Elections européennes: résultats mitigés des anticapitalistes

Elections européennes: résultats mitigés des anticapitalistes

Les élections européennes du mois dernier dans les 25 pays de l’Union ont été marquées avant tout par trois phénomènes: l’abstention, la sanction des équipes gouvernementales en place et la polarisation des voix par les deux grands blocs: conservateur et social-démocrate. Ces résultats reflètent d’abord le déficit démocratique des institutions européennes et de leur fonctionnement, de plus en plus déconnectés des aspirations d’une majorité des populations. Dans ce contexte, les Verts et le Parti de la gauche européenne (PCs) ont sauvé les meubles. En revanche, la gauche anticapitaliste a eu de la peine à émerger. Nulle part en Europe, la gauche anticapitaliste ne parvient vraiment à traduire sur le plan électoral l’influence dont elle jouit au sein des mouvements sociaux.

La gauche sociale-libérale et les Verts ne présentent aucune alternative systémique au capitalisme. De surcroît, ils adhèrent tous plus ou moins explicitement aux fondements des politiques néolibérales des gouvernements en place, qu’ils en fassent partie ou non… Un espace s’ouvre donc pour la construction de formations politiques anticapitalistes et féministes, enracinées dans des couches plus larges de la population. Les résultats électoraux, aussi déformés soient-ils, montrent cependant que nous en sommes encore loin. Que faire pour répondre au mieux à un tel défi? Il nous faudra reprendre ce débat, qui nous concerne aussi directement en Suisse.

En attendant, nous nous limiterons ici à quelques commentaires sur les résultats des principales listes de la gauche anticapitaliste européenne.

Angleterre et Pays de Galles: Blair aux enfers

C’est l’élection des records: taux de participation le plus bas depuis l’introduction du suffrage universel; score le plus faible des Travaillistes depuis la Première guerre mondiale; cassure en deux de l’électorat conservateur, dont une partie a reporté ses voix sur le Parti de l’Indépendance du Royaume-Uni.

Dans ce contexte, la présence de Respect, qui rassemblait l’essentiel de la gauche anticapitaliste, dont le Socialist Workers Party (SWP), une fraction de la gauche syndicale et un certain nombre d’associations musulmanes, mobilisées contre la guerre en Irak, a permis d’affirmer le début d’une alternative de gauche, avec 1,7% des suffrages en moyenne dans l’ensemble de l’Angleterre et du Pays de Galles (Grand Londres: 4,8%, Birmingham: 7,4%, Leicester: 10%, etc.). Au niveau syndical, on relèvera la fracture qui ne cesse de s’élargir entre la base et le Labour, notamment dans les transports, le service du feu, la poste et la fonction publique. C’est un atout important pour l’avenir.

Ecosse: abstention populaire

La droite et l’extrême-droite nationales, y compris le Parti pour l’Indépendance du Royaume-Uni, recueillent moins de 25% des voix, contre 50% en Angleterre et au Pays de Galles. En se distanciant de Blair, compte tenu des difficultés du Parti nationaliste écossais, le Labour a cependant mieux résisté qu’ailleurs, ce qui n’a pas empêché les Verts de faire un bon résultat. Dans ce contexte, avec 5,2% des voix, le Parti socialiste écossais reste stable. Cela est dû sans doute à l’abstention des milieux populaires: «Pour un chômeur qui habite un logement social humide et qui lutte contre la pauvreté, note Alan McCombes, le Parlement européen pourrait aussi bien se situer sur Jupiter».

France: vote contre la droite

La droite au pouvoir est à nouveau sanctionnée. L’Union pour une Majorité Populaire (UMP), le parti de Jean-Pierre Raffarin, qui entendait dépasser les divisions de la majorité, arrive derrière l’UDF de François Bayrou, avec 16% des suffrages (7% des inscrits!). C’est la sanction d’une politique sociale ultra-agressive: mise en cause des retraites et de santé, privatisations accélérées, asphyxie de l’enseignement, de la recherche et de la culture, renforcement de l’injustice fiscale… De leur côté, les listes souverainistes et d’extrême-droite marquent le pas (le Front National conserve tout de même 10% des voix).

Dans ce contexte, marqué surtout par l’abstentionnisme (57%, mais près de 80% chez les 18-25 ans), le PS réussi à rassembler 30% des suffrages sur un slogan attrape-tout: «Demain l’Europe sociale», qui exprime le rejet des politiques néolibérales. Les Verts (6,5%) et le PC (5%, contre 7% en 1999) reculent. Quant aux listes d’extrême-gauche, elles font un résultat décevant, avec 2,7% des voix, qui traduit certes les difficultés rencontrées par les résistances sociales sur le terrain, mais devrait aussi inciter les anticapitalistes, au-delà de LO et de la LCR, à relancer le débat sur la stratégie de construction d’une force politique commune

Italie: carton rouge pour Berlusconi

La gauche et le centre-gauche se sont mobilisés pour sanctionner le gouvernement populiste réactionnaire de Silvio Berlusconi. En effet, plus de 73,5% des électeurs se sont rendus aux urnes. Pourtant Berlusconi n’avait cessé d’attaquer la gauche et appelé à serrer les rangs en ignorant «les petits partis». Au sortir des urnes, les scores sont sans appel: Forza Italia recueille un peu plus de 20% des suffrages, en net recul par rapport aux élections européennes de 1999 (25,2%) et surtout aux législatives de 2001 (29,4%).

Les grands vainqueurs sont les partis de centre gauche, unis dans une coalition hétéroclite, l’Olivier, regroupant les Démocrates de gauche (PDS), la Marguerite, les socialistes démocratiques et les Républicains. Ils recueillent plus de 30% des voix. Quant à Rifundazione communista (PRC), dans un contexte difficile, il progresse par rapport à 1999, avec un score de 6,1%, et envoie au Parlement européen cinq député-e-s: Fausto Bertinotti, Luisa Morgantini, Roberto Mussachio, Vittorio Agnoletto et Nicky Vendola.

Portugal: succès du Bloc de gauche

Seuls 38,7% des électeurs/trices se sont rendus aux urnes. Sur ce gros tiers de votants, les partis du gouvernement de José Manuel Durao Barroso, les partis social-démocrate et populaire, coalisés au sein de Força Portugal, ne recueillent que 33,2% des suffrages.

Quant aux socialistes, ils profitent du désaveu des partis au pouvoir en obtenant plus de 44,5%, soit douze député-e-s. L’alliance du Parti communiste portugais et des écologistes fait quant à elle un score tout à fait honorable de 9,1%. Mais la bonne surprise, c’est le résultats du Bloc de gauche: 4,9%. Fondé en 1999 par l’UDP (ex-maoïste), le PSR (Quatrième Internationale) et un groupe issu du PC (Politica XXI), il a réussi à dépasser largement les horizons respectifs de ces trois formations. Ce résultat lui permet d’entrer pour la première fois au Parlement européen avec un député, Miguel Portas.

Rédaction