Le capital fait ses jeux, rien ne va plus...


Le capital fait ses jeux,
rien ne va plus…


L’immigration clandestine est nécessaire au capitalisme. C’est pourquoi le contrôle accru des frontières va de pair avec l’ouverture croissante du marché du travail. Les Etats-Unis montrent l’exemple.
En Russie, la main-d’œuvre la plus qualifiée est embauchée au rabais par les grandes multinationales, en particulier américaines. L’effondrement de l’Union Soviétique a été donc une formidable affaire industrielle pour l’Occident…
Pour tendre une perche au nucléaire en dépit du problème insoluble des déchets, la Fédération de Russie propose de transformer la Sibérie en poubelle mondiale pour les combustibles irradiés. Comme si Tchernobyl ne suffisait pas.

Jean Batou

Frontières fermées, marché du travail ouvert


Les Etats-Unis dépensent deux milliards de dollars par an pour l’édification de barrières et l’entretien de patrouilles frontières contre l’immigration illicite en provenance du Mexique. En même temps, le nombre de victimes parmi les candidats au passage clandestin ne cesse d’augmenter. L’an dernier, la contrebande de travailleurs avait causé la mort de 400 migrants, soit cinq fois plus qu’en 1995!


Pourtant, les législateurs qui votent des crédits en hausse pour fermer les frontières s’opposent aux enquê-tes des services de l’immigration, qui ne comptent que 300 inspecteurs à plein temps sur les lieux de travail. Dans certains Etats comme l’Utah, la Caroline du Nord et le Tennessee, on délivre des permis de conduire aux sans papiers; la Californie et le Texas envisageant d’en faire de même. Enfin, dans certaines villes en crise, les autorités développent des programmes spéciaux pour encourager l’immigration. A Pittsburgh, par exemple, une grande fondation a investi près d’un million de dollars dans une série d’initiatives visant à créer des emplois pour les migrants et à faciliter leur intégration.


En fait, les 6 à 9 millions d’immigrés illicites sont absolument indispensables aux entreprises états-uniennes, pour lesquelles ils constituent un réservoir inépuisable de bas salaires. C’est pourquoi, même les proches du président Bush ont abandonné les solutions xénophobes les plus agressives d’un Pete Wilson, gouverneur de la Californie au milieu des années 90, pour une attitude… disons… plus pragmatique. De son côté, l’an dernier, l’AFL-CIO, traditionnellement favorable au contingentement, en a surpris plus d’un en appelant à une amnistie générale pour tous les clandestins.


Quand les ingénieurs russes travaillent pour Boeing


Boeing emploie déjà 650 ingénieurs et spécialistes en informatique à Moscou; cet effectif devrait encore croître fortement l’an prochain. Comme le note le responsable pour la Russie du géant américain de l’aéronautique: «il n’y a pas d’autre endroit au monde où tant de détenteurs de doctorats au chô-mage cherchent des emplois de mécaniciens sur auto». De sur-croît, les anciens concepteurs d’Ilyushin ou de Tupolev «savent des choses que nous ne savons pas».


Les investisseurs américains ne sont pas seulement impressionnés par le coût réduit de la main-d’œuvre russe ultra-qualifiée (46$ de l’heure, tout compris, selon un représentant syndical), ils le sont aussi par les qualités de ces professionnels: «Les Russes sont créatifs – ce sont des types qui ont conçu des vaisseaux spatiaux… Si vous avez un problème ardu qui requiert une économie d’espace ou des systèmes de gestion scientifiques complexes… les Russes sont vraiment bons.» Qui sait les profits que l’industrie privée américaine tire de l’effondrement du système soviétique!


Exportez vos déchets nucléaires en Russie !


La Fédération de Russie s’apprête à ouvrir ses frontières pour le plus grand dépôt international de déchets radioactifs en Sibérie. Cela pourrait lui rapporter 21 milliards de dollars (1600 $ le kilo) dans les deux prochaines décennies pour 20’000 tonnes de déchets toxiques en provenance de 15 pays. La proposition est explicitement conçue pour faciliter la relance des programmes nucléaires en Occident, à un moment où la hausse des prix du pétrole et les pénuries de courant électrique donnent des ailes à leurs partisans.


Le stockage et/ou le retraitement des déchets nucléaires constitue en effet une source majeure de difficultés. Aux Etats-Unis, ils sont entreposés à proximité des réacteurs encore en activité sur 16 sites (36 en 2004). Mais les producteurs veulent à tout prix les évacuer pour des raisons de coût, mais aussi d’image, vers un dépôt central financé par les pouvoirs publics dans le désert du Nevada. Mais le projet paraît déjà trop petit… Ne faudra-t-il pas réenvisager leur exportation ?



  • Sources New York Times, des 25, 26, 27, 30 mai et 4 juin 2001.