Valse des millions au stade: carton rouge pour la Ville de Genève!

Valse des millions au stade: carton rouge pour la Ville de Genève!

Le «Comité de citoyennes et citoyens contre tout nouveau crédit pour le stade de la Praille» a déposé, mardi 10 août, 5256 signatures à la Chancellerie à l’appui de leur référendum contre le crédit de 2,5 millions de francs voté par le Conseil municipal pour le stade. Ce succès, auquel solidaritéS a modestement contribué, permet d’ouvrir le débat et laisse aux citoyen-ne-s de la Ville de Genève la décision sur le financement du Stade de la Praille par les impôts municipaux. Entretien avec Luc Gilly, l’un des militants qui ont porté le référendum en juillet et en août.

Luc on connaissait ton désamour pour les militaires, avec ce référendum tu t’attaques au football…

J’aime le sport et le football, j’en ai fait moi-même. Le problème n’est pas le football mais qui va payer pour le stade, notamment pour éponger les dettes accumulées lors des travaux (14 millions ) et celle à venir du budget de fonctionnement (2,8 millions par an ). Il est aujourd’hui intolérable qu’on demande encore de l’argent aux collectivités publiques (Confédération, Etat et Ville de Genève et Ville de Lancy) alors qu’elles en ont déjà donné à hauteur de 38 millions de francs. Il est temps que les privés mettent la main au porte-monnaie et assument leur responsabilité financière. Pour moi, il est évident que les matchs continueront à se jouer à la Praille et que l’Euro 2008 aura bien lieu même si la fondation du stade fait faillite. Le référendum nous permet enfin d’avoir un débat démocratique sur le financement du Stade.

Pourquoi le financement du stade pose-t-il autant de problème?

Le projet du stade a toujours été flou et a été l’objet de nombreuses manipulations. En 1998, on nous a annoncé que la création du stade de Genève coûterait 68 millions de francs. Aujourd’hui, nous en sommes à 117 millions de dépenses. Cette entourloupe des investisseurs privés, on le voit aujourd’hui, était destinée à racketter les collectivités publiques. Il était beaucoup plus intéressant financièrement pour les privés d’investir dans un centre commercial sur un terrain déclassé qu’ils ont pu obtenir grâce à leur promesse de financement du stade. C’est d’ailleurs le même processus qui se passe partout en suisse. Des grands groupes financiers profitent du sport pour obtenir des terrains à bon marché et des autorisations de construire qu’ils n’auraient jamais obtenu autrement.

Comment débloquer la situation?

Simplement en refusant clairement que nos impôts financent encore le stade, le référendum c’est pour ça. Ce refus sera un message clair aux investisseurs privés qui n’ont pas mis sur la table les sommes qu’ils ont promises en 1998 (comme le Crédit Suisse ou Jelmoli qui font de gros bénéfices ou Hypomène dirigé par Benedict Hentsch, patron de la fondation du stade). De plus, les banques qui n’ont jamais fait autant de profits, comme l’UBS, pourraient également mettre la main à la poche.

Les gros problèmes de ce stade sont que le montage financier était tronqué, qu’il est trop grand pour être rentable, qu’il n’a pas été prévu pour d’autres manifestations sportives (Athlétisme) ou musicales. On a fait croire aux Genevois-e-s que les concerts allaient éponger les dettes, mais il s’avère que le stade n’est pas adapté, comme l’a prouvé avec le seul et unique concert, celui de Johnny.

Que réponds-tu à Pierre Maudet du parti radical qui prétend que l’ADG utilise ce référendum comme une revanche après que l’initiative populaire cantonale «Pour un projet de stade raisonnable» ait été invalidée et qui accuse le comité référendaire de vouloir duper les gens?

Pierre Maudet nous accuse de bafouer la démocratie avec ce référendum. J’ai du mal a comprendre ses attaques, car nous allons obtenir enfin le débat démocratique qui n’a effectivement jamais eu lieu suite à l’invalidation de l’initiative «Pour un projet de stade raisonnable». Je lui rappelle que ce référendum a été lancé par un comité citoyen-ne-s composé de genevois mécontentés par la décision du Conseil municipal et exerçant leur droit de recours par référendum.

De plus Maudet nous accuse de ne pas avoir mentionné que le crédit de 2,5 millions de la Ville est «remboursable» sur 30 ans. Nous ne sommes pas dupes, pour nous il est clair que la Ville ne reverra pas cet argent, tout comme les 4 millions déjà versés par celle-ci. Cet argent est un cadeau. Même embrouille avec la création de la «fondation de droit public» que le Conseil municipal a assorti à l’octroi du fameux crédit. Par ce biais, les collectivités publiques vont récupérer tous les déficits du stade pour la plus grande joie des investisseurs privés qui n’auront plus besoin d’assumer les coûts.

Ces pratiques sont intolérables, alors qu’on sait que le budget de la Ville doit être revu à la baisse et qu’elle a déjà renoncé à financer la création de certaines crèches. 2,5 millions pour un stade en déficit ou pour des crèches ou d’autres besoins sociaux urgents, les Genevois auront le choix!

Pourquoi un «comité citoyen»?

Les personnes qui ont lancé l’initiative sur la construction du stade ont tout de suite réagi. Vu que nous étions en période de vacances d’été et que le référendum était uniquement sur la Ville de Genève nous devions faire très vite, c’est pour cela que nous avons renoncé à attendre le soutien des partis. Mais des membres de l’Alliance de Gauche et des Verts nous ont soutenus activement ou vont nous soutenir.

L’ambiance des stands?

Incroyablement bonne, les gens ont très bien compris notre démarche. En moyenne nous avons obtenu 180 signatures par jour de stand tenu. Les gens du comité ont fait un énorme travail. Nous pensions avoir beaucoup plus de difficulté pour obtenir les 4000 signatures nécessaires. Ce résultat nous rend confiants pour la suite.

Entretien réalisé par Romain KULL