pires infractions concernent les menuisiers et les monteurs de cuisines. Ces employés travaillent pour 12 (soit 18 Fr. de l’heure) alors que la CCT impose un salaire horaire de 28 Fr.

Les répercussions de ces attaques dans les entreprises sont alarmantes du point de vue de la division des travailleurs-euses. Partout en Suisse on constate une anxiété certaine des salarié-e-s… Dans les secteurs où le syndicat est relativement bien implanté, où une convention collective ou un contrat type de travail existe, une réponse collective peut être envisagée: lorsque des infractions sont constatées par les commissions paritaires, des sanctions sont administrées. Mais moins de 40% des secteurs sont régis par une convention et moins encore connaissent des salaires minimaux…

Unifier les salariés

Chacun reconnaît qu’une convention collective ou un statut est un cadre légal acceptable pour caler un rapport de force entre capital et travail, dans la mesure où il n’entérine pas la «paix du travail». Dans l’action syndicale présente et à venir nous devons offrir aux travailleurs-euses une stratégie claire qui parte des entreprises et qui vise à unifier l’ensemble des salarié-e-s sur une ligne de défense praticable: le renforcement des conventions collectives et leur extension à tous les secteurs.

En effet, si presque toutes les branches du bâtiment sont couvertes par des conventions collectives, 60% des secteurs sont non conventionnés. Il ne suffit donc pas de résister dans les secteurs qui peuvent le «moins mal» se défendre contre la sous-enchère. Dans un premier temps cette stratégie pourrait certes en rassurer certains, mais ces «citadelles» – comme EDF en France –, dont les salaires seront considérés comme abusifs, disparaîtront.

Cette stratégie de repli n’a pas d’avenir. Au contraire, il faut nous saisir de l’arme du référendum pour imposer, dans le cadre de la libre circulation des personnes, des conditions de régulation du marché du travail qui ne soient pas en défaveur des salarié-e-s.

Il faut conquérir un droit qui permette au syndicat, d’une part de fédérer rapidement les travailleurs d’une boîte ou d’un secteur sans tradition syndicale et d’autre part de se donner les moyens concrets de combattre la sous-enchère salariale.

Dans ce sens, l’extension d’une convention collective, d’un statut, et la mise sur pied d’un contrat type de travail, devrait être possible à la seule demande du syndicat. En parallèle lors de la demande de permis, l’employeur devrait communiquer aux commissions tripartites, les salaires, le temps de travail et les qualifications.

Une revendication déjà exprimée

Dans un premier temps, les représentants de l’USS ont défendu cette mesure. Ils n’ont pas réussi à la faire passer dans le paquet des mesures d’accompagnement négocié dans les Bilatérales I. Seule a subsisté la fameuse formule inefficace prévoyant qu’«en cas de sous-enchère abusive et répétée», l’extension d’une convention collective pourra être demandée.

Revenant à la charge lors des négociations bis, avec cette même revendication, ils n’ont pu obtenir que quelques aménagements, notamment 150 inspecteurs du travail de plus dans les cantons, une révision de la loi sur le travail temporaire et la modification des seuils permettant de demander l’extension d’une convention (aujourd’hui en cas de sous enchère «abusive et répétée», il faut que la convention à étendre couvre 30% des travailleurs-euses et 30% des employeurs d’un secteur, demain ce sera 50% des travailleurs «seulement»).

Sans des mesures d’accompagnements qui permettent aux organisations représentatives des salarié-e-s d’imposer l’extension de convention collective, l’extension des accords aux dix nouveaux pays de l’Est ne fera qu’accentuer la mise en concurrence des salarié-e-s par le patronat. L’arme du référendum est légitime et nécessaire pour faire aboutir la revendication d’extension d’une convention à la seule demande du syndicat, pivot d’une défense cohérente des salarié-e-s et véritable mesure d’accompagnement de la libre circulation des personnes.

Un référendum qui pourrait attiser la xénophobie?

Ne confondons pas la cause et l’effet… A ceux qui prétendent que ce nécessaire référendum engendrera de la xénophobie, on doit rappeler que c’est cette mise en concurrence accrue des salariés qui est la cause essentielle de la poussée xénophobe et raciste que nous constatons. Laisser exploiter les craintes légitimes des salarié-e-s par les xénophobes et l’extrême droite, sans intervenir politiquement pour défendre des revendications concrètes en termes de droits des travailleurs-euses, c’est discréditer l’idée même du droit à la libre circulation des personnes.

Rémy PAGANI