Blocher et sa police contre les étrangers
Blocher et sa police contre les étrangers
La nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr) nest pas encore entrée formellement en vigueur. Et pourtant, dans les faits, Blocher et sa police des étrangers serrent la vis. Ils appliquent la LEtr avant la lettre! Cest du reste dans cette perspective que les chefs des Offices du Département de justice et police (DFJP) viennent de publier, conférence de presse à lappui, un rapport sur limmigration clandestine. Il sagit de baliser le terrain, de marteler, aux yeux de lopinion publique, la propagande xénophobe devenue la voix de la Suisse officielle: tout étranger, toute étrangère est un-e délinquant-e, il-elle abuse, il-elle doit être réprimé-e et renvoyé-e, sans autre forme de procès.
Circulaire Metzler, un miroir aux alouettes!
Le 21 décembre 2001, en réponse à la revendication de régularisation collective portée par le mouvement des sans-papiers, Ruth Metzler, alors Cheffe du DFJP, avait édicté une Circulaire «Pratique des autorités fédérales concernant la réglementation du séjour sagissant de cas personnels dextrême gravité». Les autorités prétendaient ainsi ouvrir une voie de régularisation au cas par cas pour les sans-papiers. Exit toute solution collective! Cette Circulaire nétablit aucun droit à une régularisation, même si létranger-ère sans-papiers remplit les conditions posées pour lobtention dun permis humanitaire (notamment durée du séjour, intégration sociale et professionnelle).
La liberté dappréciation et une très large latitude de jugement de lautorité sont de règle: en dautres termes, cest le règne de larbitraire. Si quelques régularisations individuelles ont pu être obtenues, cette voie sest très vite révélée sans issue pour limmense majorité des personnes sans-papiers. Ce fait na pas empêché du reste la majorité de la fraction parlementaire socialiste au Conseil national, pour justifier son acceptation indigne de la LEtr, de sappuyer notamment sur linscription, dans le projet de loi, des critères figurant dans la circulaire Metzler et sur celle de lobligation faite aux autorités cantonales d«examiner» les demandes de permis humanitaires déposées répondant aux dits critères! «Examiner», voilà qui nengage guère quelle imposture!
Si lUnion démocratique du centre (UDC) sest opposée à un tel amendement, cest uniquement pour des raisons idéologiques. Elle sait très bien que ladministration fédérale, sous la houlette de Christoph Blocher, a dores et déjà fermé quasi totalement la porte, aussi petite quelle fût, à une régularisation au cas par cas, alors même que la Circulaire Metzler na pas été abolie
Blocher et le déni de droit
LOffice fédéral de limmigration, de lintégration et de lémigration (imes) nie aujourdhui en effet que la durée du séjour illégal puisse être même prise en compte comme motif pertinent pour lobtention dun permis B humanitaire. Il prétend en outre que lirrégularité du séjour en tant que telle constituerait un obstacle! Bref, cet Office multiplie les décisions de refus, allant systématiquement à lencontre des préavis positifs donnés par certains cantons.
Des familles entières de sans-papiers sont dès lors menacées de renvoi, punies quelles sont davoir entrepris une démarche individuelle de régularisation! A la précarité vécue par les sans-papiers sajoute encore une insécurité juridique, sans parler de la peur permanente des contrôles policiers au faciès dans la rue, qui se multiplient dans un tel climat.
Le Tribunal fédéral ajoute sa note dans la partition…
En confirmant récemment la condamnation à une amende dune institutrice fribourgeoise ayant hébergé durant trois mois un sans-papiers, appliquant ainsi la loi existante dans toute sa rigueur, la plus haute juridiction du pays a manqué loccasion daffirmer la prééminence des droits fondamentaux de la personne, en particulier du droit à lhospitalité, par rapport à une législation pénale qui aurait dû céder le pas dans de tels cas. Soigner des sans-papiers, scolariser des enfants de sans-papiers, faire en sorte quune famille de sans-papiers puisse se loger, est-ce véritablement commettre le délit «daide au séjour illégal»? Un délit dhumanité, certainement.
Jean-Michel DOLIVO