Résistance aux deux visages du néolibéralisme électrique

Résistance aux deux visages du néolibéralisme électrique

Fin septembre, se terminait la consultation organisée par le Conseil fédéral sur son nouveau projet de loi de libéralisation-privatisation électrique qui vise à remettre sur le métier ce qui a été refusé par le peuple en 2002, lors du NON à la LME, suite au référendum que nous avions contribué à initier.

La loi proposée par Moritz Leuenberger & Co prévoit une «libéralisation» du marché en 2007 pour les gros consommateurs et une ouverture totale dans une deuxième étape, soumise à référendum facultatif, cinq ans plus tard… En clair, la volonté populaire et les arguments des référendaires n’ont pas été pris en compte. Dans leur plateforme, ceux-ci affirmaient des objectifs qu’il faut relire (v. ci-dessous).

Pourtant, même le projet du gouvernement est mis sous pression par des ultralibéraux qui veulent tout, tout de suite. Dans ce sens, le parlementaire radical argovien Speck – membre du Conseil d’administration du géant électrique Axpo – a fait voter par le National une initiative parlementaire visant une ouverture totale plus rapide et avec le moins de conditions possible.

Le national met la gomme

Une récente décision de commission du national a appuyé cette orientation, demandant par ailleurs que le projet soit «déficelé». Ce qui concerne le commerce et le transit international de courant, et les énergies renouvelables étant basculé dans d’autres lois pour «alléger» encore le projet.1 Dans ces conditions, la seule chose certaine, quand à ce qui sortira des Chambres, c’est le «bébé» ne répondra pas aux attentes des référendaires anti-LME… et que nous aurons à lancer un deuxième référendum électrique.

Un deuxième front «sauvage»

Mais, la libéralisation-privatisation de l’électricité dans ce pays a un deuxième visage. Profitant du «vide» juridique découlant du refus de la LME, qui pourrait d’ailleurs perdurer en cas de refus d’une LME bis, la Commission de la Concurrence (ComCo) et le Tribunal fédéral ont affirmé qu’en l’absence de monopoles légaux explicites dans les cantons, les consommateurs étaient prétendument fondés – sans attendre une législation fédérale concernant ce secteur – à exiger des entreprises électriques cantonales, de faire transiter du courant acheté «librement» sur le marché.

Cette offensive de «libéralisation sauvage», visant à contourner le processus démocratique, à créer des fait accomplis et à valider l’idée que l’électricité peut être réduite au rang de marchandise ordinaire… a suscité des réactions cantonales. Fribourg a voté une loi en 2003, en septembre 2004 le Grand Conseil neuchâtelois a institué un monopole cantonal en matière électrique, le Conseil d’Etat vaudois a un projet analogue…

Front anti-néolibéral à Genève

A Genève, où la LME a été refusée par deux-tiers des votants, les velléités de certains milieux de forcer les Services industriels de Genève (SIG), entreprise à 100% publique, à «ouvrir» leur réseau, a suscité le lancement d’une initiative populaire cantonale. Elle vise «simplement» à confirmer et à expliciter le monopole public cantonal existant, exercé par les SIG, en matière d’approvisionnement et de distribution d’eau, de gaz et d’électricité. Cette initiative intitulée «Eau-Energie: notre affaire! – Respect de la volonté populaire»2, que solidaritéS a contribué à impulser – a reçu l’appui d’un large front d’organisations politiques, dont l’ADG, le PdT, le PS, les Verts, Les Communistes… d’organisations syndicales, dont la CGAS, le SSP-Ge et le SIT, d’associations antinucléaires et de défense de l’environnement: Coordination-Energie, ContrAtom… Elle est également soutenue par Attac-GE et le Forum Alternatif Mondial de l’Eau / CH…

A Genève, une ouverture du marché électrique mettrait en péril les dispositions concernant la politique énergétique environnementale et antinucléaire du canton inscrite dans l’art. 160E de la constitution cantonale – issu lui aussi d’une initiative populaire – et dont les SIG genevois sont un pivot indispensable. C’est une des motivations fortes des initiants.

Réduit cantonal?

Il faut souligner que cette initiative ne reflète pas une volonté de repli sur un illusoire «réduit cantonal», en espérant éluder les effets de la libéralisation-privatisation à l’échelle nationale. Au contraire, outre ses objectifs cantonaux, elle s’inscrit pleinement dans l’opposition à celle-ci, et les 10000 signatures – à récolter! – représenteront une réponse plus démocratique à la consultation fédérale récemment close, que celle du Conseil d’Etat genevois qui n’a – évidemment! – pas osé dire NON au projet de libéralisation proposé par Moritz Leuenberger & Co…

Pierre VANEK

  1. V. NZZ du 4.11.04 «Nun doch subito zum freien Strommarkt?»
  2. Les «Genevois-e-s» trouveront l’initiative sur notre site www.solidarites.ch

«Le comité référendaire s’oppose fondamentalement à la libéralisation et à la privatisation de l’approvisionnement en électricité. Le système actuel des monopoles, concédés par les communes et les cantons, et des centrales et entreprises électriques majoritairement publiques a prouvé sa fiabilité. De ce fait, nous ne voulons pas d’une loi sur le marché de l’électricité favorisant la déréglementation et la privatisation du secteur de l’électricité mais une loi sur l’approvisionnement en électricité garantissant un approvisionnement en énergie sûr, durable et économique pour toute la population. Cette loi devrait s’appuyer sur les piliers suivants:

  • Les réseaux et les grandes centrales doivent intégralement être entre les mains des pouvoirs publics. D’une importance stratégique, ils doivent être soumis à un contrôle public et démocratique.
  • L’objectif premier de la loi doit être de garantir la sécurité de l’approvisionnement.
  • Tous les distributeurs sont obligés de proposer une part d’énergies renouvelables à des prix abordables.
  • Un mécanisme de soutien financier à la recherche et aux investissements dans les nouvelles sources d’énergie doit être introduit.
  • La loi doit contraindre les cantons à introduire une tarification favorisant les utilisateurs économes et défendant les petits consommateurs. Les économies d’énergie doivent être récompensées.
  • Des mesures doivent être prises pour la sauvegarde des emplois, notamment à travers la promotion des énergies nouvelles et le développement des services dans le secteur énergétique.

Nous revendiquons une économie de l’électricité respectueuse de l’environnement, sociale et soumise à un contrôle démocratique. Il y aura donc lieu d’élaborer rapidement une législation qui tienne compte de ces principes et ne se fonde pas sur le profit à court terme, après la victoire au référendum. Notre engagement contre la LME est un engagement en faveur d’un service public décentralisé et démocratique dans le secteur de l’électricité.»

Comité référendaire contre la LME