Réseau anti-répression européen: les premières bases sont posées

Réseau anti-répression européen: les premières bases sont posées

Les bavures, les dérapages, l’impunité des forces de l’ordre, les mises en accusations chancelantes, les classements sans suites de plaintes, les projets de lois liberticides, etc. ne sont pas des faits isolés! Ils sont le résultat d’une politique de répression voulue, construite, orchestrée par les pouvoirs politiques en place tant européens que mondiaux. Pour contrer cette logique, un réseau européen anti-répression a vu le jour à Genève en juin dernier. Retour sur une initiative qui mérite d’être soutenue.

Il s’est tenu à Genève les 26 et 27 juin derniers, à l’Usine, la toute première réunion de mise sur pied d’un réseau européen Anti-répression. Mouvement lancé par les victimes de la bavure policière du pont d’Aubonne lors de l’antiG8 d’Evian 2003, et condamnés le 28 juin de cette année à Nyon.1

Organisées par quelques militant-e-s, avec le concours du Forum Social Lémanique, ces deux journées de travail ont réuni plus d’une centaine de personnes, de tous âges, tous horizons et tous pays: Suisse, France, Allemagne, Belgique, Angleterre, Luxembourg, Italie, Finlande, Espagne.

Stress post-traumatique

Martin Shaw, principale victime d’Aubonne, après s’être remis des lésions corporelles dont il gardera à jamais de graves séquelles, a entamé il y a quelques mois une tournée des grandes villes européennes avec ses camarades d’infortune. Façon à eux de gérer le traumatisme psychologique qu’ils ont subi, n’ayant pas trouvé, loin s’en faut, de structures adéquates à leurs cas si particuliers.

Lors de cette tournée, une prise de conscience générale s’est faite autour de la sous-estimation des troubles psychologiques et comportementaux dus à la politique de répression et d’intimidation exercée par la police. Quel que soit le pays, les mœurs ou les méthodes, les résultats sont tous identiques.

Hélas, des exemples concrets de personnes présentes, complètement bloquées par leurs expériences et n’ayant pas pu s’en ouvrir librement dans leurs propres groupes, mouvements ou organisations, témoignaient des méfaits de cette pression constante et de notre mauvaise prise en compte de telles séquelles.

Des spécialistes, psychologues, urgentistes… toutes femmes et hommes de terrain, ont été conviés à travailler en petits groupes durant les deux jours. Le but était de mettre en place des bases pour que, lors des prochaines manifestations, des personnes «préparées», «instruites», puissent agir directement sur place. Car tous s’accordent à dire que les premiers instants sont primordiaux, que d’être entouré par des gents semblables à eux, ayant la même approche, et non celle agressive et réprobatrice, voir insultante, de la police est prépondérante dans l’après traumatisme. Beaucoup d’épreuves traumatisantes, si elles sont gérées correctement, même par des non professionnels, laissent moins de traces et facilitent le suivi postérieur des victimes.

De plus la préparation psychologique à d’éventuelles situations traumatisantes, par le dialogue ou d’autres formes d’expression, contribue efficacement à s’en protéger de manière préventive. Tout comme le fait de pouvoir ensuite parler, échanger chacun ces émotions, ces sentiments.

Faire face aux inculpations

Des juristes ont expliqué certains détails des accords de Schengen, comme la construction d’un fichier européen répertoriant nombre de militants ou l’assimilation à du terrorisme de toute action portant atteinte à l’économie et aux institutions du pays.

Il a également été question de monter un réseau d’échange entre legal-team européens sur le modèle allemand, superbement structuré et qui existe depuis bientôt 20 ans, comprenant des avocats à temps plein, des journalistes et des bénévoles pour tenir des piquets devant les commissariats, ou sur le modèle belge dont des avocats militants, également actifs à temps plein, se désignent volontaires pour être commis d’office lors d’inculpations de militants… Malheureusement, peu de gens bénéficiant de telles aptitudes représentaient notre région.

Dimanche, les avocats italiens et madame Giuliani sont venus nous faire un bref exposé sur la situation des procès de Gênes. Ce collectif d’avocats s’est créé, constatant que seul un rappel à la loi, dans certaines situations et surtout lors des grandes manifestations, pouvait stopper les dérives d’une police à qui le pouvoir laisse de plus en plus carte blanche pour «gérer» des protestations démocratiques et politiques.

Les propos qu’ils nous ont tenus étaient surréalistes. 25 personnes sont inculpées pour «consensus psychique préalable à dévastation et pillage d’une ville», c’est-à-dire qu’ils étaient d’accord de se rendre à une manifestation dont ils savaient qu’elle pourrait mal tourner. Il y aurait donc là préméditation, même s’ils n’ont rien fait personnellement… Ils encourent des peines pouvant aller jusqu’à 16 ans de prison. Quant aux policiers inculpés, les délais de prescription sont si courts en Italie que les avocats pensent qu’ils seront peu nombreux à comparaître devant un tribunal, vu la lenteur des démarches.

Une nouvelle fois, ils ont souligné l’importances des échanges qui peuvent être faits en Europe notamment, car le fait de savoir qu’un fort mouvement vient de naître ne manquera pas d’inquiéter nos adversaires.

D’autre débats ont eu lieu, notamment sur comment ne pas perdre son identité face au système carcéral. Sur cette question, Mark Barnsley, un Anglais injustement condamné à plus de dix ans de prison et fortement entouré par un comité de soutien, a donné une remarquable leçon de courage et de pugnacité face au système des prisons privées, qui ne sont rien d’autre qu’une forme d’esclavage rentabilisé, poussé à son paroxysme.

Une synthèse de ce week-end, avec tous les compte rendus, les contact, et les événements à venir est en cours d’élaboration. Ce sera l’occasion de revenir plus en profondeur sur cette initiative salutaire.

Blaise ORTEGA

  1. Voir solidaritéS n°47